Nintendo : des cartes à jouer au Game Boy

Ah! Nintendo, un grand nom dans l’univers du jeu vidéo. Certains l’adulent, d’autres l’ignorent et quelques uns ne l’apprécient guère! Mais voilà, sans cette société, les jeux vidéos n’auraient peut-être pas l’engouement qu’on leur connaît. Cette première partie vous conte comment Nintendo, une petite fabrique japonaise, a réussi à être gravir les échelons et devenir ainsi le leader incontesté du marché des consoles dans les années 80.


La GameBoy et Tetris

Petite mais costaud

L’équipe d’ingénieurs du département R&D1 dirigé par Gunpei Yokoi ne travaillait pas que pour la NES. Elle développait également desjeux pour les Game & Watch et a amélioré le système en créant des Game & Watch double écrans. Ces petits jeux portables sont très populairesmais moins que Nintendo l’espérait. La plupart des utilisateurs n’achète qu’un seul Game & Watch alors que tous les ans sortent de nouveauxjeux, au total 59 seront produits. Pour insister le consommateur à acheter plus qu’un seul jeu il fallait innover tout en gardant leconcept « jouer où vous voulez ». L’idée était de le coupler avec le principe de la cartouche interchangeable.

Game & Watch Zelda double écrans

En 1987, Gunpei Yokoi montre un prototype de la Gameboy au président Hiroshi Yamauchi. Il emprunte beaucoup d’éléments au Game & Watch,un écran LCD en noir et blanc, une taille réduite et une grande autonomie. Yokoi prédit que la petite portable se vendra à plus de 25millions d’exemplaires en 3 ans et Yamauchi très impressionné partage cet avis. Néanmoins le produit n’est pas encore près, il faut encorerégler quelques détails comme réussir à baisser son prix de revient et surtout développer des jeux attractifs. Le département R&D1 estdonc encore mis à contribution pour concocter des titres accrocheurs car les autres groupes de recherches sont occupés avec la NES. Lechoix se tourne bien sûr vers notre compère moustachu à la casquette rouge, adepte de tous les records et dont la notoriété n’est plusà prouver. Il part pour de nouvelles aventures dans Super Mario Land, il doit délivrer le royaume de Sarasaland et la princesse Daisydes griffes de l’ignoble Tatanga. Le jeu reprend le principe de Super Mario Bros en plus simplifié alors que le troisième épisodesort en 1988 sur NES. Les caractéristiques de la Gameboy ne sont pas encore bien déterminés, il est donc normale que les premiersjeux qui sortent sur ce support ne soient pas très développés mais néanmoins très ravageurs. Les graphismes de Super Mario Land sontcertes parfois minimalistes mais le fun est maximum.

Super Mario Land

Minoru Arakawa, le president de Nintendo of America a l’idée d’un autre jeu pour le lancement de la GameBoy. Il pense à un jeu quivient de sortir en arcade et qui est déjà très populaire auprès des petits comme des grands. Il s’agit du très célèbre Tetris sorti en1988. Arakawa convoque Henk Rogers, président de Bullet Proof, il lui explique qu’il aimerait acquérir les droits de ce jeu pour uneadaptation console portable et domestique, en échange d’un gros pour boire bien sûr. Auparavant Henk Rogers aurait réussi de la partde Spectrum Holobyte à avoir les droits d’exploitation sur console et PC mais uniquement pour le Japon. Atari se dit elle aussidétentrice des droits sur console pour le Japon et les Etats-Unis puisqu’elle les a obtenus de Mirrorsoft. Il s’avère en fait queSpectrum Holobyte est une filiale de Mirrorsoft et qu’initialement Robert Stein, dirigeant d’Andromeda, avait vendu les droits àcette dernière. En novembre 1988, Henk contacte donc Monsieur Stein et essaye de parvenir à un accord sur les droits d’exploitationde Tetris. En février 1989, Henk n’ayant toujours pas de réponse positive, part pour Moscou négocier avec Elorg (Electronorgtechnica)une société qui possède et gère la distribution des droits de logiciels et matériels informatiques russes.

L'imbroglio des licences de la version Famicom de Tetris

Henk rencontre Alexei Pazhitnov le créateur de jeu et les discussions vont bon train. D’un côté Elorg veut se débarrasser de Steincar il n’a encore versé aucune royalties et de l’autre côté Henk est prêt à faire une offre très intéressante pour obtenir Tetris surconsole. Il leurs explique qu’Atari, qui a obtenu les droits indirectement par Stein, a sorti une version arcade et console sous lalicence de Tengen, et que sa société (Bullet Proof), qui a également obtenu les droits indirectement par Stein, a développé Tetris sur console Famicom.Elorg et Pajitnov sont furieux car le contrat original avec la société Andromeda stipulait qu’elle n’avait les droits d’exploitation quepour une utilisation sur un ordinateur, il n’était aucunement question d’arcade, de console ou d’un autre support quelconque. Henk leurspropose de les dédommager en fonction des cartouches vendues et parvient ainsi à un accord avec Elorg. Il demande également le soutiendes Russes dans le cas où Atari et Mirrorsoft intenteraient un procès contre Nintendo. Elorg, sachant maintenant que Stein n’a pas respectéle contrat, l’oblige à signer un avenant avec 2 conditions importantes : le montant des indemnités que la société Andromeda doit payer etla définition plus précise du support sur lequel elle peut adapter Tetris. Le support en question possède une unité centrale, un disquedur, un clavier et/ou un lecteur de disquette. Maintenant il n’y a plus d’ambiguïté, Stein ne peut commercialiser Tetris que sur ordinateur

En mars 1989, Henk Rogers, Howard Lincoln et Minoru Arakawa se rendent à Moscou et signe un accord avec Elorg. Il énonce que Nintendoa les droits mondiaux pour une diffusion du jeu Tetris sur consoles portable et domestique. Elorg envoie par la suite un message àMirrorsoft pour lui signaler qu’elle a perdu la licence d’exploitation du jeu sur console. Ensuite Lincoln envoie un fax adressé à Tengen,pour les avertir qu’il doivent arrêter la commercialisation de Tetris. Atari n’entend rien et intente même un procès à l’encontre deNintendo. Lincoln prépare à Moscou avec les Russes une défense imparable. Le litige porte sur la définition de la NES, cette machineest-elle une console ou un ordinateur ? Il ne faut pas oublier qu’Atari possède les droits d’exploitation que lui a revendus Stein etpar conséquent qu’il n’a le droit de commercialiser le jeu que sur ordinateur et non sur console. La démonstration de Nintendo ne serapas bien compliquée et la justice tranchera, en juin 1989, en faveur de la firme japonaise. Atari doit donc arrêter la commercialisation de sonjeu Tetris et Nintendo peut sortir le sien sur ses consoles. Henk Rogers ayant bien mené la négociation avec Elorg, le jeu sur Gameboysera développé sous licence Bullet Proof et rapportera un joli pactole à cette société.

Le pack Gameboy + Tetris

La Gameboy sort au Japon en début d’année 1989, les quelques jeux disponibles regroupent un peu tous les genres : Super Mario Land(plates-formes), Tennis (sport), Golf (sport), Baseball (sport), Alleway (casse brique) et Solar Striker (shoot them up). La console esttrès bien accueillie et se vend comme des petits pains surtout grâce à Mario. Nintendo n’obtient les droits de Tetris qu’en juin 1989,mais une fois en poche, il sort une version sur la NES et une sur la Gameboy. Il s’empresse de créer un pack Gameboy + Tetris pour lelancement de la console aux Etats-Unis et en Europe. C’est le Jackpot ! Les ventes explosent et Nintendo est vite en rupture de stock cequi repousse la sortie de la console en Europe jusqu’en fin d’année 1990. En 3 ans, il se vend plus de 32 millions de cette portable depart le monde, et au grand bonheur de Yamauchi, il n’y a pas seulement que des jeunes enfants qui achètent la GameBoy, mais également desadolescents et beaucoup d’adultes (qui représentent plus de 30% des clients).