Sorti en 1996, les Chevaliers de Baphomet a marqué le monde du jeu d’aventure de son empreinte. Son scénario habilement ficelé, son humour savamment distillé, son graphisme superbe à l’époque et son doublage mémorable en on fait un véritable succès. Le jeu connut plusieurs suites plus ou moins bien réalisées. 13 ans plus tard, Revolution Software nous propose une nouvelle version profitant des capacités de la Wii et apportant de nouvelles séquences. Alors, que valent les nouvelles anciennes aventures de Georges et Nico ?
Paris en automne, les derniers mois de l’année et la fin d’un millénaire. La ville évoque en moi des souvenirs de café, de musique, d’amour… et de mort.
C’est sur cette phrase lourde de sens que s’ouvrait en 1996 les Chevaliers de Baphomet, la dernière production en date de Revolution Software, qui avait réalisé auparavant Lure of the Temptress et l’excellent Beneath a Steel Sky. Le joueur incarnait alors George Stobbart, touriste américain en vacances à Paris. Alors que celui-ci buvait un café tranquillement à la terrasse d’un établissement un homme y pénétra, pour en ressortir peu après avec une bien curieuse mallette. Malheureusement pour George, la café explosa quelques secondes plus tard, tuant par la même occasion l’un des clients. George n’aura plus qu’une seule obsession : découvrir qui est derrière cet attentat. Aidé par Nico, une jeune journaliste, il explorera Paris et ses mystères, ainsi que d’autres pays, sur la trace d’une société secrète préparant un complot d’envergure mondiale.
Cette nouvelle version reprend donc le scénario du jeu, tout en le remaniant légèrement afin d’éclairer davantage certaines ombres de la version originale, et surtout, de donner un peu plus d’épaisseur au personnage de Nico qui, par la même occasion, sera dirigée par le joueur lors des nouvelles séquences justifiant cette appellation Director’s Cut. D’ailleurs, contrairement à la version de 1996, le jeu s’ouvre sur l’une de ces nouvelles séquences, mettant en scène Nico. Celle-ci doit interviewer un puissant magnat des affaires, Mr. Carchon. Malheureusement elle n’aura pas le temps de réaliser son interview : celui-ci sera froidement abattu par un mime, qui prendra bien évidemment la fuite avant de faire exploser un certain café le lendemain.
Ces nouvelles séquences s’intègrent assez bien au jeu d’origine et la transition se fait de manière transparente. Cependant, certaines retouches ont été nécessaires au niveau du jeu original. On remarquera ainsi certains dialogues, modifiés pour mieux coller aux nouvelles scènes, certaines énigmes simplifiées, comme celle de la fameuse chèvre irlandaise qui a rendu fou plus d’un joueur à l’époque. Certains personnages secondaires ont aussi été supprimés, parfois sans véritables raisons. Qui dit nouvelles séquences dit aussi nouvelles énigmes. En plus des traditionnelles énigmes que l’on trouve d’habitude dans ce type de jeu, à savoir associer certains objets, les développeurs ont tenu à créer des énigmes spécialement adaptées à la Wii. Si certaines n’ont besoin que du curseur pour être résolues, comme le déchiffrage de messages codés, d’autres, utilisant les capacités de la Wiimote, sont un véritable calvaire. On pensera en particulier à l’énigme du cylindre au début du jeu, où il faudra une dextérité hors-norme pour déverrouiller le mécanisme, à la manière d’un coffre-fort. Heureusement, ces énigmes sont peu nombreuses, mais ont le don prodigieux d’agacer le joueur. On ne parlera pas non plus de l’énigme de la tombe du chevalier à Paris, que l’on résoudra un peu par hasard.
Toujours au menu des griefs, les séquences concernant Nico, même si elles sont très sympathiques, sont finalement très accessoires. En effet, même si elles permettent d’approfondir le personnage, l’intrigue autour de notre journaliste n’a pas de véritable rapport avec l’intrigue principale.
Graphiquement, le jeu n’a pas pris trop de rides vu son grand âge. Le style dessin animé y est certainement pour beaucoup. Les décors sont particulièrement soignés, riches en détails et en couleurs, contrairement aux personnages qui sont légèrement flous. Par contre, si vous disposez d’une télévision 16/9, vous serez chagrinés d’apprendre que le jeu ne gère tout simplement pas ce mode. Au menu des nouveautés de cette édition, on constatera aussi la présence de médaillons contenant les personnages lors des discussions. Ceux-ci ont été réalisés par Dave Gibbons, à qui l’ont doit notamment le comics Watchmen. Malheureusement, même si ces médaillons sont une véritable réussite, il est franchement dommage qu’il n’y ait pas de mouvements labiaux lors des dialogues. On doit se contenter d’une ou deux expressions par personnage. De plus, dans le jeu lui-même, seul George donne l’impression de parler ; les autres personnages ont l’air d’être aussi muets qu’une carpe. Pourquoi avoir supprimé ces animations ? Ce n’est pourtant pas la place qui manque sur le DVD du jeu.
En parlant des dialogues, ils sont toujours aussi nombreux et occupent une place de choix. Cependant, on ne peut s’empêcher de crier au scandale concernant ceux-ci. Si le doublage des acteurs est exceptionnel, ces derniers ayant repris leur rôle pour cette nouvelle édition, on ne peut pas en dire autant de la technique. Le jeu mélange en effet le doublage original aux nouveaux enregistrements. Du coup, le passage d’une version à l’autre se fait cruellement ressentir, surtout lorsque les deux versions se succèdent. On passe ainsi d’un enregistrement clair et net à un autre nettement plus étouffé. Il faut dire que les techniques d’enregistrement et de compression de 1996 étaient à des années-lumière de ce que l’on peut obtenir actuellement. Pourquoi ne pas avoir refait entièrement le doublage ? C’est vraiment regrettable lorsque l’on sait que le jeu des acteurs est remarquable et met vraiment en valeur les dialogues du jeu, riche en humour. On ne se lassera jamais du doublage de George et de son fameux «clown».
Les habitués devraient finir cette nouvelle version entre 7 et 8 heures. Évidemment, les nouveaux devraient mettre un peu plus de temps, surtout que le jeu n’hésite pas à multiplier les fausses pistes. Ce n’est pas parce que l’on peut fouiller une poubelle que l’on y trouvera quelque chose. De plus, il ne faudra pas hésiter à sauvegarder, car contrairement aux autres jeux de son époque, la mort peut frapper en de rares occasions. Cependant, si vous êtes bloqué, les développeurs ont prévu un système d’aide vous distillant de précieux indices. Dommage que celui-ci soit assez mal conçu. Il ne se déclenche pas toujours lorsque vous êtes vraiment bloqué ; si le premier indice ne vous avance à rien, le second ne vous aidera pas plus, se contentant de reformuler le premier. Par contre, le troisième vous donne carrément la solution. Pour faire cela, autant livrer la solution du jeu directement, ou la chercher sur Internet, celle-ci étant disponible depuis des années pour la version originale, et déjà disponible aussi pour la nouvelle.
Bref, que dire de cette nouvelle édition des Chevaliers de Baphomet ? Avec ses nouveaux ajouts et son scénario riche en rebondissements, elle devrait plaire à la majorité des joueurs, qu’ils y aient déjà joué ou non. Cependant, il sera difficile de passer à coté d’une maniabilité pas toujours bien pensée ainsi que d’une qualité d’enregistrement très variable.