Note d’Angus : ce jeu est surtout connu par son nom tel qu’il figurait sur la boîte, « Battletoads in Battlemaniacs ». Or l’écran-titre n’affiche que « Battlemaniacs », et j’ai privilégié cette seconde option. La graphie adoptée sur la boîte signale simplement que les personnages connus en tant que « Battletoads » reviennent dans une aventure intitulée « Battlemaniacs », comme on dirait pour un film « Clint Eastwood in Unforgiven ».
Battlemaniacs est une véritable institution des jeux vidéo des années 90, autant pour sa relative variété ludique (beat them all, un soupçon de plates-formes, de la course d’obstacles, …) que pour son esprit cartoonesque et son incroyable niveau de difficulté. Les trois joueurs ayant réussi à franchir la course d’obstacles en scooter sur coussin d’air sont d’ailleurs priés de se faire connaître. Peut-être pourront-ils nous expliquer en quoi consistent les stages suivants… ! Sorti sur un grand nombre de machines, la plupart des portages se ressemblent comme deux gouttes de bave de crapaud (désolé…), à tel point qu’on a parfois du mal à différencier les versions Mega Drive et NES par exemple ! Le portage Super NES est le seul à proposer quelque chose de différent par rapport aux autres versions. Vous constaterez que j’ai évité d’accoler l’adverbe « radicalement » à « différent ». Parce qu’en fait de révolution, il s’agit surtout d’un relookage des versions antérieures. Dans le cas présent, la Super NES marque de la sorte clairement le gouffre technique qui la sépare de la Mega Drive. Quelle condescendance, cette Super NES !
Pour la peine, le scénario a donc été un poil remodelé. Les trois crapauds-barbouzes sont en visite au Tibet, afin d’assister à une démonstration du récent dispositif de réalité virtuelle créé par Psycone Corp… et mettant justement en scène leurs aventures. Le logiciel est si impressionnant qu’un goret de combat, à la solde de la Dark Queen virtuelle, jaillit hors de l’écran et emporte la fille – bien réelle, elle – du programmeur principal, ainsi que Zitz, dans son monde de pixels. Les deux Battletoads restant, Rash et Pimple, n’hésitent pas un instant et foncent à la suite du porcin dans les entrailles de la machine. Revoilà les crapauds obligés de parcourir à nouveau les territoires désolés de la planète Ragnarok et de lutter contre l’avatar virtuel de leur ennemie jurée. En substance, on retrouve plus ou moins la même progression que dans le jeu d’origine, à de menues différences près. Ainsi, le canyon rocailleux du premier stage se termine par un affrontement contre un cochon de pierre au lieu d’un tripode mécanique. Il faudra également éviter la chute de débris enflammés d’une éruption volcanique lointaine. Le niveau suivant verra les deux crapauds descendre au fin fond d’une abysse, non plus accrochés à un filin mais perchés sur un module volant. Enfin arrive le troisième stage, cette abominable course en jet-ski qui a cloué définitivement sur place 95% des joueurs normalement constitués.
Battlemaniacs avait également pour caractéristique de présenter les coups mortels portés aux ennemis de manière très cartoonesque. La version Super NES exagère encore cet esprit très inspiré de Tex Avery. Après avoir consciencieusement rossé les adversaires à coups de poing et de pied, le dernier coup verra le pied de Rash prendre la forme d’une botte disproportionnée, ses poings se transformer en enclumes ou sa tête se garnir de monumentales cornes recourbées (en cas d’attaque en pleine course). Pimple ne sera pas en reste, et portera plus ou moins les mêmes coups surréalistes, avec quelques petites nuances.
Réalisation technique :
De prime abord, Battlemaniacs a tout du méga-hit capable de tout renverser sur son passage. Malgré des décors souvent très sombres, la réalisation graphique est tout simplement époustouflante. Les crapauds sont très grands, les ennemis sont impressionnants (surtout par rapport à ce qu’on connaissait des autres versions : aah, ces serpents des roches dans le deuxième stage… !), les couleurs sont magnifiques, les mouvements superbement décomposés et pleins de variété. Rien que le stage bonus, qui se déroule sur une sorte d’échiquier, est un régal pour les yeux. J’arrête ou j’en remets une couche ? En 1993, Battlemaniacs parvenait à s’imposer comme un des softs les plus esthétiques de la Super NES. Lorsqu’il se fait plus rapide, le scrolling atteint la perfection. Même la bande sonore est au-delà de tout reproche : les coups claquent comme il faut, et les mélodies sont aussi inoubliables que peuvent l’être des thèmes musicaux sur 16-bits. Même la maîtrise des deux crapauds, sans être d’une souplesse à toute épreuve, demeure plutôt positive dans l’ensemble. La seule chose que l’on puisse reprocher à Battlemaniacs, c’est sa difficulté, et elle est tellement atroce qu’elle gâche presque totalement ce soft qui avait tout pour lui au départ.
En bref : 10/20
Ça commence avec un beat them all de très haut niveau, tellement bluffant techniquement qu’on en oublie presque qu’il n’est pas possible d’utiliser des armes. Comme on peut y jouer à deux simultanément, on s’éclate tout de même intensément à éclater du goret dans ces montagnes volcaniques. La descente en nacelle apporte une appréciable variété à l’action. Elle est très difficile, certes, mais avec un peu d’entraînement, on finit par en voir le terme avec soulagement. Et puis vient la catastrophe : la course en jet-ski. Au début, on s’accroche face à ce nouveau défi. On essaye une fois, deux fois, dix fois, … cent fois ! Et vient toujours le moment fatidique où on se mange une barrière de béton ou bien où on tombe dans un trou. Cette séquence n’est pas simplement difficile, elle est injouable, mal pensée, épouvantablement frustrante. Personne n’a pris la peine de vérifier s’il était humainement envisageable de la réussir, ce n’est pas possible autrement ! Battlemaniacs aurait pu être un beat them all majeur mais, par la force des choses, il s’agit d’un soft qui ne propose réellement que trois stages ! Un terrible gâchis car, avec une difficulté un soupçon moins élevée (une difficulté comparable aux autres versions en somme), il n’y aurait pas eu grand-chose à reprocher à ce jeu plein de potentiel…