Quand on se lance dans une partie d’Hagane, on en vient à se demander pourquoi tous les jeux d’action 16-bits n’étaient pas de cette trempe, tant on se trouve ici face au summum du jeu d’action classique de la première moitié des années 90 : un jeu superbe, passionnant, impressionnant, haletant… et qui rabaisse d’autant plus les malheureux softs qui ne possèdent pas sa magnificence. Côté scénario, rien de bien original pourtant : on dirige un samouraï bionique boosté à l’extrême qui doit repousser une invasion de démons et de machines qui menace le Japon. On a déjà entendu pareil synopsis quelque part, et je vous fiche mon billet qu’on l’entendra encore à de nombreuses reprises à l’avenir. Le seul truc qui compte, c’est que ce fameux samouraï est une véritable machine à tuer, à laquelle rien ne résiste bien longtemps.
Voyez plutôt de quoi dispose l’honorable combattant dans sa besace : son traditionnel katana bien entendu, capable de fendre n’importe quelle matière, mais aussi une chaîne terminée en pointe pour attaquer avec une certaine allonge. Cette chaîne lui servira également à s’accrocher au plafond et à escalader les étages successifs durant les stages qui réclament une progression de ce style. Question projectiles, on peut utiliser des poignards japonais et des grenades. Ce n’est pas terminé, car le samouraï peut également, en faisant appel à la magie ninja, déclencher une onde de choc qui ne laissera pas grand chose grésiller à l’écran. Enfin, il peut également se livrer à un enchaînement d’acrobaties qui se terminera par un puissant coup de pied renversé vers le haut, glisser au sol à toute vitesse pour briser les genoux de l’ennemi, lui bondir dessus et le larder de coups de pied destructeurs, rebondir contre les murs comme dans un film de Hong Kong ou encore se rouler en boule et se projeter à grande vitesse vers l’avant, histoire de franchir les précipices un peu trop larges. Rien que ça ! Vu les possibilités impressionnantes du héros, il y a de quoi sincèrement prendre en pitié ces malheureux démons, qui ont bien mal choisi leur jour pour venir semer la pagaille sur terre !
L’univers de Hagane est particulièrement réussi : pour vous donner une idée, on se trouve au croisement de « Tigre et Dragon » et de « l’Empire contre-attaque ». On écumera ainsi de gigantesques croiseurs stellaires dont l’intérieur ressemble à un dojo, on traversera des mégalopoles industrielles futuristes où les ennemis préfèrent utiliser la magie ou le sabre plutôt que les lasers, et on affrontera au-dessus des montagnes une sorte de chimère reptilienne aux commandes d’un skyspeeder ultra-moderne. Quant aux boss, aussi gigantesques que magnifiques, il s’agit toujours d’un démon ou d’un être doté de pouvoirs magiques qui s’incarne dans une machine. Bonjour le mélange !
Hagane propose une très grande diversité d’action. Si la majeure partie du jeu se fera selon une classique progression où on extermine tout ce qui arrive par la droite ou par la gauche, le jeu propose aussi de nombreuses séquences de plates-formes, des passages en Mode 7 (mais vus de profil) où il faudra zigzaguer comme on peut dans un vaisseau en perdition, des séquences de réflexes ultra-rapides avec scrolling continu ou encore, des séquences de pseudo shoot them up lorsqu’on pilote le scooter volant.
Réalisation technique :
Malgré la petitesse des sprites, Hagane offre un extraordinaire festin visuel aux joueurs qui auront le plaisir de l’essayer, avec ses décors qui fourmillent de petits détails, ses boss spectaculaires qui font forte impression (les autres sprites restant, eux, relativement communs), et son style graphique qui n’appartient qu’à lui. Rarement un jeu Super NES aura fait preuve d’une telle débauche graphique, d’une telle variété dans les stages proposés, d’une telle profusion d’effets spéciaux et d’explosions sans que jamais l’action ne souffre du moindre ralentissement, ou que la console ne parvienne plus à assurer le suivi de cette surenchère technique. D’accord, je m’emballe peut-être un brin, mais la concordance de toutes ces qualités donne un cachet réellement supérieur à Hagane par rapport à ses concurrents. La jouabilité est un peu délicate à prendre en main au clavier mais avec un peu de pratique, on s’en sort haut la main (sur console, elle ne souffrait d’aucun défaut). Rajoutez à cela des bruitages tonitruants et de magnifiques musiques « shinobi-esques » et vous obtiendrez l’équivalent d’une superproduction hollywoodienne à destination de la Super NES.
En bref : 18,5/20
La Super NES le tient, son Shinobi ! Difficile en effet de ne pas penser aux aventures du ninja made in Sega lorsqu’on est occupé à franchir les niveaux successifs de Hagane. En dépit d’une approche nettement plus futuriste, Hagane reprend tout ce qui a fait le succès de cette série mythique : de l’action, des adversaires à la fois humains, monstrueux et mécaniques, des boss gigantesques, de la magie, des armes à feu et un parfait équilibre entre action et plates-formes. Tout cela Hagane l’offre sans compter, si ce n’est qu’il est probablement encore meilleur que ses modèles avoués, y compris l’excellent Shinobi III sur Mega Drive. Assez logiquement, sa réalisation technique est plus impressionnante mais à l’usage, il se révèle aussi être plus maniable, plus charismatique, plus accrocheur que les aventures du célèbre guerrier de l’ombre. Le problème d’Hagane, c’est qu’on s’y plonge avec tellement de plaisir et de volonté de vaincre que, malgré sa difficulté bien dosée, on ne tarde pas à le terminer de toutes les manières possibles ! En y réfléchissant bien, et pour avoir testé l’immonde jeu concerné il y a peu, si un soft avait mérité de s’appeler « Cyber Shinobi », c’est bien Hagane !