Au-delà de l’occidentalisation du titre, qui admet des tas d’orthographes différentes (par exemple, je l’ai vu écrit « Rudora no Hinou »), ce titre méconnu de Squaresoft est probablement l’un des plus brillants de la génération 16 bits. Imaginez une sorte de Romancing Sa.Ga 3 mélangé avec un peu de Final Fantasy VI et de Seiken Dentetsu 3… Non, en fait oubliez ce que je viens de dire. Rudra no Hihou c’est original, et c’est ça qui est bon.
IMAGINE ONE DAY IT’S YOU
Au départ, les Dieux créèrent les quatre races primordiales : les Danans, les Sirènes, les Reptiles et les Géants. Au fur et à mesure, chacune de ces races disparut pour laisser place, finalement, aux Humains. En effet, tous les quatre mille ans un Rudra, omnipotent envoyé des Dieux, a pour mission d’éliminer la race dominante afin de laisser évoluer les autres. Sa mission accomplie, il se fige à tout jamais.
Désormais ce sont les Hommes qui dominent, et depuis près de quatre mille ans, ils pillent et détruisent la planète morceau par morceau. Leur Rudra est donc en approche, et arrivera dans quinze jours. Heureusement, aux quatre coins du globe, les héros vont se réveiller pour tenter d’empêcher la catastrophe.
OM SWEET OM
Rudra no Hihou est un RPG traditionnel, au tour par tour, qui à première vue ne se distingue pas particulièrement de la masse de ses collègues et concurrents. L’aventure suit un plan classique à base de visites de villes et d’exploration de donjons, les premières abritant des PNJ (Personnages Non-Jouables) avec qui vous pouvez papoter et des magasins, et les seconds servant de repaires à diverses créatures dangereuses, y compris les indispensables boss. Les combats se déclenchent de manière aléatoire sur toute zone hostile (les donjons, donc, mais aussi l’atlas mondial) et, à votre tour de jeu, vous choisirez une option parmi quatre (attaque, magie, objet, défense) dans le menu contextuel prévu à cet effet. Vos divers alliés doivent s’équiper de diverses armes et pièces d’armure, et augmentent en niveaux d’expérience à mesure qu’ils remportent des combats, accroissant du même coup leurs diverses statistiques.
Autant dire que jusque là, les amateurs de RPG nippons ne vont pas avoir d’infarctus dus à la surprise. À vrai dire, en terme de jeu pur et dur, Rudra no Hihou ne se distingue vraiment du lot que par deux points. Deux points énormes, mais deux points seulement.
Premièrement, l’aventure est découpée en chapitres. Ils sont au nombre de quatre très exactement, et concernent beaucoup de monde, puisque les trois premiers impliquent trois équipes de héros différentes et le dernier les regroupe toutes. À la différence d’un Sa.Ga Frontier par exemple, il ne s’agit pas vraiment d’histoires distinctes mais plutôt de trois points de vue différents : il faudra terminer les trois premiers scenarii, dans l’ordre prédéfini, afin de débloquer le quatrième, qui représente la confrontation finale. En ce sens, Rudra no Hihou rappelle un peu Dragon Quest IV.
Deuxièmement, les magies sont assez particulières. Il s’agit de mantras, et leur particularité est… que c’est à vous de les créer ! En effet, vous découvrirez au fur et à mesure de votre parcours des sortes de mots de passe magiques. Par exemple, LEF signifie soin. Donc, si vous créez un mantra LEF, vous pourrez soigner votre perso. Vous découvrirez également que le préfixe YOU a pour intérêt d’augmenter la puissance d’un sort : YOULEF est donc une sorte de soin +, mieux qu’un soin tout court mais coûtant plus cher en MP. Et puis vous trouverez aussi des suffixes. Le suffixe NA permet de toucher toutes les cibles d’un groupe. Vous l’aurez compris, YOULEFNA est donc un puissant sort de soin sur tous vos alliés. Notez qu’un sort peut avoir plusieurs préfixes mais un seul suffixe, à vous de faire tout un tas d’essais. Ce système de magies complètement unique fait à lui seul tout le sel de l’aventure. En dehors de cela, les sorts fonctionnent sur un très classique principe d’éléments (feu, terre, lumière…) plus ou moins forts face à l’un de leurs pairs.
LE TRÉSOR DE LA SUPER NES
Perle méconnue de Square, Rudra no Hihou bénéficie depuis quelques temps d’une traduction en français (le jeu était exclusif à la Super Famicom à l’époque, la faute à une sortie tardive) de fort bonne qualité, qui permet de profiter du sympathique scénario. Celui-ci n’invente rien, mais il amène intelligemment quelques rebondissements bienvenus, et les personnages, nombreux, sont plutôt travaillés.
Concernant la réalisation, le titre se situe dans le haut du panier. Les graphismes sont fins, les couleurs chatoyantes et cet univers somme toute convenu transpire de jolis designs. La partie sonore est également de très bonne qualité, et comparativement, on pourrait rapprocher Rudra no Hihou d’un Seiken Dentetsu 3, ou pas loin.
Et si le système de jeu ne bouleverse pas vraiment les fondamentaux du genre, le principe des mantras est proprement génial. Il permet une évolution continue des personnages et, même s’il rappelle un peu les mots de passe à la con de Final Fantasy II, il est bien moins lourd à gérer.
L’aventure n’est pas foncièrement longue, mais comptez tout de même quelques dizaines d’heures, entrecoupées d’inévitables séances de levelling et de quelques quêtes secondaires, pour en faire le tour.