Conclusion
Conclusion
Riche histoire que celle de Commodore! D’abord celle d’unesuccess-story, rappelant le Rêve Américain del’Après-Guerre. Loin du mythe de la réussite presque facile (àrelativiser tout de même ;) ) de Nolan Bushnell et d’Atari, propulséspar le succès de Pong, les 25 premières années de Commodore,c’est la construction lente et difficile d’un Empire à la force des braset de la ténacité d’un rescapé de l’enfer, JackTramiel. C’est ensuite la chûte lente et douloureuse de cet Empire quine se relèvera jamais de la perte de son fondateur. Commodore n’a effectivementplus le même visage après le départ de Tramiel, il devientun monstre pataud qui s’engourdit progressivement dès 1987 jusqu’àun réveil tardif et brutal.
Commodore est une entreprise qui a innové, et cela estla clef de son succès initial dans le monde informatique. Parmi les innovations,on pourrait citer par exemple :
- le premier ordinateur avec coprocesseurs, le SuperPET
- le premier chip sonore, le SID du C64
- le premier système totalement multi-tâche
- l’Amiga
- le premier « plug & play », l’Autoconfigde l’Amiga
- le premier ordinateur portable couleur, le SX64
- l’unique plate-forme capable d’afficher de multiples écransdans différentes résolutions simultanément,l’Amiga
- la première machine basée exclusivement sur le CD-ROM
- le CD-TV
- lapremière console 32 bits, la CD32
Ceux-ci ne sont que quelques exemples, les innovations étantbeaucoup plus nombreuses. Elles permettent à Commodore de cumuler lessuccès, d’abord avec le Vic-20 qui est le premier ordinateur àpasser le million d’unité vendues et se concrétise avec le C64,l’ordinateur familial le plus vendu avec 17 à 23 millions d’exemplaires.Même l’i-Mac n’a pas fait mieux! L’Amiga se vendra moins, probablement7 à 8 millions d’exemplaires : ce qui devait être une révolutionest un peu un pétard mouillé. En considérant son potentiel,on ne peut s’empêcher de penser que même si l’Amiga a permis àCommodore de revenir au premier plan, il reste un échec, en tout casen terme commercial. La faute essentiellement au management calamiteux de Commodore.
Reste que les innovations propres à Commodore datentde l’ère Tramiel. Par la suite, c’est Amiga qui innovera pour son compte.D’une entreprise dynamique, agressive et portée vers la recherche, àdéfaut d’être particulièrement rentable, l’administrationGould en fera une entreprise axée exclusivement sur la rentabilitéet jéopardizera son avenir à moyen terme en amputant les fondsde recherche et de promotion. Une des plus grosses critiques que l’on puissefaire à l’encontre de Commodore après 1984, c’est la faiblessedu marketing. Qu’il est loin le temps d’un Tramiel fustigeant ses adversaireset préparant avec minutie le lancement du C64! En lieu et place, la promotionse fait plus discrète, entamée dès l’arivée de MehdiAli par de gravissimes erreurs de communications et cafouillages. Sans compterla stratégie plus que douteuse avec 3 modèles d’Amiga d’entréede gamme qui se succèdent en 2 ans : le 500+, le 600 et le 1200.
Commodore avait pourtant la technologie avec des ingénieursexpérimentés qui avaient conçus le Vic-20, le C64 ou leC128. Avec l’acquisition d’Amiga en 1984, elle a même une formidable carteen main en la présence d’une machine ambiteuse, avec des annéesd’avance. Une machine d’une puissance incomparable à l’époque,une machine qui apporte le multi-tâche, une machine qui pouvait aussibien trouver sa place à la maison qu’en entreprise et pour des travauxgraphiques lourds. Mais Commodore n’avait pas l’ambition de sa machine et s’estcontenté de vivre sur cette avance, la laissant filer entre ses doigts.Quand Commodore se réveille enfin avec la gamme AGA, il est déjàtrop tard : les finances de la firme ne sont plus suffisantes et techniquement,ils étaient rattrapés, au moins en terme de puissance brute, parles PC qui disposent alors d’un rapport qualité/prix auquel l’Amiga nepeux plus faire face. Car malgré les nombreux modèles, la gammen’évoluera pas réellement entre 1987 et 1992.
On peut donc dire que le déclin de Commodore débuteparadoxalement dès le départ de Tramiel. L’Amiga permettra àl’entreprise de se maintenir durant des années mais le personnel décisionnelderrière ne suit pas. Sans doute ne faut-il pas être aussi acerbeà l’égard d’Irving Gould qu’on peut souvent le lire. C’étaitun financier et investisseur, pas un passionné. Largement présentpour financer la boîte quand celle-ci est en difficulté du milieudes années 60 au début des années 80, il est probablementaussi celui qui maintient Commodore dans une position financière acceptableen modérant Jack Tramiel. Mais avec le fondateur partent aussi de nombreuxexperts en management et Gould n’aura pas la perspicacité de s’entourercorrectement. En tout cas n’aura t’il pas la sagesse de conserver un ThomasRattigan qui avait prouvé son efficacité en peu de temps. Mêmesi la tâche ne fut pas aisée, sa politique de restructuration aporté ses fruits, remettant l’entreprise sur les rails. Les plus grossesfautes de Gould restent sa trop grande volonté de faire de Commodoreune boîte rentable à tout prix, et son support opiniâtreà un Mehdi Ali qui a plus d’une fois prouvé son éminenteincompétence.
- Reste que Commodore a laissé deux machines légendaires
- le C64 et l’Amiga. Légendaires parce qu’elles ont marqué techniquement.Légendaires parce qu’elles ont marqué les utilisateurs. On nesaurait trop parler de l’importance de la communauté des utilisateursde ces machines. En ce qui concerne la première, malgré les annéesqui passent, elle est toujours vaillante, et ce n’est pas l’aboutissement duprojet GameBase 64 en mi-2003 qui me contredira. Et encore aujourd’hui de nouveauxprojets apparaissent pour le C64, qu’ils soient matériels ou logiciels.Probablement est-ce la communauté la plus puissante et la plus vivacedans l’émulation des ordinateurs 8 bits. La demande de C64 lui permettrad’être produit au moins jusqu’en 1990, avant un come-back éphémèreet raté en 1992 avec la GS64. Sans doute n’est-ce pas pour rien que Tulipessaie d’affermir ses droits cet univers. Y a t’il un réel potentielcommercial, c’est certes douteux mais toujours est-il que le C64 est toujourslà et bien là, même s’il se fait discret.
_C’est sur Amiga que la scènede la démo prend son essor. A gauche State of the Artde Spaceballs marque par son esthétique en 1992.A droite, Silkcut de TBL montre qu’en2004 l’Amiga est toujours là. _
La communauté Amiga n’est pas en reste.C’est sur cetteplate-forme à l’architecture si étrange et permettant des bidouillesphénoménales qu’apparaîtra le soundtrack et que la Scèneprendra son essor. La Scène, c’est la scène de la démobien sûr! Car comment parler de l’Amiga sans au moins faire mention desSpaceballs (avec leur mythique State of the Art), Melon Dezign, Sanity ou Anarchy?Longtemps liée au milieu du piratage (avec les cracktros, ces petitesdémos qu’on trouvait au début des jeux crackés), la Scènes’en démarque avec l’apparition des intros (généralementen moins de 64Ko), des démos et des mégadémos, ces dernièrestenant sur plusieurs disques. L’Amiga sera la star des premières compétitionset y tient encore une place de choix, avec de talentueux groupes tels que TBL,qui ne cessent de nous étonner en sortant toutes les tripes d’un malheureux68030 qui certainement n’en tenait pas tant. Au-delà de ça, lacommunauté a dès la chute de Commodore largement contribuéà l’évolution de l’Amiga. Ainsi MUI, les pilotes graphiques Picasso96,WHDLoad ou CAPS sont ils des projets ambitieux, créés par desfans ayant ainsi apporté une pierre décisive dans la dynamiquede l’émulation de l’Amiga, et dans la survie difficile de la plate-forme(si vous lisez l’annexe portant dessus). On pourrait également dissertersur les entreprises ayant soutenu mordicus la plate-forme même dans lepire, et on pense à ce sujet à Phase 5, qui définira lesbases du Power PC sur Amiga et dont les anciens créeront MorphOS, notammentmais aussi à Hyperion, Discreet FX (qui sponsorise le projet Amizilla),Cloanto, Newtek, Nova Design… Dans la communauté, on ne saurait oublierles utilisateurs lambda, qui ont fait vivre une « guerre » contre leST d’Atari, probablement la plus acerbe qui ait jamais eu lieu dans le milieuinformatique. La mauvaise foi était de rigueur et au final, cela aussifait partie de la légende des deux machines. Il faut dire que le conflitétait plus qu’un conflit d’utilisateur. C’était aussi un conflitentre deux puissantes entreprises et entre deux personnalités (Tramielet Gould pour ceux qui n’ont rien suivi :p ).
Amizilla, portage de Mozillasous AmigaOS et MorphOS est probablement un des projets les plus importantspour l’avenir de la plate-forme
Pour parler un peu du présent et de l’avenir, les ventesde Pegasos et d’AmigaOne, les Amiga de nouvelle génération, mêmesi elles ne s’élèvent à elles deux qu’à àpeine plus de 25 000 machines, restent encourageantes. Cela montre que le dernierhéritier de Commodore est toujours présent, même si c’estun microcosme très réduit. Même si l’avenir de la plate-formereste plongé dans l’incertitude, au moins les années 2003-2004sont elles pleines de promesse, avec la sortie confirmée d’AmigaOS 4.0,la sortie d’Amiga Forever 6.0 et du Pegasos 2, l’annonce de nouveaux jeux développésnotamment par Hyperion, de nouveaux produits pour Video Toaster et les projetsAmizilla (portage de Mozilla sur AmigaOS et MorphOS) et celui concernant lacréation d’une machine virtuelle Java. Un retour d’Amiga au premier plann’est certes pas envisageable mais l’espoir est là, et l’espoir, çafait vivre. ;)
Crédits pour les images:- http://www.mo5.com- http://www.discreetfx.com/AmiZilla.html(site officiel d’Amizilla)