Le nouveau jeu de Real-TV qui fera fureur dans l’avenir s’appelle Smash TV. On aura connu les gens enfermés dans un loft qui ne foutaient rien, ceux qui tentaient misérablement d’apprendre à chanter, ceux qui essaient de maigrir, ceux qui allaient accoucher, mais tout cela lassait toujours plus vite un public qui attendait des émotions toujours plus fortes et primitives à l’écran. C’est ainsi que fut créé Smash TV, aboutissement ultime de deux millénaires de civilisation occidentale.
Le principe de Smash TV est simple, car la ménagère après sa journée d’emplettes, l’employé administratif abruti par son encodage, et l’ado boutonneux en mal de sensations fortes doivent pouvoir en saisir toutes les subtilités en un tour de main. On lâche deux candidats armés jusqu’aux dents – en l’occurrence vous et votre meilleur ennemi, faut-il le préciser - dans les studios, avec pour ordre de massacrer tous les malheureux figurants embauchés pour la fête. Faut que ça gicle, que ça tranche, que les corps déchiquetés par les rafales explosent dans une gerbe de boyaux et d’organes suppliciés. Faut que ça fasse de l’audimat, les gars ! Ne regardez pas aux munitions, elles sont payées par les sponsors, et vous pourrez de toute façon récupérer pas mal d’armes encore plus dévastatrices au cours de votre progression. Vous ne voudriez pas que les téléspectateurs se lassent de voir toujours la même balle éclater la cervelle de vos adversaires, et aillent regarder les pubs sur les chaînes concurrentes ? Une fois les salles nettoyées de tout ce qui semblait respirer ou grésiller, il n’y a plus qu’à ramasser les liasses de dollars et les lingots d’or qui traînent au sol, de manière à se payer grosses cylindrées, fringues de marques, femmes faciles et tous les signes extérieurs d’aisance de l’homme moderne.
Les concurrents mis en ligne pour cette glorieuse chasse au fric n’ont visiblement pas été recrutés pour leur intellect ni leur conversation brillante (cela, au moins, n’a pas changé depuis les émissions du début du XXIe siècle), mais qu’importe ! Une fois riches à million, les deux bovins décérébrés pourront figurer sans honte dans le gotha national, à l’image de ce qui se fait dans toute société développée digne de ce nom.
Réalisation technique : On ne peut pas dire qu’il y ait grand-chose à se mettre sous la dent au niveau visuel dans Smash TV. Sprites principaux minuscules et grossiers, adversaire du même acabit. Le fait que tout se déroule dans les différentes salles du studio de l’émission rajoute encore à la monotonie graphique. Pour le reste, la Super NES arrive plus ou moins à éviter les ralentissements ce qui, vu les dizaines de sprites présents à l’écran, n’était pas gagné au départ.
À noter que la jouabilité est assez surprenante : au lieu de diriger votre personnage et de tirer avec un unique bouton comme dans la plupart des jeux de commando à la Mercs, quatre boutons différents vous permettront de tirer dans les quatre directions. Ce système permet des actions d’ordinaire péniblement réalisables dans les autres programmes du même style, comme courir vers le bas tout en canardant sur votre droite. Cela complique néanmoins un peu les choses, même si on finit par s’y habituer, et on se demande s’il s’agissait d’une si bonne idée que ça.
En bref : 9/20
Smash TV reste défoulant le temps de quelques parties. La compétition entre les deux joueurs pour grappiller le plus de thune possible demeure assez sympathique pour régler de nombreux litiges personnels, mais la réalisation assez déplorable et le principe pour le moins limité ne permettent pas à ce jeu de rester longtemps en haut de votre playlist. Seul, le jeu n’a pratiquement aucun intérêt, et même à deux joueurs, on se tournera rapidement vers quelque chose d’un peu plus gouleyant techniquement et d’un peu moins limité sur le fond.