Annexe 1 Commodore post-Commodore

1994-1996 : Commodore post-Commodore

La liquidation de Commodore ne se fera pas sans difficultéset une vraie bataille judiciaire qui durera un an s’engage.Il faut dire que le fait que la compagnie est basée dans le paradis fiscaldes Bahamas (Irving Gould en est originaire) ne fait compliquer la chose…D’autant que les créditeurs sont extrêmement nombreux : fournisseurs,clients, employés… Et puis bien sûr des contrats qui ne pouvaientplus être honorés. Ainsi en Janvier 1995, le club de football deChelsea menace de traîner Commodore devant les tribunaux à causedu sponsoring non payé. Ca n’ira pas plus loin, le club se rendant bienvite compte qu’une telle tentative serait aussi coûteuse que futile.

Pour les dirigeants de Commodore, il s’agit désormaisde revendre Commodore le plus possible, peu importe ce qu’en feraitl’acheteur naturellement. Autre objectif, le revendre le tout d’un coup et éviterun dépècement de la boite, pour éviter des transactionstrop nombreuses, trop longues. Et de fait, seul CSG, l’ex-MOSTechnology sera vendue séparément. Ce sont d’anciens managersde la division qui vont la reprendre pour un peu plus de 4 millions de dollars.CSG, renommée GMT Microelectronics et basée àNorristown en Pennsylvanie survivra quelques années, avant de s’éteindreentre 1998 et 2000.

Plusieurs compagnies sont sur les rangs pour racheter le reste
IBM, Dell, Samsung, Escom et… Commodore UK!

amigaDavid Pleasance

La filiale britannique de l’ex-géant, dirigéepar David Pleasance et Colin Proudfoot, atoujours été depuis le lancement du C64 celle qui faisait lesmeilleures ventes et les meilleurs bénéfices. L’élèvemodèle en somme. De fait, elle est lors de la chute finale de Commodorel’unique filiale encore active (Commodore Allemagne vivote toujours mais n’estplus en état de faire grand chose d’autre qu’attendre son destin). Davidet Colin croient encore fermement en l’Amiga est leur objectif est des plusambitieux : racheter Commodore et relancer la machine Amiga. Pleasance y croittellement qu’il avertit que si la production n’est pas relancée, la pénuriesera là dès Septembre. Malheureusement, l’arrivée de l’Automnedémentira son analyse. Leur projet fait évidemment l’unanimitédans la communauté, qui y voit un sursaut d’espoir pour la survie dela machine. Néanmoins, leur manque de moyen va obliger Commodore UK aêtre un des premiers acheteurs potentiels à se retirer, malgréun grand volontarisme. Cela sera l’un des plus grandes déceptions pourla communauté, toujours très active et extraordinairement mobilisée.

amiga

Au final, il reste deux entreprises en concurrence pour lerachat : Dell et Escom. L’offre de Dell estla plus élevée et se monte à 15 millions de dollars (remarquezcombien les chiffres sont ridicules pour une boite qui a tant comptée)mais ils exigent de pouvoir prendre les rênes de l’entreprise et d’examinerla situation de l’intérieur avant de payer et se réservent undroit de rétractation. Ces conditions inacceptables font que c’estEscom qui remporte l’affaire en Avril 1995, pour 14 million de dollars.

Escom est alors un des symboles européens de la réussiterapide dans l’informatique. A la base une simple boutique d’instruments de musiquefondée en 1986, la boite allemande fait une percée phénoménaledans les PC dès 1991, où elle s’impose en 3 ans comme le secondassembleur européen.

De toute évidence, seuls les droits sur la marque Commodoreintéressent Escom qui se serait passée de racheter Amiga. Lapremière action d’Escom est de splitter Commodore en deux entitésdistinctes : Commodore BV (également connuesous le nom Commodore Gmbh) devient la division PC alors qu’AmigaTechnologies doit relancer la plate-forme Amiga, d’abord en relançantla production et les ventes, puis en définissant le futur de la plate-forme.Pour la première fois depuis 1984, Amiga et Commodore sont séparéset ne se retrouveront jamais.

Il y a peu à dire au sujet de Commodore BV si ce n’estqu’on reverra apparaître des PC estampillés Commodore dans lessupermarchés européens. Suprême ironie, l’entreprise fondéepar Jack Tramiel qui n’avait jamais réussi à percer dans ce secteurn’est plus qu’un simple assembleur.

amigaLe Walker, avec son esthétique si décriée, en restera au stade de prototype.

On attend beaucoup par contre au niveau d’Amiga, mêmesi force est de constater qu’Escom ne sera pas à la hauteur. La productiond’Amiga 1200 et 4000T est relancée, même si au final ce ne pouvaitqu’être un échec patent : l’Amiga 1200 est alors commercialisépour 1000FF de plus qu’à la fin de l’ère Commodore et en plusles nouveaux lecteurs de disquette l’équipant sont rapportés commeengendrant des problèmes de compatibilité. Seule nouveauté,une mise à jour du Kickstart, le 3.1. Autant le dire, c’est maigre. Seulle 4000T est doté d’une évolution un peu significative : le processeurest désormais un 68060. Quand à la CD32, elle est finalement abandonnée.Quelques travaux, faiblement financés par Escom, ont étémenés pour de nouveaux modèles mais un seul prototype, largementdécrié, sera présenté au public, le Walkerbasé sur un 68030, en début 1996. Il est vrai que son esthétiqueest assez spéciale, et on l’a souvent comparé au casque de DarkVador. De très petite taille, des modules pouvaient s’empiler dessuspour étendre ses possibilités. Sans doute au-delà de l’esthétique,ce qui était critiqué était la volonté d’Escom d’implanterl’Amiga en tant que set-top box.

amigaLa Blizzard PPC 603e de Phase 5, une des plus puissantes cartes accélératricespour Amiga 1200

Faute de mieux, les fans vont se rabattre sur les cartes accélératrices,forcément difficilement trouvables et assez chères. Les cartesaccélératrices ne sont certainement pas une nouveauté dansle monde Amiga. On se souvient que l’Amiga 2500 n’était déjàqu’un 2000 équipé de l’une d’entre elles. Sans aucun doute lescartes accélératrices qui seront les plus recherchées serontles Blizzard conçues par Phase V quitravaille avec Amiga Technologies sur le projet de faire passer lesAmiga en technologie Power PC, suivant l’exemple d’Apple avec le Macintosh.Certains modèles, véritables merveilles pouvaient embarquer enplus d’un nouveau processeur, un coprocesseur arithmétique, des slotsd’extension mémoire, voir un controleur SCSI. Ainsi, les BlizzardPPC603e (donnée à titre d’exemple car elle ne sortiraqu’en 1997) pour Amiga 1200 peut embarquer jusqu’à deux processeurs :un Power PC 603e jusqu’à 40Mhz et un 68060 jusqu’à 60Mhz. LesFPU (coprocesseur arithmétique) et MMU (MemoryManagement Unit) étaient incluses dans les processeurs. A cela s’ajouterdes slots d’extension accueillant jusqu’à 256Mo de RAM!!! Autant le dire,pour exploiter une telle carte, une ventilation de l’étroit boîtierdu 1200 était plus que recommandée, de même qu’un changementd’alimentation.

Ce qui est certain c’est qu’Escom n’avait, outre unmanque de moyens comme on le verra, pas la volonté de réellementrelancer l’Amiga. Dans les forums et sur Usenet est fait savoir qu’ilétat inutile à qui que ce soit de postuler pour un poste relatifà la plate-forme chez Escom. A l’origine aussi n’était pas prévude commercialiser les Amiga dans les boutiques Escom. Au final, on aura un généralun Amiga 1200 exposé dans un coin reculé de la boutique, ordreétant donné aux revendeurs de vendre des PC et de ne pas promouvoirl’Amiga. L’événement significatif est l’annulation du Worldof Amiga 1995, salon qui se déroulait tous les ans depuis plusde 10 ans.

L’expérience Escom sera cependant de courte durée.Ce que peu savaient à l’époque, c’est que la firme, par le jeudu kiboufki (c’est-à-dire une politique de rachats à outrance)s’était largement sur-endettée. Les rapports de mi-1995 signalentaussi une baisse sensible des ventes. L’origine en est la sortie prochaine deWindows 95 : les consommateurs préfèrent donc attendre avant d’investir.Les nombreux rachats d’Escom ne lui permettent pas non plus d’être compétitifface à ses concurrents, de plus en plus nombreux. L’année 95 secloturant par 125 millions de Deutsche Mark de pertes, Escom ne peut plus tenir.L’arrêt de la production de leur gamme de PC se connectant aux télés,le licenciement de plus de 200 personnes consécutif à une fermeturemassive de boutiques et l’injection de 100 millions de DM par les banques nepermettent pas de remonter la pente.

En Juin 1996, Escom fait savoir qu’elle est mise enliquidation judiciaire, processus déjà débutéen fait depuis quelques mois. Déjà entre Septembre 1995 et Janvier1996, des négociations avaient eu lieu avec VisCORPau sujet d’un éventuel rachat d’Amiga. La procédure de banquerouteralentira les négociations dans les mois qui suivent jusqu’à ceque VisCORP, dans une situation financière difficile, se retire en Novembre96. Autres tentatives de rachat, celle de Quikpak qui présentaitle projet de porter AmigaOS sur plate-forme DEC Alpha ainsi qu’unenouvelle offre de Dell. Là encore, les négociationsne portent pas.

amigaOu comment tomber plus bas que terre…

Au final, Commodore BV est racheté par la filialeEscom Pays-Bas qui survit quelques temps après la disparitionfinale d’Escom. Commodore NL (Netherlands), commeelle est renommée, vivote une petite année avant d’êtreabsorbée par Tulip suite à sa liquidation, constructeurhollandais ayant connu son heure de gloire dans les années 80. Tulipn’en fera pas grand chose jusqu’à aujourd’hui et ne défendra quemollement ses droits sur le nom Commodore : de nombreux produits en provenanced’Asie du Sud-Est porteront depuis lors illégalement le nom de la marque,ainsi que le logo. En 2003, Tulip annonce vouloir changer tout cela et annoncela création d’un grand portail regroupant toute la communautéC64 avec pour but la création d’un émulateur payant. Le portaildoit permettre d’accéder au téléchargement payant de romspour celui-ci. Objectif ultime, relancer une machine basée sur le C64à un très bas prix. Comme on pouvait s’y attendre, la communautéC64 désavoue totalement le projet et malgré ses menaces àl’encontre des sites d’émulation, Tulip ne se fait guère entendre.Il faut dire qu’au niveau « diplomatique », la firme hollandaise a trèsmal géré la chose et que l’intérêt de son projetest on ne peut plus discutable. Inutile de préciser que la boite, suiteà la vente de licences d’exploitation du nom Commodore pour tout et n’importequoi (comme du matériel de bureau) s’est rendue pour le moins impopulaire.Tulip commet également l’erreur de revendiquer la possession des droitssur la machine ainsi que sur les jeux. Pour les jeux, l’affirmation est évidemmentgrotesque, ceux-ci appartenant à leurs éditeurs respectifs (quin’ont pas manqué de lui faire savoir). Quand à la machine… Ilsemble, d’après le peu de renseignements qu’on peut avoir, que Tulipn’a racheté que le nom et le logo Commodore, mais pas la technologie.Ceci reste cependant peu clair et comment les choses vont évoluer, celareste une inconnue, mais le projet de Tulip est bien mal parti.

En ce qui concerne Amiga, les choses se passent différemment.

Crédits pour les images :- http://www.amiga-hardware.com- http://amiga.emugaming.com