Un jeu divin
Aujourd’hui, nous allons parler d’un jeu qui a révolutionné le monde du jeu vidéo en son temps. Il s’agit de Populous, le premier simulateur de… dieu !
Sorti de l’esprit de Peter Molyneux, Populous (ainsi que Sim City, de Will Wright) a secoué le monde informatique, apportant le concept de ‘God Game’.
Existant quasiment sur tous les supports de l’époque, nous allons nous intéresser ici à la version Super Nintendo.
Dieu plus dieu égale ?
Le principe du jeu est simple : vous êtes un dieu, et un peuple croit en vous. Le problème c’est que sur ce beau monde, il existe un autre peuple qui croit en un autre dieu. Et ça c’est pas bien : vous voulez être le seul qui commande et qui décide. Le boss, le grand manitou, la vedette, le cerveau ! Et le problème, c’est que l’autre caresse exactement le même objectif… Bref, l’un de vous deux doit disparaître.
L’ennuyeux, c’est que par définition un dieu est immortel, et ne peut disparaître que lorsque plus personne ne croit en lui. Ce qui veut dire que l’attaquer de face ne sert à rien, mais… éradiquer son peuple le ferait retourner au néant.
Votre peuple va donc devoir exterminer le peuple ennemi. Néanmoins, les simples mortels étant particulièrement stupides et incapables de s’en sortir par eux-mêmes, vous allez devoir leur donner un coup de main dans cette lutte terrible.
Ce plat pays qui est le vôtre
À chaque niveau, votre objectif est double : rendre votre peuple heureux et rendre le peuple adverse malheureux (puis mort).
Pour rendre votre peuple heureux, rien de plus simple : il faut qu’il prospère, en construisant des villages, villes et châteaux. Plus votre peuple prospère, plus il est content. Plus il est content, plus il croit en vous. Plus il croit en vous, plus vous avez de mana. Plus vous avez de mana, plus vous êtes puissant. Plus vous êtes puissant, plus vous pouvez rendre votre peuple prospère, et cetera.
Et donc, il vous faudra largement planifier… non, non, pas une stratégie à long terme. Il vous faudra planifier le terrain (sic) : plus ce dernier est plat, plus vos hommes peuvent construire de grandes habitations.
Au début, avec peu de croyants, aplanir le terrain se fait lentement, le temps que vos maigres pouvoirs divins se rechargent. Ce rechargement s’effectue de plus en plus vite au fur et à mesure que votre peuple s’accroît : la population des villes augmente régulièrement et, lorsqu’une d’elles atteint son nombre d’habitants maximum, une petite partie de la population est expulsée sous la forme d’un marcheur, pour aller créer une nouvelle cité un peu plus loin. Au bout d’un moment, vous disposerez de tant de mana que modifier le terrain deviendra une activité triviale, et que vous pourrez vous concentrer sur l’éradication des hérétiques d’en face.
Soit en jouant avec l’attitude de votre peuple, soit (plus fun) en dépensant votre mana pour jouer avec.
La positive attitude
Même si vous ne contrôlez pas directement vos hommes, vous pouvez leur attribuer un comportement particulier parmi quatre, et le changer lorsque le besoin s’en fait sentir.
Prospérer : l’attitude par défaut. Vos hommes ne se préoccupent pas de l’ennemi et se concentrent sur la construction de maisons.
Se regrouper : pareil qu’au-dessus à un détail près : si plusieurs de vos marcheurs se trouvent à proximité les uns des autres, ils se réuniront avant de chercher à construire une ville. Ceci est très utile dans les niveaux inhospitaliers, où le fait de marcher fait perdre de la vie aux marcheurs.
Attaquer : les marcheurs à proximité de l’ennemi l’attaqueront afin de conquérir son territoire. Ceux trop loin de l’action continueront de construire normalement.
Rejoindre l’aimant papal : plus aucun marcheur ne construit et tous rejoignent votre leader, qui lui-même se dirige vers l’aimant papal (cf chapitre suivant).
Intervention divine dans ta face
Une fois un certain niveau de population atteint, vous pourrez reporter votre attention sur ceux d’en face, avec vos pouvoirs divins.
Vous avez sept pouvoirs différents. La quantité de mana nécessaire à leur utilisation augmentant de manière exponentielle une fois un pouvoir acquis, tant que vous n’en abusez pas, vous pouvez utiliser vos pouvoirs de niveaux inférieurs pour ‘quasiment rien’.
Les pouvoirs sont les suivants :
Niveau 1 - Déplacer l’aimant papal : dans chaque niveau, vous débutez avec un leader. Celui-ci est un marcheur comme les autres, sauf qu’il porte un petit ânkh sur lui (symbole de votre religion). Un ânkh similaire mais plus gros se trouve au milieu de la carte. Lorsque vous choisissez l’aptitude ‘aller vers l’aimant papal’, votre leader se dirige vers cet aimant et vos marcheurs se regroupent avec lui (l’union faisant la force, cela permet de se créer un véritable bulldozer). Ce pouvoir vous permet de placer l’aimant à l’endroit de votre choix (au hasard, sur une ville adverse), afin d’avoir un minimum de contrôle sur les batailles que vous voulez voir mener. Cette tactique du ‘super-leader’ est la plus simple et de loin la plus efficace.
Niveau 2 – Tremblement de terre : ce pouvoir déclenche un tremblement de terre sur la zone affichée à l’écran. Son utilisation est double. La première, la plus évidente : détruire les zones plates de votre adversaire afin de foutre en l’air ses châteaux et ralentir sa croissance. Mais vous pouvez aussi l’utiliser sur votre peuple, pour atténuer les effets d’un volcan adverse, ou aplanir ‘en gros’ le terrain dans les niveaux où vous n’avez pas le droit de modifier le sol. C’est un pouvoir basique et peu efficace offensivement, dans la plupart des cas.
Niveau 3 – Marais : un pouvoir majeur du jeu, capable à lui seul de retourner une partie. Il permet de placer aléatoirement des marais sur la zone affichée de la carte. Les marais sont des trous gênant la construction des villes et, surtout, tuant instantanément tout marcheur tombant dedans, quelle que soit sa puissance. Ainsi, un super-leader ou chevalier adverse, capable à lui tout seul d’éradiquer votre peuple entier, peut mourir d’un simple faux pas.
Niveau 4 – Chevalier : vous transformez votre leader en une bête de guerre. Vous ne pouvez plus le contrôler de quelque manière que ce soit, et il se concentre sur l’éradication des ennemis, réduisant leurs villages en ruines. Utile pour accélérer la fin de partie.
Niveau 5 – Volcan : le pouvoir par excellence… Bon, en fait, il crée plus une montagne qu’un volcan, mais quand même. Les villes à l’écran sont détruites par une terrible élévation de terrain. Des rochers apparaissent, empêchant la reconstruction facile des cités. Généralement, utiliser ce pouvoir porte un sacré coup au mana adverse (les peuples n’aiment pas voir leurs belles cités détruites). Un double ou triple volcan est souvent un pas décisif vers la victoire, en empêchant l’ennemi d’utiliser ses propres pouvoirs.
Niveau 6 – Raz-de-marée : augmente le niveau de l’eau d’un cran. Puissant en théorie, il l’est moins si vos constructions sont au niveau du sol, car vous vous retrouvez noyé aussi. Et planifier d’utiliser ce pouvoir en ne construisant qu’en altitude n’est pas une stratégie viable. Bref, bien que puissant, ce pouvoir n’est pas maniable et ne servira que très ponctuellement, sur des cartes bien précises.
Niveau 7 – Armageddon : le pouvoir permettant de finir rapidement une partie traînant en longueur. Tous les habitants se dirigent vers le centre de la carte et commencent à se battre à mort, jusqu’à ce qu’il ne reste plus qu’un peuple. À utiliser lorsque votre population est largement supérieure en nombre à celle de l’adversaire.
Un monde parfait
Les parties se déroulent toujours de la même manière : installer son peuple, se constituer un leader surpuissant, voire un chevalier, et massacrer les mécréants, pour finir en Armageddon si le niveau s’éternise.
Malgré tout, les niveaux arrivent quand même à se renouveler. D’abord par le changement de paysage. Si vous commencez par un terrain classique et relativement hospitalier, les niveaux suivants vous feront découvrir de nouveaux paysages. Dans chacun, la vitesse de croissance des villes, la perte d’énergie des marcheurs, la quantité de mana qu’ils vous fournissent peuvent varier.
Ainsi, dans le désert, les marcheurs perdent énormément d’énergie en marchant, et les plus faibles peuvent mourir de leur errance. Dans la glace, les conditions de voyage sont légèrement moins drastiques, mais la croissance des villes est très lente.
Si la plupart des mondes sont classiques, certains sont carrément surprenant visuellement. Ainsi le ‘Bit Plains’ (Plaine Bitmap) vous mènera dans un monde où vous dirigez des petits bugs informatiques, construisant des consoles pour habiter dedans. Vous pouvez ainsi dirigez des Japonais, des révolutionnaires français, des souris dans un monde de friandises… et même des petits cochons. Mais méfiance, même si ces mondes sont amusants à regarder, ils font généralement partie des niveaux les plus ardus.
En outre, chaque niveau dispose de ses propres règles concernant l’utilisation des pouvoirs, et peut vous interdire, à vous ou à votre némésis, l’utilisation d’un ou plusieurs de ceux-ci. Ainsi, si au début les marais et volcans sont vos amis, rapidement ils vous seront interdits dans la plupart des niveaux.
De même, dans les premiers niveaux, le moindre contact avec l’eau est mortel, vous permettant de noyer les ennemis en descendant le sol sous eux. Dans les niveaux suivants, l’eau sera toujours dangereuse mais les tuera lentement, laissant le temps à l’ordinateur de les sauver.
Et dans le pire des cas, vous ne serez même plus autorisé à modifier l’aspect du terrain… bonne chance avec ces niveaux !
L’IA est totalement incompétente au début, puis a tendance à aller en s’améliorant. Sa stratégie est assez basique : si elle le peut, elle crée des volcans pour vous nuire (ou des catastrophes moindres si le niveau lui interdit le volcan) en se concentrant sur un super-leader… Bref, la même stratégie que vous, quoi. Ce qui fait que c’est souvent la course à qui aura la plus grosse population.
Commandes divines
Le jeu se joue simplement. Vous déplacez un curseur sur la carte. Par défaut, ce curseur sert à modifier le terrain : un bouton vous sert à élever le terrain, un autre à l’abaisser.
En appuyant sur ‘Start’ vous accédez aux icônes sous les cartes, permettant d’activer vos pouvoirs et de changer l’attitude de votre peuple.
Lorsqu’un pouvoir est sélectionné, le curseur sur la carte indique que ce dernier est prêt à être lancé. Une pression sur un des boutons - qui vous servait à altérer le terrain - et le pouvoir est lancé, tandis que le curseur reprend son aspect par défaut.
Cela ne vaut pas le maniement à la souris des versions pour ordinateurs, mais ce mode de fonctionnement s’avère rapidement simple et intuitif.
Jouez comme un dieu
Graphismes : Les traits sont légèrement grossiers et les couleurs correctes, ce qui donne un tout passable.
Sons : LE point faible du jeu. Un léger chant grégorien, quelques battements de cœur et deux, trois sons pour signaler les catastrophes. C’est ridicule.
Animation : Rien de transcendant. C’est très légèrement saccadé mais cela ne nuit pas au jeu.
Difficulté : Bonne, mais pas insurmontable. Les premiers niveaux sont extrêmement faciles, mais à partir du soixante-dixième les choses se corsent. Sachant que la réussite avec brio d’un niveau vous en fait sauter parfois 5 ou 6, vous y arrivez rapidement.
Richesse : Un faux jeu riche. On a l’impression d’avoir plein d’options, mais en fait seul un nombre limité de choix a lieu. Et on se retrouve toujours plus ou moins à faire la même chose.
Scénario : Vous êtes un dieu ! Rien que ça… On ne peut pas dire que notre égo ne soit pas flatté.
Ergonomie : On pouvait craindre le pire : à la base, Populous a été conçu pour des ordinateurs équipés de souris. Mais la manette s’en sort avec les honneurs. Il faut certes un temps d’adaptation, mais une fois compris les fonctions des boutons, tout se déroule correctement malgré un très léger temps de latence.
Longévité : Les fans de la première heure y reviendront avec plaisir. Par contre, je doute de sa capacité à attirer de nouveaux joueurs.
En bref : Populous a bientôt vingt ans. Cela se ressent dans les possibilités stratégiques du jeu, assez limitées. Par contre, l’utilisation de la manette est la bonne surprise de cette adaptation, que je réserverai aux nostalgiques et aux curieux.