Développé par Elf, édité par Banpresto.
La série du studio Elf a fait les beaux jours des machines NEC, depuis le vénérable (ouais, enfin il a que mon âge, hein !) PC-98, jusqu’à la PC-FX, en passant par la PC Engine. Pour autant, le public occidental méconnaît cette série, et pour cause : aucun des quatre épisodes n’est parvenu à franchir les frontières japonaises. La faute… au principal point fort du jeu.
JE NE VOUS JETTE PAS LA PIERRE, PIERRE
Le principal point fort ? Son scénario ? Ah, euh… Nan, pas vraiment. Le synopsis du jeu, c’est que l’infâme tyran Lucifon (comme dans Lucifon, fon, fon, les petites marionnettes), un peu sorcier à ses heures perdues, a décidé de conquérir le monde en transformant tous les gens en pierre. Un peu con comme plan, parce que diriger des statues ça mène pas bien loin, mais soit. Lucifon est un archétype après tout, on lui a pas demandé d’inventer la poudre.
Bien entendu, il fallait un héros pour se dresser devant lui. Magnanime, le scénariste nous en a trouvé deux : le jeune et espiègle Kakeru, et l’épéiste Eto, qui passe de village en village pour libérer les pauvres autochtones pétrifiés. Le décor est planté, le combat peut commencer.
ÉCHEC ET MATE
Comme ses prédécesseurs, Dragon Knight est un tactical-RPG, un de ces jeux à mi-chemin entre jeux de rôles et jeux de stratégie, façon Tactics Ogre ou Fire Emblem.
Donc en gros, le jeu est constitué de tout un tas de batailles, qu’il faudra remporter pour avancer dans la quête. Pour ce faire, il faudra généralement détruire tous les ennemis présents, voire battre un boss parfois.
Entre deux batailles, il est possible de visiter le bled où vous vous trouvez, et ceci pour trois raisons : d’abord pour vous équiper correctement et panser vos plaies ; ensuite pour tenter d’avancer dans la principale quête secondaire du jeu, la quête de la drague, le but étant de séduire l’une des nombreuses jeunes femmes qui tournent autour du héros ; et troisièmement pour recruter des sbires, afin de lever l’armée qui vous permettra de soumettre l’adversaire (parce que si la première bataille ne nécessite que trois pelés et deux tondus, les dernières cartes sont littéralement envahies d’ennemis).
La dimension épique du jeu est d’ailleurs bien retranscrite. Ainsi, sur le champ de bataille, chacun de vos bonshommes représente neuf soldats à lui tout seul. Leurs classes (fantassins, archers, dragons, cavaliers…) dépendent de celle du leader, une hiérarchie circulaire s’instaurant entre les diverses classes. Ouaip, ça fait classe à écrire mais c’est pas très parlant, hein ? Par « hiérarchie circulaire », je veux dire que telle classe est plus forte qu’une autre et moins qu’une troisième. Une sorte de cercle vicieux, quoi.
Chaque classe dispose en outre de ses propres caractéristiques : puissance de frappe, largeur de la zone d’effet et de la zone de déplacement, etc. D’ailleurs en parlant de déplacements, sachez que le champ de bataille est constitué de cases en forme d’alvéoles. Selon le type de sol qu’elles représentent (de la terre, de la rocaille, de la verdure, de l’eau…), ces cases fourniront un bonus ou un malus, de défense comme d’attaque, à l’unité positionnée dessus, afin de symboliser l’hostilité de certains environnements.
Ce serait donc ça, le point fort du jeu ? Une manière de jouer qu’on a déjà rencontrée dans mille et un tactical avant ce Dragon Knight ? Eh bien non, toujours pas.
ET À LA FIN DE L’ENVOI, JE COUCHE
Mais bordel, c’est quoi ce point fort, alors ? Patience mon jeune ami, tout vient à point à qui ne court pas trop tôt derrière la charrue. Pour commencer, faisons un peu le tour du propriétaire.
Dragon Knight 4 est pourvu d’un scénario minimaliste, qui ne vous posera pas de questions métaphysiques sur le pourquoi du comment de l’univers, comme d’autres RPG peuvent (tenter de) le faire.
QUALITÉ 0-1 BANALITÉ
Par contre, Dragon Knight 4 est un jeu extrêmement séduisant, de par sa réalisation très aboutie. Lors des combats et des phases d’exploration, ça reste de la 2D assez sommaire, mais toutes les inter-scènes jouissent d’un design manga splendide et jovial.
QUALITÉ 1-1 BANALITÉ
Qui plus est, si les animations sont faméliques comme dans la plupart des RPG de l’époque (c’était quand même foutrement rare, un RPG où tout s’anime et prend vie, en ce temps-là), la bande-son, très sympathique, parfait une réalisation somme toute convaincante.
QUALITÉ 2-1 BANALITÉ
Après, on pourra toujours renâcler sur le fait que le système de jeu est fortement inspiré d’autres hits du genre, mais puisque Dragon Knight maîtrise bien son sujet, difficile de lui en vouloir. La difficulté est par contre très importante, ce qui compense une durée de vie toute relative. Mettons que ça fait un match nul. D’où le score à la mi-temps : QUALITÉ 2-1 BANALITÉ
C’est là qu’on en arrive au point fort. Parce que le truc que je vous ai pas dit jusqu’à présent, c’est que Dragon Knight est surtout connu au Japon, non pas pour ses vertus ludiques, mais pour ses scènes hentaï, du simple racolage à la limite de la pornographie, parfois. Seulement voilà. Si les moutures PC-98, PC et PC Engine (tout ce qui commence par PC en fait) conservent bel et bien ces scènes, la PlayStation et la Super Famicom se les carrent derrière l’oreille.
Dès lors, pourquoi avoir quand même refusé l’export ? On peut supposer que c’est une nouvelle fois de la faute de NoA, la branche américaine de Nintendo, qui a fait le blocus, certaines scènes restant gentiment osées. Quand on sait qu’une simple croix ou une statue à demi dévêtue de trois pixels sur deux peuvent se voir refusées par Nintendo of America, on comprend mieux que la réputation sulfureuse de Dragon Knight lui ait porté tort.
Fin du match. QUALITÉ 2-1 BANALITÉ, mais Qualité perd sur tapis vert par décision de l’arbitre, parce que cochon qui s’en dédit, comme on dit.