C’est lorsqu’on découvre ce genre de soft méconnu que l’émulation prend tout son sens. Je me rappelais vaguement l’avoir entraperçu dans un numéro de Joypad à l’époque et n’avais guère compris à l’époque en quoi consistait le principe de ce curieux hybride. La réponse m’apparaît enfin près de 13 ans après sa sortie : ni vraiment jeu d’action, ni vraiment jeu de rôle, E.V.O. est un intéressant cross-over qui, une fois n’est pas coutume sur console 16-bits, est basé sur un concept résolument original. C’est en effet à la plus grande aventure de tous les temps qu’E.V.O. vous convie… (silence de quelques secondes, fondu au noir, vision d’une fleur, d’une abeille, d’un bébé qui naît)… l’aventure de la vie (c’est pas la classe totale cette phrase ? J’aurais du travailler sur Arte). Bien que basé fondamentalement sur l’action (à savoir que ce seront vos réflexes et non de savants calculs de paramètres qui détermineront l’issue des combats), E.V.O. vous permet de personnaliser votre personnage selon vos souhaits en mettant l’accent sur telle ou telle caractéristique pour progresser à travers le jeu.
Vous commencez en tant qu’inoffensif petit poisson, perdu au milieu des océans préhistoriques. Autour de vous, des oursins et des anémones de mer pour récupérer de l’énergie en cas de bobo, et des méduses qui peuvent vous blesser si vous en approchez de trop près. Le destin darwinien de ce poisson étant de survivre, il se mettra immédiatement à attaquer son environnement, en mordant sauvagement les méduses. Et c’est là qu’intervient la grosse originalité de E.V.O.. Chaque fois qu’on tue une bestiole, elle laisse derrière elle un petit quartier de viande. Ce bout de barbaque a deux utilités : premièrement, recharger l’énergie si celle-ci est trop basse ; deuxièmement : gagner des points d’expérience, appelés ici « points d’évolution ». En effet, au fur et à mesure que l’on progresse à travers les différents stages du lagon primitif, les adversaires deviennent de plus en plus dangereux : poissons cuirassés, céphalopodes, requins, … Votre petit alevin se retrouve rapidement surclassé par la faune locale. En utilisant les points d’expérience acquis au combat, votre poisson peut « évoluer ». Ainsi, vous pourrez le remodeler à votre convenance parmi un grand choix de possibilités d’évolution différentes. En modifiant sa nageoire caudale ou dorsale, vous lui ferez gagner de la vitesse. En augmentant le volume de ses écailles, vous lui conférerez une résistance accrue. Les cornes et les mâchoires feront de lui un prédateur à même de lutter contre les autres prédateurs du lagon.
L’évolution ne s’arrête évidemment pas au stade du poisson, et vous connaîtrez par après l’état d’amphibien, de dinosaure, de mammifère et enfin, l’âge de l’Eden. Parce qu’il y a un scénario un peu fumeux derrière tout cela, comme quoi vous devrez franchir tous les paliers de l’évolution pour retrouver l’incarnation de la déesse mère Gaïa au jardin d’Eden. Peu importe : le tout est de savoir qu’à chaque « âge », le principe reste le même : explorer les différents stages, tuer en évitant d’être tué, manger en évitant d’être mangé et faire évoluer votre nouvelle créature jusqu’à ce qu’elle soit mûre pour passer à l’âge suivant. Inutile de vous expliquer qu’à la fin de chaque âge, vous devrez affronter et vaincre le super prédateur du moment (dans l’âge des poissons, il s’agit d’un grand requin blanc puissant, rapide et résistant). Il est donc vital, afin de maximiser vos chances de victoire, que vous soyez vous-même parvenus au dernier stade de l’évolution dans tous les domaines. La bonne nouvelle, c’est qu’il est possible de revenir à volonté dans les stages déjà visités et manger jusqu’à disposer du nombre de points requis pour se doter du dernier cri en matière de mutation.
Réalisation technique :
Du bon boulot dans l’ensemble. Les décors sont sympathiques, bien qu’assez dépouillés, et on peut admirer quelques jolis effets de déformation dans certains stages. Les multiples évolutions de votre bestiole ont une bonne tête, les ennemis sont bien représentés, et le choix d’un design plus cartoon que réaliste est vraiment une bonne chose. La bande sonore est parfaite. Les amateurs d’Actraiser savent que les gars d’Enix sont tout sauf des manchots de ce point de vue là. Quant à la jouabilité, elle est de bonne facture même si on note tout de même quelques faiblesses. Le principe de base est un peu répétitif finalement, et s’apparente aux pires séquences de levelling en vigueur dans les RPG. Néanmoins, l’originalité du concept parvient à faire oublier cette petite faiblesse. E.V.O. est également assez difficile, dans le sens où il faudra passer beaucoup de temps dans chaque stage pour espérer terrasser le boss local. On notera aussi quand dans le stage des poissons, on ne retrouve pas la sensation d’inertie présente dans un soft comme Ecco the Dolphin. Votre poisson se pilote en fait comme un vaisseau spatial dans un shoot them up ! E.V.O. fournit finalement au moins une raison de râler sec : le jeu est complètement bouffé par les ralentissements. Et là, j’aimerais bien qu’on m’explique parce qu’il n’y a tout de même pas des milliards de trucs à animer à l’écran (tout au plus deux ou trois poissons qui se mordillent le rostre) et il ne doit pas y avoir non plus beaucoup de paramètres compliqués qui se calculent dans les coulisses. De ce point de vue, ça sent tout de même un peu le travail bâclé.
En bref :16/20
Il y a des défauts, certains excusables (le côté légèrement répétitif), d’autres absolument inexcusable (les ralentissements) mais E.V.O. offre une telle originalité et un concept si accrocheur qu’on peut bien passer l’éponge là-dessus. Pour une fois qu’on ne se sent pas astreint à sauver la galaxie, la princesse ou n’importe quel autre cliché ambulant, on prend d’autant plus de plaisir à sauver la peau d’un bête petit poisson, batracien ou reptile. Tout de même un peu lassant après quelques heures de jeu (surtout si on ne parvient pas à vaincre les boss), E.V.O. reste néanmoins une perle rare sur console 16-bits, dont le concept de base aurait mérité d’être encore mieux exploité.