Le Virtual Boy

1995, Nintendo lance une console de jeu à mi-chemin entre la console de salon et le casque de réalité virtuelle. Levons le flou sur ce qui fut un échec alors que derrière se cachait des innovations de jeu jamais égalées depuis.


Console virtuelle, échec réel

800 000 consoles vendues dans le monde en 5 ans alors que les prévisions en imaginaient 3 millions en 1 an au Japon … on ne peut pas appeler ça une réussite. Le Virtual Boy a été un échec, pas total je dirais; un splendide raté commercial. Nous avons vu les jeux, nous avons vu toute la technologie derrière les 2 écrans 3D, nous avons vu l’histoire. Mais alors, pourquoi tant de haine envers cette console rouge et noir ?

… parce que le marketing Nintendo était foireux

Il ne faut pas se voiler la face, pour le lancement du Virtual Boy, le service marketing de Nintendo a complètement déliré. Pire encore, il a été complètement déconnecté de la réalité durant toute la courte exploitation de la console. Annoncé fin 1994, il ne faut pas oublier l’autre gros projet de Nintendo de l’époque : le Project Reality (nom de code de la Nintendo 64). Alors que la concurrence annonçait également des consoles 32 bits à la 3D plus vraie que vraie avec les Playstation et Saturn de Sony et Sega, ne diffuser aucune image de jeux Virtual Boy était un suicide au couteau à beurre. En même temps, comment montrer sur des photos de magasines ou dans des publicités télévisuelles des effets de relief en rouge et noir alors que la concurrence était à des années lumières graphiquement parlant.Quand Nintendo a débalé le grand jeu en « commandant » des articles dans les revues spécialisées en 1996, il était déjà trop tard, les dès étaient déjà jetés.

Assis sur sa domination de l’ère Super Nintendo, Nintendo s’est complètement fermé aux éditeurs tiers : la firme de Kyoto avait peur. De quoi ? De qui ! Des éditeurs tiers. En effet sa grande phobie était de voir sa nouvelle console fétiche polluée de daubes immondes et autres portages pondus à la va comme je te pousse. Regardez bien les jeux, 90% des titres présents sont développés ET édités par Nintendo. Ils sont loin d’être nuls mais aucune console sans le soutien d’éditeurs tiers ne s’en est sortie. Le Virtual Boy n’a pas échappé à la règle. Du coup, blazés, les joueurs n’ont pu que constater l’énorme désert dans les rayons de jeux. Il faut dire qu’un lancement de console avec en tout et pour tout 4 jeux, ça a de quoi refroidir et porter un coup à la réputation.

Extrait de publicité pour le Virtual Boy

… parce que le Virtual Boy n’était pas une console grand public

Du fait de sa forme particulière pour une console, le Virtual Boy était l’OVNI de service. Le « brillant » service marketing s’est donc retrouvé les deux pieds dans le ciment pour expliquer au public que ce casque était une console de salon, qu’elle ne se portait pas sur la tête et qu’on risquait encore moins de l’emporter en vacances au bord de la plage. Pour ça le Game Boy était tout à fait indiqué … pour des graphismes pas forcément plus moches et surtout une ludothèque dont la réputation n’était plus à faire.

Surtout qu’avec le Virtual Boy, pour jouer à deux … il fallait se lever de bonne heure ! Le jeu à deux (ou même à plus) a appartenu un bref instant à la réalité mais s’en est vite retiré avec l’annulation du périphérique et la mise à mort de la bête. Pour une console de salon, par définition un minimum familiale, jouer seul c’était impensable. Revenir 10 ans dans le passé à ce niveau n’avait aucune chance de convaincre quique ce soit.

C’était également sans compter le gros, que dis-je, ÉNORME défaut du Virtual Boy : les effets secondaires. Outre le fait qu’il était interdit aux enfants de moins de 7 ans, l’utilisation prolongée de la console avait une capacité plus ou moins importante à provoquer des migraines, maux de tête et autres troubles de vision. Diantre, comment cela se fait-il ? Vous vous souvenez du principe d’affichage simultané de deux images pour simuler le relief des images ? Et bien ça vient de là. En effet, on ne peut pas duper le corps humain si facilement : votre évolution dans un monde vu en trois dimensions est perçu par la vue mais également par vos autres sens dont le toucher et l’ouïe. Cette dernière se base en effet sur l’oreille interne. C’est elle qui détermine votre équilibre et vous permet de rester debout sans tomber par terre tous les 20 mètres.Et bien figurez vous que si l’oreille interne n’arrive pas à percevoir les mouvements perçus par votre vue, elle a tendance à s’emballer. Résultat : perte d’équilibre, nausées et maux de tête. Ces derniers sont également provoqués par le fait que vos yeux ne se trouvent à même pas 20 centimètres des écrans. Les vibrations des miroirs réfléchissants dans une obscurité totale y jouaient également.

Ne jouez pas au Virtual Boy

… parce que Stendhal l’avait écrit

Non là bien évidemment ce n’est pas vrai du tout. Par contre il avait vraiment écrit le rouge et le noir.

Conclusion

Alors quand on vous dit, en parlant d’une console, « jouez-y mais ne la laissez pas entre les mains (et les yeux) de vos enfants », qu’elle provoque des maux de tête et qu’en plus il n’y a que très peu de jeux … vous l’achetez ? Je ne pense pas. Une politique marketing minable, un soutien plus que léger d’éditeurs, une concurrence qui allait proposer mieux, une auto-concurrence avec la Nintendo 64 : vous avez devant vous la meilleure façon de planter une exploitation commerciale.

Ceci dit, passé ce détail de l’histoire, le Virtual Boy reste une console d’exception. C’était une console concept qui a pourtant eu le mérite de démocratiser un peu un semblant de réalité virtuelle dans les foyers japonais et américains. Aujourd’hui, il est très facile d’aquérir un Virtual Boy grâce à Internet et aux stocks d’invendus qui peuplent la Toile. Avant de se fonder sur les avis de ceux qui critiquent cette console, je vous conseille d’y jouer ne serait-ce que 5 minutes : une console comme ça, on n’en retrouvera surement jamais.

Quoiqu’il en soit, l’E3 2005 a ravivé le spectre du Virtual Boy avec l’annonce attendue du projet de console de salon de Nintendo : la Revolution. Alors, virtuel ou réel ?

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