Dungeon Keeper est un jeu vidéo PC publié par Bullfrogen 1997 .

  • 1997
  • Stratégie

Test du jeu vidéo Dungeon Keeper

5/5 — Parfait ! par

Marre de la bonté, du courage et du désintéressement ? BullFrog, jamais en retard d’un concept décoiffant, vous offre la possibilité de passer de l’autre côté du miroir, et de gérer un donjon en tant que cerveau des forces du mal. A avoir guidé tant de fois des troupeaux d’aventuriers à l’assaut de forteresses oubliées, à avoir pillé des trésors sans vergogne, occi des hordes d’affreuses bestioles et désamorcé des dizaines de pièges mortels, vous étiez-vous jamais interrogé sur le temps, la sueur et la passion qui avait été consacrés à mettre tout cela en place ? Non, inutile de mentir ; dès qu’ils servent la cause du bien, les aventuriers dans votre genre se croient tout permis dès qu’ils posent le pied dans un donjon : saloper les couloirs avec leurs bottes crottées, percer les serrures, entrer dans les corps-de-garde sans frapper, passer au fil de l’épée d’innocentes familles de trolls, et j’en passe et des meilleures. L’heure est à présent venue pour vous de comprendre le mal… enfin, je veux dire le bien, dont vous vous êtes rendu responsable, comme dans un véritable programme de réhabilitation, et de faire intérioriser dans la souffrance la notion de propriété privée à vos collègues paladins. D’ailleurs, tout ce royaume champêtre et paisible, ces paysans heureux et gras, ces fleurs et ces oiseaux chanteurs, ça commençait à vous courir sur le haricot. En construisant des donjons souterrains dans chaque province du royaume, vous aurez bien vite fait de remplacer cette cambrousse insupportablement rieuse en steppe désolée et ravagée par les ténèbres.

Comme tout empereur des ténèbres en devenir, vous commencez chaque nouvelle mission tout en bas de l’échelle sociale du pandémonium, vos possessions réduites au cœur maléfique de votre donjon – à préserver à tout prix -, à quelques couloirs et à une poignée de lutins soumis à votre volonté sadique. Dès que vous leur en donnerez l’ordre, ces petits êtres se mettront immédiatement à creuser de nouvelles galeries selon vos directives, à la recherche de veines d’or ou de pierres précieuses qui rempliront vos coffres et vous permettront d’aménager avec goût votre nouveau chez-vous. Un des objectifs vitaux de chaque mission est de dégager une voie d’accès vers le portail dimensionnel par lequel afflueront toutes sortes de bestioles diaboliques avides de faire prospérer le mal dans vos couloirs. Mais en salariés exigeants, les scarabées, gobelins, lézards cracheurs de feu et autres guerriers du chaos devront avoir une motivation solide pour venir travailler pour vous, et ce sera à vous de créer les infrastructures essentielles à leur «bien-être». Si les créatures les plus primitives se contentent simplement d’une tanière et d’un approvisionnement régulier en viande, d’autres ont des désidérata beaucoup plus élaborés. Ainsi, certaines bestioles ne se plairont dans votre centre de villégiature que s’ils disposent d’une salle d’entraînement pour se défouler ; les maîtresses des ténèbres réclameront une salle de torture pour passer le temps ; les nécromanciens ont besoin de leur laboratoire ; l’ignoble «Démon bilieux» a besoin d’un élevage entier de poulets à lui seul pour se sustenter. Quant au célèbre «Grand Cornu», la créature le plus puissante du jeu, elle ne peut être invoquée qu’en lui sacrifiant trois de vos bestioles les plus puissantes. Mais si vous ne gardez pas ce tueur-né perpétuellement occupé, il risque fort de se retourner contre vous et de saccager votre donjon aménagé avec tant d’amour.

Une stratégie de victoire efficiente ne se limite pas à accumuler des créatures en attendant l’offensive des forces du bien : vous devrez développer votre donjon bien plus en profondeur pour résister à l’inévitable agression envers votre droit sacré à détruire ce qu’il y a de beau et de bon sur Terre. Ainsi, les orques adorent construire des pièges ou des portes blindées là où vous le leur demanderez. Les nécromanciens élaboreront des sortilèges (une vingtaine en tout) qui, bien utilisés, peuvent faire basculer le cours d’un affrontement. Certains de ces sortilèges sont de nature offensive (foudre, maladie,…), d’autres ont une utilité plus stratégique (révéler une partie de la carte, rendre friable une fortification ennemie, reprendre le contrôle des créatures en déroute, etc.). Parmi les autres salles intéressantes du donjon, on citera la salle de torture, qui permet d’interroger les prisonniers afin qu’ils révèlent les zones de la carte couvertes par le brouillard de guerre, les prisons, qui recyclent les cadavres en guerriers squelettes, et les cimetières, qui font de même mais transforment vos victimes en vampires. Il faut cependant faire très attention à l’équilibre interne de votre biotope : certaines créatures ne peuvent pas se blairer entre elles, et il serait regrettable que les paladins du coin déboulent dans un donjon plongé dans la guerre civile. Ainsi, il vaut mieux éviter que les mouches et les araignées se reposent au même endroit, empêcher les vampires d’aller ennuyer les nécromanciens qui étudient, et surveiller que vos squelettes, écœurés par le profusion de chair sur sa carcasse, n’aillent régler son compte au démon bilieux !

Une fois le donjon correctement aménagé, d’autres difficultés vous attendent. Vous n’êtes pas la seule entité maléfique à avoir ressenti l’envie d’installer vos pénates dans la province. Il arrivera fréquemment que d’autres cœurs maléfiques de donjon aient éclos ailleurs sur la carte, et soient eux aussi occupés à ourdir leurs plans de conquête du monde de la surface. Il est pourtant impératif que les Forces du mal fassent front commun contre leurs ennemis, et tout aussi capital que tous les donjons soient unifiés sous un seul commandement (à tout hasard, le vôtre). Donc, votre première tâche sera d’anéantir les cœurs de donjon rivaux, tout en essayant de garder leurs infrastructures en bon état, afin de les ajouter à votre propre donjon. Mais le principal danger qui vous menace provient du monde du dessus. Des aventuriers tenteront fréquemment de pénétrer votre habitat pour faire main basse sur les trésors qu’il renferme. Grâce aux pièges que vous aurez placés et aux créatures que vous aurez recrutées, à vous d’éliminer rapidement ces individus sans scrupules. Une fois quelques compagnies envoyées grossir les rangs de votre armée de morts-vivants, vous attirerez inévitablement sur vous l’attention du Seigneur du lieu, qui ne tardera pas lui aussi à venir vous rendre une petite visite à la tête de ses chevaliers. Si vous parvenez à le vaincre, la province sera considérée comme conquise et vous pourrez partir corrompre la région voisine, bien évidemment plus complexe et mieux défendue.

Dungeon Keeper inclut également deux gadgets plutôt fendards. Premièrement, la possibilité de passer en visualisation 3D, en incarnant n’importe quelle créature présente dans votre labyrinthe. Le jeu devient alors une sorte de petit FPS au corps-à-corps assez sympa. Deuxièmement, la possibilité de foutre des baffes à tout ce qui se promène dans le labyrinthe. Cet outil pédagogique précieux permet d’exploser les poulets pour le plaisir, de conseiller amicalement aux lutins de trimer un peu plus vite, et de maintenir le moral de vos Maîtresses des ténèbres à un niveau élevé. Cette option permet aussi tout simplement de faire preuve d’un peu de méchanceté gratuite… et ça, ça vaut tous les trésors du monde !

Réalisation graphique :

Malgré les teintes sombres de rigueur tout au long du jeu, Dungeon Keeper offre une réalisation graphique plus que sympathique. Au départ, le donjon se limite certes à quelques couloirs humides faiblement éclairés par des torches, mais dès que vous commencerez à élaborer des salles plus complexes, comme une bibliothèque, une salle de torture ou des portes blindées, votre donjon commencera réellement à ressembler à quelque chose… peut-être pas de «beau» au sens propre, mais qui accroche incontestablement le regard. Evidemment, l’ambiance de Dungeon Keeper reste très éloignée d’autres jeux Bullfrog à l’esprit plus cartoonesque, tels que Theme Park ou Theme Hospital. Pourtant, Dungeon Keeper est tout sauf un jeu «sérieux», non seulement au niveau du fond mais également au niveau de ses graphismes. On a beau avoir sous les yeux un univers souterrain, des salles peu ragoûtantes, des monstres et des chevaliers en armure, le trait reste, disons, «rondouillard». Difficile de trouver un terme mieux adapté à ce monde maléfique représenté d’une manière qui dédramatise totalement l’objectif à atteindre.

Jouabilité/difficulté

Dungeon Keeper se contrôle à la souris - le curseur étant ici une main griffue - sur base d’un menu d’icônes situé sur le côté gauche de l’écran. Constuire des salles, donner une ordre à une créature, déclencher un sortilège,… les icônes sont explicites et on ne s’y perd jamais. Intuitif et simple à prendre en main, comme tous les jeux Bullfrog, et débordant de possibilités et de trouvailles originales qu’on ne découvre que petit à petit, Dungeon Keeper est en outre très long, propose d’intéressants renouvellements du gameplay au fil des missions et ne devient donc jamais monotone.

Son

Une atmosphère parfaitement adaptée au jeu, avec des musiques d’ambiance dont le côté inquiétant est suffisamment exagéré pour devenir burlesque, une musique d’intro particulièrement mémorable, des voix off qui transpirent la malveillance comique et des bruitages typiquement donjon (gouttes d’eau, cliquetis en tous genre, grognements, bourdonnements, couinements, rugissements et autres bruits de mastication). De quoi rendre encore plus vivant tout le petit monde rampant ou vaguement décomposé qui s’agite dans votre donjon !

En bref : 19/20

Une fois de plus, Bullfrog réussit le tour de force de proposer ce qui s’approche du jeu de gestion parfait, tout en ayant suffisamment réfléchi au concept de base pour que Dungeon Keeper figure parmi les représentants du genre les plus originaux et atypiques qui soient. Très bien réalisé et plein d’humour (très noir, l’humour), Dungeon Keeper évite toute monotonie en proposant des missions à la difficulté croissante, une configuration des lieux suffisamment changeante pour qu’on n’ait jamais l’impression de faire deux fois la même mission et en ne dévoilant ses multiples possibilités qu’au fur et à mesure de la progression. Malgré la sortie d’un second épisode totalement en 3D, ce chef d’œuvre éternel n’a pas pris la moindre ride et figure encore aujourd’hui parmi les références en matière de simulation décalée et humoristique.

Dungeon Keeper