Histoire
1994 : VR-32
C’est au mois d’avril 1994 que l’on entend parler pour la première fois d’une nouvelle console de jeu répondant au nom de code VR-32. A cette époque, Nintendo s’occupait déjà de son arlésienne, le fameux Project Reality qui devint par la suite Ultra 64 puis Nintendo 64. Convoquer la presse pour annoncer une console 32 bits Virtual Reality 32 était assez fort et constituait un élément d’intrigue.Dès lors, la VR Machine est appelée à remplacer la Famicom et la Super Famicom, cette dernière étant increvable mais devant faire face à l’arrivée imminente de la Playstation de Sony ainsi que de la Saturn de SEGA, toutes deux des consoles 32 bits misant gros sur le support CD-ROM et les jeux en 3D.
Ce n’est qu’au mois de novembre 1994, lors du Tokyo Shoshinkai Exhibition (salon du jeu vidéo organisé par Nintendo, devenu plus tard le Spaceworld), qu’est officiellement annoncé le Virtual Boy, nom commercial du VR-32. La date programmée de lancement se situe au printemps 1995. Le Virtual Boy serait accompagné d’une dizaine de jeux avec des prix normalement inférieurs à ceux des jeux Super Nintendo. Les publicités commencent à pointer le bout de leur nez et mettent en avant des effets 3D révolutionnaires ainsi qu’une immersion dans les jeux jamais vue jusqu’à présent.
Si aucune image de jeux ne filtre et que la liste des jeux à licence tarde à se faire connaître, si on a bien parlé d’une chose ou plutôt de quelqu’un, c’est bien de Gunpei Yokoi. Mais pourquoi bigre parlerait-on du créateur du Game & Watch et du Game Boy ? Tout simplement parce que le Virtual Boy, c’est le nouvel enfant du génie créateur de la croix directionnelle. Forcément, au vu du succès de ses oeuvres, on ne peut que mettre les plus grands espoirs dans le Virtual Boy. Et pourtant …
21 juillet 1995 : commercialisation japonaise
C’est le début réel de la carrière du Virtual Boy dont Nintendo prévoit d’écouler 3 millions d’unités en 1 an de commercialisation au Japon, rien qu’au Japon. Pour se le procurer à cette date, il fallait pouvoir débourser 180$ (ou 15 000¥) ainsi que 40$ par jeu. Côté jeux justement, le lancement était accompagné de Galactic Pinball, Mario Tennis, Red Alarm, TeleRoboxer … et c’est tout. On est loin de la dizaine annoncée, aucun jeu d’éditeur-tiers ne s’inscrit dans la liste et surtout, aucun de ces titre n’a réellement le potentiel pour déclencher l’engouement pour la console. Bilan des ventes : à peine 5000 jeux en juillet et 4000 en août.
14 août 1995 : commercialisation américaine
Alors que l’Europe ne fait que constater ce qui se passe dans le reste du monde (Nintendo n’a rien communiqué officiellement sur une éventuelle sortie sur le Vieux Continent à ce moment là), Nintendo of America lance le Virtual Boy 3 semaines après le Japon. La console n’est pas zonée est c’est tant mieux mais ça n’inversera pas la vapeur. Les jeux présents au lancement américain sont strictement les mêmes qu’au Japon. Rien de plus à se mettre sous la dent.
1995 : 6 mois, c’est long
A partir du mois d’août sortent quelques nouveaux jeux, histoire de donner matière à jouer à celles et ceux qui auraient acheté la console. On retrouve dans les rayons des jeux comme Virtual Golf, Jack Brothers, Mario Clash, Panic Bomber, Vertical Force, Virtual League Baseball, Virtual Boy Warioland, Waterworld. Certains jeux n’ont même pas eu le temps d’effectuer le voyage Japon > Amérique du Nord puisque leur localisation a été tout simplement annulée. Les malheureux perdants sont Insmouse’s Mansion, Space Squash, _Virtual Fishin_g, Virtual Lab, Space Invaders, SD Gundam Dimension War et Virtual Bowling.
A la fin de l’année 1995, 150 000 Virtual Boy avaient trouvé aquéreur au Japon. La console a « mieux » fonctionné aux Etats-Unis qui en écoulèrent quelques 520 000 unités … mais tout ceci reste loin, très loin de l’objectif initial de 1,5 millions de Virtual Boy vendus au 31 décembre. Autant dire que l’objectif des 3 millions de consoles en 1 au Japon semblait déjà légèrement moins réalisable.Et les jeux ? Ca n’allait pas très fort non plus car au Japon, à la fin du mois de décembre 1995, depuis le lancement, seuls 18 000 boîtes ont été vendues. Autant dire presque rien. A titre de comparaison, au jour d’aujourd’hui, un hit se vend plus ou moins à … 20 000 unités … par semaine, au moins durant les 7 premiers jours d’exploitation.
1996 : Virtual Boy, échec réel
On est en 1996, Nintendo sait pertinemment que le Virtual Boy se vend mal. La firme japonaise ne communique pas volontairement les chiffres liés aux ventes de consoles et de jeux, de peur d’effrayer davantage les acheteurs potentiels. Au Japon, les consoles et les jeux sont littéralement bradés dans les magasins : 11$ pour un Virtual Boy, à peine 1$ pour un jeu.
Afin de relancer la machine, Nintendo commence à mettre en oeuvre un plan de la seconde chance. Des accessoires sont mis en conception (bipied orientable, harnais, câble Link etc.) tandis que des jeux sont commandés et mis en chantier. Jusqu’à présent, 90% des jeux étaient développés par Nintendo et édités par Nintendo. Les éditeurs tiers étaient laissés de côté et quand bien même il s’intéressaient au Virtual Boy, les particularités du support les refroidissaient bien vite. Malgré cela, une trentaine de jeux étaient en préparation, avec une participation accrue des tiers tels que Squaresoft, Capcom, Enix, Konami, Tecmo ou encore Koei. En plus de ces efforts, de nombreuses preview furent publiées dans la presse spécialisée ainsi que lors de l’E3 et du Spaceworld 1995 afin d’attirer le chaland. Les rumeurs évoquant des conversions de Metroid, Zelda et F-Zero suivirent mais bilan des courses, aucun des jeux entamés ou prévus ne sortirent car ils furent purement et simplement annulés par Nintendo estimant cette fois que c’était peine perdue. Certains jeux étaient quasiment terminés (Zero Racers, Dragon Hopper et Bound High pour ne citer qu’eux) et seuls certains heureux purent y jouer grâce à des démos lors de salons de jeux vidéo.
Si on cumule les ventes du Virtual Boy depuis son lancement en 1995 jusqu’à l’an 2000, on peut dénombrer environ 800 000 consoles vendues. C’est tout simplement ridicule et tout à fait représentatif d’un échec commercial total.On peut légitimement s’interroger sur les raisons de l’échec de cette console, pourtant initié par Gunpei Yokoi, universellement reconnu comme étant un des parents du jeu vidéo moderne (notamment par l’invention de la croix directionnelle sur nos manettes). Nous n’avons évoqué jusque là que l’historique du Virtual Boy, laissant volontairement de côté ce qui en fait son charme mais a fait que le grand public a littéralement boudé ce concept technologique : ses caractéristiques techniques, ses jeux et surtout, une bonne couche d’erreurs stratégiques et commerciales.