De toute évidence, l’orientation de Street Fighter IV n’a pas plu à tout le monde. Mais parce qu’il a tout de même réconcilié les masses avec le beat ‘em up à l’ancienne (et aussi un peu parce que chez Capcom, le sport national c’est d’essorer les licences jusqu’au bout), il aura rapidement droit à une suite. De ce que ses concepteurs en disent, les nouveautés étaient trop nombreuses pour en faire un simple add-on. Alors c’est devenu Super Street Fighter IV, d’abord sur consoles de dernière génération (à prix réduit) puis en arcade, une fois n’est pas coutume. Reste à voir ce que cet ultime Street IV - sisi, promis, après ils passent au cinq - a dans le ventre.
FLY AWAY ON MY ZEPHYR
Bon, pas de nouveautés question scénar’, visiblement. En gros, y’a le S.I.N. qui continue ses tractations en secret, et qui semble masquer la renaissance de Shadowloo, l’organisation secrète que dirigeait Mike Bison avant son démantèlement par l’O.N.U. Mais comme en gros, tout le monde s’en contrefout, concentrons-nous plutôt sur les personnages.
I FEEL IT MORE THAN EVER
Ah, là on tient le bon bout. Des nouveaux personnages, il y en a. Il y en a même un paquet. L’ennui, c’est que la majorité des nouveaux sont des anciens. Non, pas des vieux, je veux dire des personnages qu’on connaît déjà. En gros, Super Street Fighter IV fait dans le recyclage, et c’est ainsi que l’on retrouve les vingt-cinq avatars de Street IV, tous débloqués dès le début d’ailleurs (à moins que ce ne soit ma console qui ait reconnu ma sauvegarde de Street IV), auxquels s’adjoignent dix nouveaux… enfin, dix anciens… enfin, dix autres personnages :
DEE JAY (Super SF2) : le fameux danseur de capoeira qui, d’après le livret du jeu, est visiblement devenu une superstar du disque. Toujours aussi ennuyeux à jouer, par contre.
T. HAWK (Super SF2, le clan est au complet) : l’armoire à glaces amérindienne signe un retour remarquable. Il est grand, il est fort, il sent bon le sable chaud et il est surtout un surprenant campeur, encore plus sympa à jouer qu’à la belle époque.
ADON (Street premier du nom et SFZ) : l’œil du tigre, mec ! Adon n’est plus un simple clone de Sagat en moins bien, il est devenu le chouchou des joueurs aggros, avec sa vitesse de frappe et ses combos imparables.
CODY (Final Fight et SFZ) : le bagnard jeteur de cailloux manque toujours autant de style, et toujours autant d’efficacité. Clairement pas dans le top tiers.
GUY (Final Fight et SFZ) : le ninja en survêt’ rouge est à ranger dans la catégorie des petits mais costauds. Il plaira sans aucun doute aux danseuses qui passent leur temps dans les airs, mais n’a pas plus d’intérêt que ça.
DUDLEY (SFIII) : ça y’est, y’a enfin des persos de SFIII ! Et quels persos ! Dudley, c’est celui qui renvoie Balrog à l’âge de pierre, celui qui boxe dans la catégorie du dessus. Mobile, puissant, nickel.
IBUKI (SFIII) : même constat pour la ninjette en fleur. Anti-campeurs par excellence, elle est à la fois agile et méchante, avec des combos qui déboîtent.
MAKOTO (SFIII) : alors là, j’ai pas compris. L’un des meilleurs persos de Street III, et là plus rien. La karatékette est devenue molle du kimono, ses coups ne portent pas, ses spéciaux n’ont aucun intérêt…
Jusque là, ça fait beaucoup de gens connus. Les deux seuls nouveaux 100% pur jus sont :
HAKAN : attention, concept génial ! Magnat de l’huile de cuisson turque, il parcourt le monde à la recherche de nouveaux produits. Son style de combat mêle les chopes de ouf et les glissades de mammouth pour un résultat plus que convaincant.
JURI : la petite dernière est une tueuse coréenne, et là encore un grand personnage. Rapide, toute en jambes, elle est redoutable aussi bien de loin que de près et, si elle demande un minimum d’entraînement pour être bien perçue, elle en vaut la peine.
Notez au passage que la version arcade, sortie bizarrement la dernière, propose en sus Yang et Yun, les jumeaux de Street III. Peut-être seront-ils un jour ou l’autre téléchargeables sur le Live (peut-être le sont-ils déjà d’ailleurs, n’ayant pas d’accès au Live je ne saurais dire). Côté décors, ce sont quatre nouveaux environnements qui sont proposés : la rue « typique » d’Inde, le chantier, la savane africaine et la ville coréenne.
AND IN THIS PERFECT WEATHER
Plein de nouveaux personnages (ou anciens, enfin on s’est compris), c’est bien. Mais de ce côté-là, Street IV n’avait déjà pas à se plaindre. Reste donc à s’intéresser au cœur du jeu. Et là à première vue, pas de surprises. Super Street Fighter IV reste un beat them up en deux dimensions comme on n’en fait plus. Des combats par défaut en deux rounds gagnants chronométrés, une jauge de vie adverse à vider en deux coups les gros, une jauge de Special qui se remplit à mesure que l’on cogne… Une partie solo dure huit combats, boss compris, et la seule nouveauté (appréciable) que l’on constate, c’est la réintroduction des niveaux bonus : à vous la joie des retrouvailles avec la bagnole à briser en limaille et avec ces foutus tonneaux qui vous tombent sur le coin de la gueule ! Les modes de jeu sont inchangés depuis le précédent épisode, exception faite du Time Attack qui a bizarrement disparu. En contrepartie, on y gagne de nouveaux modes online, comme le jeu en équipe ou le combat sans fin, mais clairement, on n’est pas dans une logique de révolution du genre.
Pas mieux du côté du gameplay : trois boutons de coups de poing, trois de coups de pied, et en avant les marrons ! On retrouve les parades, les dash, les projections, les Attaques Focus, les annulations, les coups spéciaux, les Super Combos, les Super Annulations, les Coups EX et Annulations EX et les Ultra Combos. Bref, Super Street Fighter IV se joue exactement de la même manière que son aîné (et c’est tant mieux), à ceci près que vous devez désormais choisir avant le combat l’Ultra Combo que vous souhaitez réaliser. Ce qui signifie, vous l’aurez compris, que maintenant les personnages ont tous au moins deux Ultra Combos.
WE’LL FIND A PLACE TOGETHER
Alors, mise à jour ou remise à niveau ? De toute évidence, Super Street Fighter IV est véritablement un vrai jeu complet. Avec trente-cinq personnages jouables (je pense) dès le départ, il se place comme une sorte de best of de la série dans son ensemble, plus que comme une version aboutie de Street Fighter IV.
Les ronchons renâcleront toujours sur le parti pris graphique, ou en feront définitivement leur deuil. La sous-saga des Street IV a une identité visuelle à part, tellement à part qu’elle en a laissé beaucoup sur le carreau. Chose d’autant plus surprenante que chaque sous-saga a eu droit à un traitement graphique propre (le style Botero des Alpha, les aquarelles de Street III, la 3D de Street EX… pardon, mauvais exemple). Enfin bref, moi je trouve ça toujours aussi chouette, cette patte, ces animations suivies de taches d’encre, ces décors en carton-pâte aux couleurs ultra-pétantes. Et les nouveaux (décors, personnages et thèmes musicaux) entrent dans la ronde sans faire de vagues. Il n’y pas une fausse note, pas un accident de parcours. Même le très décalé Hakan s’intègre bien. Cerise sur le gâteau, les cinématiques d’intro et de fin pas terribles du premier Street IV ont été intégralement modifiées. Alors du coup, c’est plus des cinématiques, vu que ça bouge plus, mais c’est plus joli.
Oui mais n’empêche que ton jeu super bien, il est pareil que l’autre, non ? Oui, mais non. Comme je le disais, à première vue les différences ne sont pas flagrantes. Le retour des bonus stages ravive la nostalgie, mais n’apporte concrètement rien de plus ; la possibilité de choisir parmi plusieurs Ultra Combos ne justifie pas non plus l’achat. La possibilité de pratiquer les défis dans l’ordre de son choix, par contre, c’est plutôt sympa. Un mode de jeu standard en moins, du online (dont personnellement je me fous, puisque je n’ai pas d’accès) en plus, mais rien de bien folichon là-dedans.
Oui mais voilà, le principal n’est pas là. La bonne nouvelle, c’est que Super Street Fighter IV corrige LE défaut de son aîné, celui dont je parlais en conclusion de mon test à l’époque : son déséquilibre flagrant. Les gars de chez Capcom y sont carrément allés à la machette : t’es trop fort, alors on vire la moitié de tes coups. Sagat, pour ne citer que lui (parce que c’est le plus touché), y perd en priorité sur ses Tiger Uppercuts et n’a plus de double kick de base. En contrepartie, il ne gagne que la Angry Charge, qui permet de booster le Tiger Uppercut moyennant la perte d’un peu de Special. Ce n’est qu’un exemple parmi d’autres, mais grosso modo les top tiers sont un peu redescendus de leur piédestal, même si Zangief, encore lui, est toujours une brute épaisse. Par contre, hélas, ce rééquilibrage à la truelle n’apporte pas de solution miracle aux fans inconditionnels de Dhalsim ou des autres low tiers, qui restent toujours aussi dispensables.
Et visiblement, on en restera là. Occupé par Marvel vs. Capcom 3, Capcom n’ira pas plus loin (enfin ça, c’est ce qu’ils disent maintenant) en ce qui concerne Street IV. En même temps, on tient là la quintessence de la saga : une qualité visuelle et sonore digne de son support, un gameplay qui concilie les fans et les noobs, des défauts de jeunesse gommés dans cette deuxième version, et une durée de vie gigantesque, pour un prix somme toute raisonnable (sauf si, comme moi, vous n’avez pas pu attendre cette version et avez claqué soixante-dix boules dans le premier). Finalement, le beat 2D c’est comme le rock : tout le monde dit qu’il est mort, et regardez-le, il bouge encore !