Fahrenheit est un jeu vidéo Xbox publié par Atarien 2005 .

  • 2005
  • Aventure

Test du jeu vidéo Fahrenheit

1.5/5 — Bof… par

Fahrenheit est un jeu d’un genre plutôt étrange et alléchant de prime abord. Une histoire prenante et complexe avec des personnages développés et fouillés, une énorme liberté de mouvement, un scénario dépendant des actions sont tout ce qui est proposé au menu de ce jeu, parfois présenté comme « le croisement le plus réussi entre films et jeux vidéos », voire carrément comme « quelque chose qui n’est plus un jeu mais carrément une expérience ». Tout un menu. Maintenant reste à voir si sorti du papier, le résultat s’en sort. Et autant ne pas faire durer le suspense (surtout quand on voit la note donnée humm), la réponse est un franc et bon non.

Pour y aller progressivement, on va commencer par le gameplay censé être totalement novateur. Ca c’est pas totalement faux, personne n’a vraiment osé faire une chose pareille à un jeu vidéo et du coup, grâce à un choix totalement avant-gardiste pour éviter d’avoir à appuyer sur des boutons pour exécuter une action quelconque (parce que le bouton action c’est du passé, les petits menus d’interaction aussi, ici on est pas dans Snatcher ho) on doit balader le joystick droit. Ca fait son petit effet et ça immerge vraiment de faire des moulinets du pouce pour ouvrir une porte : preuve en est, maintenant j’ouvre la porte de chez moi uniquement comme ça.

A part ça concernant le maniement de base du personnage, ça reste du classique (faut pas exagérer, ça dérouterait le joueur), on se balade avec le joystick gauche, on a un bouton pour courir, un bouton pour faire apparaitre quelques infos sur l’état du personnage, un bouton de vue à la première personne.

Ensuite arrivent les scènes d’action, totalement novatrices, basées sur deux grandes idées de Saint David Cage, le patron de l’innovation : il faut que la scène d’action soit belle à jouer et que ça ressemble à du film, et il faut que le joueur ressente vraiment ce que ressent le personnage.

Pour concrétiser sa première idée, David Cage s’est rendu compte qu’il ne peut pas faire confiance au joueur, comme ça on peut mieux chorégraphier ses combats, ses actions et tout et obtenir un plus grand panel de choses faisables et une plus grande intensité cinématographique. Du coup, toutes les scènes d’action sont « linéaires », et sont plus des vidéos interactives qu’autre chose.

Pour la deuxième, notre jeune homme a été un peu plus inventif, faut dire que c’est moins facile aussi. Mais tout problème a une solution, et ici celle trouvée est de « mimer » les mouvements de son personnage. Par exemple, pour citer le Grand Réalisateur lors du tutorial, lorsqu’un personnage fait des pompes, le joueur doit se fatiguer aussi, du coup on le fait pianoter sur les deux gachettes de la manette rapidement. Ca c’est pour les épreuves physiques (faire des pompes, courir vite, marcher sur les murs etc …). Pour les combats et les scènes complexes on utilise un autre système. En énorme sur l’écran apparaissent deux palettes de Simon (Note de Pouyou : il s’agit d’un jeu de mémorisation de séquences), par-dessus la scène mimée qu’on n’arrive plus très bien à lire du coup, qui nous disent quels mouvements il faut exécuter avec les joysticks. On se concentre donc bien sur ces machins colorés en faisant des mouvements débiles pendant qu’en-dessous se passe une scène qu’on ne voit que vaguement. Effet d’immersion garanti : quand il se retrouve face à un système débiloïde, le joueur ressent bien l’emmerdement comme il devrait.

Côté graphismes, on n’a rien de vraiment transcendant. Sans être monstrueusement laid, le jeu n’est vraiment pas beau. Un vrai effort aurait pu être fait là-dessus clairement, au lieu de crier sur tous les toits que graphiquement les développeurs se sont penchés sur des effets de « salir la caméra », donner du grain et toutes ces choses parfaitement maitrisées dans la série des Silent Hill ; mais l’aspect vieux-laid du jeu est un peu compréhensible sachant que le développement a commencé il y a assez longtemps. On oubliera aussi l’idée du split-screen pour « faire cinéma », utile à peut-être un ou deux endroits du jeu, chiante à tous les autres.

Peut-être un petit point cependant pour les dialogues qui sont timés et qui par moments demandent de réagir un peu, cela dit toujours avec des moulinets du pouce droit (David Cage pense à nous joueurs, et nous permet de développer le muscle de Street Fighter à la main droite aussi).

Au niveau des animations, ça fait plus mal par contre. Pour un produit censé être extrêmement bien motion-capturé, on en ressort assez avec une impression de manque de capteurs avec des personnages plus ou moins raides suivant leur importance dans le scénario (Tyler excepté qui lui n’a juste pas de chance d’être lui même si il est un personnage principal). On a aussi parfois un peu droit à des mouvements de contorsionnistes pas très naturels qui se balladent discrètement dans les coins manquant cruellement de finition.

Pour ce qui est du son et de la musique, ça fait un peu plat aussi. Le son n’a rien de spécial mais n’est pas maudit, et la musique, elle, est un peu absente alors qu’on aurait pu en attendre plus. Faite par le compositeur atitré de David Lynch, on aurait là aussi pu attendre de la musique plus étrange, accentuant le côté fantastique et étrange des images qu’on aurait pu voir, mais rien du tout. C’est un peu de la musique de fond banale et qui ne mérite pas trop qu’on s’y attarde. Un bon point par contre pour le doublage, qui sonne juste, crédible et qui, lui, est bien fait proprement par des vrais doubleurs d’acteurs.

Bon mais derrière tout ça, le jeu en lui-même n’a pas encore été vraiment abordé puisqu’il s’agit surtout d’un jeu qui se veut à scénario et accordant une bonne liberté au joueur, permettant à ses choix d’avoir des conséquences drastiques (comme disent les trailers) sur la suite des évènements. Et c’est le moment que le jeu choisit aussi pour se suicider.

Bingo, le scénario sort de l’urinoir d’un adolescent, pourrait-on résumer rapidement. Sans rien en dévoiler au cas où quelqu’un y joue, il a dû me permettre de perdre plus de cheveux de rage en quelques heures de jeu que pendant tout le reste de ma courte vie, et pourtant j’en perds des cheveux.

Si la première scène, quand on lui enlève tout le côté ésotéri-con est sympathique, avec un peu de l’ambiance, le jeu se perd vite dans la guimauve pour finir de sombrer dans l’enfer du cosmos. La première partie du jeu consiste à un peu enquêter avec les deux personnages flics, Carla et Tyler, et à se promenouiller avec Lucas pris dans ses tourments internes, et beaucoup à découvrir la vie sans interêt et remplie de clichés d’un peu tout ce monde.

Afin de « découvrir » les personnages et de leur trouver une pseudo-profondeur, on ira chercher des dossiers dans la cave du comissariat, on jouera au basket ball avec ses collègues, on aidera son ex-petite amie à faire ses cartons pour déménager ; que du bonheur. Et pour couronner le tout, ces situations de vie quotidienne sont d’une banalité affligeante, non pas parce qu’elles ressemblent à des scènes de la vie de tous les jours, mais parce qu’elles ressemblent à un stéréotype prémâché sans interêt et sans saveur de celle-ci. Pour donner de l’humanité aux personnages, les développeurs ont donc décidé de leur donner les mêmes problèmes qu’on peut retrouver dans tout film policier moderne, et traités de manière caricaturale et maladroite. Dans la bonne norme, on a donc le gentil flic dont la vie de couple se fait grignoter par son boulot, le type qui passe son temps à se dire « Oh mon dieu mais je l’ai pas tué le mec qui est mort quand même ! », la nana qui a pas de vie hors de son boulot de flic, le mec qui a rompu avec sa petite amie sans qu’on sache trop pourquoi mais qui en même temps est encore amoureux d’elle et elle aussi de lui, le noir qui parce qu’il est noir vient des quartiers peuplés de dealers et de gangs et qui a participé à tout ça mais qui finalement s’est rendu compte que tout ça c’était trop de la merde et qui donc s’est engagé dans la police, et d’ailleurs le même noir qui, cerise sur le gâteau, est un peu un plaisantin à blagues et en même temps a le rythme dans la peau. Welcome to cliché-land, entrée payante : 60 euros et sans honte.

Et la trame générale malheureusement ne rattrape rien du tout. C’est un peu la locomotive parachutée sur le reste qui s’enfonce déjà bien tout seul. On peut quand même accorder un vrai point d’originalité : là encore, à ma connaissance, personne n’a jamais osé à faire crétin à ce point. Evidemment, dès le début avec les choses mystiques qui se produisent, on sent que le surnaturel va entrer en jeu et il le fait bien, mais pas sous la forme des classiques satanistes ou de choses de ce goût. Non non, ici dans le monde de Fahrenheit, on se bat contre des aztèques du passé du futur qui invoquent des pumas des rêves pour pourchasser le héros, on découvre des super-pouvoirs d’irradiation de femmes enceintes à la kryptonite, on apprend à trois secondes de la fin que en fait il existe une troisième faction au scénar, on se jette des citernes d’eau grâce à des pouvoirs télékinétiques, on survit à des attaques de cafards effervescents dans des bureaux de matrix, on va en alaska se battre contre des soldats et on saupoudre le tout d’une prophétie parlant d’élu et du destin de l’humanité. Cerise sur le gâteau : le héros masculin couche avec le héros féminin après s’être vus 3 secondes. Amour quand tu nous tiens. Pour un scénario censé être sérieux, totalement premier degré, intelligent et complexe y a pas à dire, ça assure.

Ca assure tellement que ça donne envie de faire comme Tyler, qui vers le milieu - fin décide de ne plus exister dans le scénario. Pof, il est là mais n’existe plus et ne fait plus rien, sans qu’on sache trop pourquoi. Peut-être une prise de conscience de la merde dans laquelle il a été embarqué ? En fait, le scénario a un seul vrai avantage : être raconté après dans des soirées entre potes pour rire en se tapant sur la cuisse face au cataclysme de la chose, le mieux étant que ça ne soit pas vous qui vous le vous soyez tapé, c’est moins douloureux.

Côté liberté on sent aussi pas mal le syndrome chronique de la fixitude. Pour ce qui est des changements globaux que vos actions peuvent engendrer, on peut en voir un demi. L’histoire s’en fout totalement de ce que vous faites, elle est bien découpée en chapitres qui font les choses à votre place. Tout ce qui change entre chacun d’eux est le nombre de points de santé mentale que garde votre personnage (système sans interêt : à 0 vous êtes morts, quand vous faites une chose naze il en perd, quand vous faites une chose cool il en gagne. Point Barre. Oubli.). Au milieu des chapitres, on a droit à vaguement un peu des choix genre se cacher sous le lit ou dans l’armoire, dire X ou Y à Kevin quand il parle mais sans plus, et on arrive rarement à comprendre les conséquences des choix. Le seul moment où la chose est perceptible est dans les scènes où Lucas cache quelque chose puis Carla et Tyler essayent de les trouver l’instant d’après. Ca arrive deux fois dans le jeu, autrement on se brosse un peu.

Donc voilà en gros ce qu’est Fahrenheit : une espèce de monstre d’ego, dans lequel on croise des petits détails comme des ballons de basket avec marqué « Citizen Cage » dessus ou des articles de journaux qui racontent que l’adaptation trop fantastique par David Cage du jeu trop fantastique Omikron, déjà réalisé par David Cage, est jalousée par tous les réalisateurs du monde entier, et que Peter Jackson a dit lui-même qu’il aurait aimé tourner ce film. Kubrick serait pas mort que ça serait probablement lui. Et pour ce qui est censé être novateur, ouvrir la voie à de nouveaux gameplay, on se dira juste dans quelques années que ce jeu n’aura eu aucun successeur et aucune influence et sombrera dans les limbes du néant rejoindre ses confrères de la honte.

3/10 pour un jeu qui ne vaut un peu rien, et surtout pas le coup d’être acheté, mais qui a le mérite d’oser se prétendre transcendental. 3 points de couille donc.

Fahrenheit