On connaissait l’antique Popeye d’arcade adapté sur la NES. On connaissait aussi quelques spécimens Game Boy moins mémorables mais néanmoins de bonne facture… et puis, sur Super NES, que dalle ! Une carence curieuse quand on songe qu’il s’agit tout de même d’un personnage archi-célèbre à travers le monde, et que les éditeurs font rarement preuve de frilosité lorsqu’il s’agit de transposer en jeu vidéo un héros connu d’au moins 50 acheteurs potentiels. Après bien des recherches, maître Kenseiden a pourtant déniché une Rom mettant en scène le célèbre matelot mangeur d’épinards, une Rom intitulée « Popeye : Ijiwaru Majo Shihaggu no Maki. Hé oui, contre toute attente, Popeye sortit exclusivement sur Super Famicom, et même les États-Unis ne réceptionnèrent jamais ce soft sur leur territoire. Dommage car à défaut d’être extraordinaire en pratique, ce jeu proposait un concept relativement innovant pour son époque : un mélange de jeu de plates-formes et de jeu de société.
Examinons rapidement la phase plates-formes. De ce côté-là, rien de bien excitant à signaler. Des plates-formes, des trous, des items à ramasser pour gagner des points et de petits adversaires mignons comme il faut. Popeye se sert d’une ancre pour éliminer ses adversaires (ancre qui peut être projetée comme un fouet dans les quatre directions) et peut également leur sauter dessus. Si Popeye se résumait à cela, on n’aurait affaire qu’à un jeu de plates-formes parmi tant d’autres, qui n’aurait pour séduire que la renommée de son personnage principal. Mais l’intérêt de Popeye et sa principale originalité tient à son mode deux joueurs, qui propose une intéressante compétition entre les deux participants. Popeye (et son double dans le mode deux joueurs) évolue dans un univers champêtre représenté par une grande carte composée de stages, magasins et autres cases bonus reliés entre eux par des chemins (un système similaire à ce qu’on pouvait trouver dans Super Mario Bros. III et Super Mario World). La différence est que le marin ne peut s’y déplacer à sa guise. A chaque tour de jeu, un dé est lancé et indique de combien de cases Popeye peut se déplacer. On ne tombe donc pas à chaque fois sur une case intéressante, et encore moins sur un stage jouable. L’objectif est d’atteindre les cases marqués d’un cœur, qui permettront à Popeye de délivrer ses amis du maléfice de la sorcière des mers. Chaque case a son utilité : les stages standards permettent de gagner des points, de l’or ou des bonus une fois traversés d’un bout à l’autre, les magasins permettent d’acheter des bonus avec l’or récolté dans les stages. Les cases marquées d’un poulet rajoutent un point au jet de dé de Popeye et lui permettent à l’occasion d’atteindre plus facilement une case « cœur ». Il est également possible d’utiliser un navire pour traverser toute l’île sans emprunter la longue voie terrestre, et de croiser Brutus et un gros boxeur (qui se déplacent eux-mêmes à leur guise sur la carte). Brutus se contentera de vous foncer dessus quelques fois avant de vous laisser partir, mais il faudra frapper le boxeur à plusieurs reprises avant de pouvoir bénéficier de la boîte d’épinard qui vous permettra de vous en débarrasser pour de bon. Le jeu demande donc que les joueurs se déplacent rationnellement.
Si, en solo, ce système est plus inutile qu’autre chose, il épice le mode deux joueurs puisqu’il rajoute une légère part de chance et de hasard à la progression, à la manière d’un jeu de l’oie (le vainqueur étant celui qui récupère les cœurs le premier). Cerise sur le gâteau : les deux joueurs ne jouent pas alternativement mais simultanément, grâce à un écran splitté à l’horizontale.
Réalisation technique :
Popeye n’est techniquement pas trop mal fichu. C’est du moins ce qu’on se serait dit s’il avait fait partie du pack de softs publiés au moment où la Super NES était lancée sur le marché. En 1994, après des Actraiser, des Secret of Mana ou des Lion King, il y a de quoi trouver la réalisation un peu saumâtre. Graphiquement, c’est tout juste potable, avec des stages très géométriques, des décors convenus et simplistes et des couleurs curieusement lavasses. Au niveau du fond comme de la forme, l’univers de Popeye rappelle celui de Super Mario World sans en avoir le style et la simplicité volontaire. Le reste de la réalisation me semble à l’avenant : une très pâle copie du hit immortel de Nintendo. Un jeu pas plus rapide que ça (et un scrolling qui a l’outrecuidance de provoquer des saccades de temps à autre, en plus !), des mélodies guillerettes mais sans cachet, et une jouabilité standard, ni vraiment parfaite ni vraiment loupée. Si Mario n’était pas ce qu’il est et n’avait pas eu une équipe de développeurs de chez Nintendo pour lui faire vivre ses aventures, il se serait sans doute appelé Popeye !
En bref : 13/20
Pris comme un simple jeu de plates-formes, Popeye s’avère totalement anecdotique. Mais le principe du mode deux joueurs est étonnant. Je ne pense d’ailleurs pas avoir déjà vu ce système utilisé dans un autre soft. Malheureusement, si la théorie est géniale, la pratique est tout de même un peu moins rose. C’est curieux mais dans ce mode, Popeye est une compétition sans vraiment en être une. Pas vraiment d’affrontements directs entre les deux joueurs, pas de possibilités de jouer de sales tours à son adversaire pour récupérer les items avant lui : à de rares exceptions près, chaque joueur fait finalement sa partie dans son coin, sans pouvoir réellement interagir avec son voisin. Reste qu’à défaut d’être un véritable hit, ce concept ludique reste suffisamment intéressant pour que Popeye vaille tout de même le coup d’être essayé avec un ami.