C’est une histoire qui commence comme n’importe quel conte de fées. Il était une fois, selon l’expression traditionnelle, un jeu vidéo qui avait été créé suite à un accord de partenariat entre Disney et Epoch. Ledit jeu était sorti uniquement au Japon, sur une Super Famicom qui commençait à donner des signes de fatigue. Mais était-ce cela qui allait freiner ses développeurs ? Que nenni, mes amis.
OBJETS INANIMÉS, AVEZ-VOUS DONC UNE ÂME ?
Le jeu avait pour héroïne la célèbre Alice, déjà personnage central d’un conte de Lewis Caroll puis d’un dessin animé de l’oncle Walt. Elle avait donc une certaine connaissance de son rôle et se rendait au Pays des Merveilles pour la troisième fois, cette conne. Non parce que bon, se faire avoir une fois je veux bien, deux fois à la limite mais trois ?! Ah tiens, où c’est que j’ai rangé mon imparfait de narration, moi ? Ah ! Le voilà le coquinou.
Et donc Alice se rendait une nouvelle fois, sans le savoir (mouais, tu parles…), au Pays des Merveilles, une dimension onirique où les lois de la physique et de la logique étaient un rien bousculées.
TU LE SENS, MON GROS PINCEAU ?
Plutôt que de nous refaire encore une fois le coup du portage du dessin animé en jeu de plates-formes, Epoch avait eu une idée aussi originale que saugrenue : pourquoi ne pas faire à la fois un jeu de coloriage et un faux point ‘n click ? Oui, pourquoi ? Eh bien tout simplement parce que cela donne Alice no Paint Adventure…
En choisissant la première option du menu de départ, le joueur avait donc accès à une sorte de vague point ‘n click. Il s’agissait d’une suite de scènes fixes agrémentées de dialogues, avec lesquelles le joueur avait une très légère possibilité d’interaction : en effet, en déplaçant le curseur en forme de main, puis en pressant la touche A lorsqu’il se trouvait sur quelque chose d’intéressant, il arrivait parfois qu’il se passe quelque chose qui faisait avancer le schmilblik. Ou pas.
Devant l’intérêt plus que médiocre de cette partie, le joueur se tournait finalement vers la deuxième option du menu : le coloriage. Il avait alors droit à un choix faramineux (quatre, rendez-vous compte !) de dessins en noir et blanc, à colorier lui-même tout seul comme un grand. Pour ce faire, il déplaçait à nouveau un curseur, cette fois-ci en forme de pinceau histoire de coller au concept, et n’avait plus qu’à cliquer sur une zone blanche pour la colorier de manière uniforme et affreuse. A sa disposition, une riche palette d’au moins trois ou quatre couleurs, ce qui permettait de réaliser de véritables œuvres d’art.
UNE EPOCH FORMIDABLE
Alice no Paint Adventure était donc autre chose qu’un jeu vidéo. A l’époque, on n’appréhendait pas le médium dans sa globalité, et on croyait bêtement que le jeu vidéo n’était que sauts de plate-forme en plate-forme et tirs sur des ennemis verdâtres. Epoch avait à cœur de prouver que non, la discipline ne se bornait pas qu’à cela.
Leur jeu était d’une laideur à faire pâlir, piteusement dessiné, disposant d’une palette de couleurs très limitée et, pour faire bonne mesure, absolument pas animé. Il souffrait également d’une bande-son se résumant à une seule et unique mélodie, tournant en boucle jusqu’à rendre fou celui qui tenait la manette.
Manette qu’il aurait tout aussi bien pu lâcher à dire vrai, puisque, comme nous l’avons rappelé précédemment, Alice no Paint Adventure n’était pas vraiment un jeu.
Et c’est ainsi que, pour la première fois, les testeurs de Familles de France et de Paris-Match (mais également Gégé, le boucher-charcutier de la rue des Lilas) s’étaient intéressés de près à un jeu d’import, et avaient crié au génie. Les vrais joueurs, pour leur part, s’en été revenus penauds et confus. L’histoire ne dit pas s’ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants, mais comme de toute façon ils ne touchaient que le RMI, ils n’auraient pas pu les élever.
The End.