Après avoir essoré son Street Fighter II avec un nombre d’extensions impressionnant, Capcom se décide enfin, en 1995, à changer de numéro. Alors que tout le monde attend Street Fighter III (je me rappelle d’un photo-montage où l’on parlait d’un épisode jouable en tag), la boîte à baffes nous prend à contre-pied avec un épisode baptisé Street Fighter Zero, qui deviendra Street Fighter Alpha par chez nous.
C’EST DANS LES VIEUX POTS QU’ON FAIT LES MEILLEURS MARRONS
Comme le titre vous le suggèrera sûrement, Street Fighter Alpha se déroule avant même le tout premier tournoi Street Fighter. Ryu, Ken et tous les autres sont encore des jeunots, il n’existe pas encore d’organisation Shadowloo, il n’y a pas encore d’antagonisme entre Ryu et Sagat, tout est encore à faire… Ce qui n’empêche pas les bastonneurs de tous poils de s’en donner à cœur joie.
JE T’EN COLLE DEUX ET J’EN RETIENS UN
Street Fighter Alpha est un beat ‘em up en deux dimensions qui propose de participer à des combats en un contre un, en deux rounds gagnants chronométrés. Rien de très original jusque là. Les adversaires ont chacun une jauge de vie qui se vide à mesure qu’ils se prennent des mandales, et le but est très logiquement de mettre son adversaire au tapis.
Des protagonistes, il y en a très exactement treize, venus pour la plupart de Street Fighter premier ou deuxième du nom, voire de Final Fight : Ryu, Ken, Sagat, Birdie, Adon pour le premier, Akuma, Chun Li, M. Bison pour le second et Guy et Sodom pour le dernier, Rose (une sorcière italienne qui hait Bison), Dan (un karatéka ridicule qui pastiche Ryo Sakazaki) et Charlie (un soldat ancien allié de Guile) ayant été créés pour l’occasion.
Concernant vaguement les options de jeu, vous avez la possibilité de jouer seul au mode arcade, à deux en versus ou de vous entraîner. Vous pourrez activer, si vous le souhaitez, la garde automatique (c’est nouveau, ça permet de ne pas avoir à se protéger soi-même face aux attaques de base) et le mode turbo, ainsi que régler la difficulté, le chronomètre et le nombre de rounds gagnants.
Les commandes sont classiques en diable : trois boutons de coups de poing (faible, moyen et fort) et trois de coups de pied (idem), plus deux gâchettes correspondant aux trois coups (de poing/de pied) chacune. Bon, y’a pas grand-chose de neuf jusque là, quasiment tout était déjà présent dans Super Street Fighter II Turbo (la dernière version en date à l’époque). Et pourtant, tout a changé. Le moteur de jeu a été entièrement repensé. Tout d’abord, l’adversaire peut contrer vos attaques pour vous placer deux-trois cartouches derrière les oreilles, on parle alors d’Alpha Counter. Ensuite, il est possible désormais de se protéger lorsqu’on est dans les airs (Air Guard) et de se relever rapidement lorsqu’on est envoyé au tapis (Recovery Roll). Les « combotteurs » fous vont également pouvoir s’en donner à cœur joie, puisque les chaînes que l’on peut effectuer désormais sont bien plus longues et peuvent être arrêtées à tout moment pour modifier le combo (je conçois que cette phrase n’est pas très parlante pour le néophyte, mais l’amateur sera aux anges ; et encore, j’aurais pu utiliser des mots encore plus nébuleux, comme cancel par exemple). C’est pour cela que Capcom a introduit la garde auto, afin de limiter quelque peu les enchaînements.
En contre-partie, ceux qui utilisent cette option ne pourront pas faire grimper leur jauge de « super » (comme dans votre voiture, mais ça roule plus vite) aussi loin que les autres. Allons bon, qu’est-ce que c’est encore que cette jauge de « super » ?
Chaque combattant dispose de sa jauge, qu’il remplit en frappant l’adversaire ou en bloquant ses attaques. Elle se compose de trois échelons et permet de réaliser des Super Combos. Comme leur nom l’indique, les Super Combos sont des enchaînements de la mort qui poutrent sévère. Vous les reconnaîtrez facilement au fait que le personnage qui en déclenche un produit un flash puis est suivi d’une traînée bleue. Si jamais vous avez un doute, surveillez votre jauge de vie : si elle se vide de moitié, c’est que vous venez de vous manger un Super Combo. Et en cas de victoire par Super Combo (Super Combo Finish), le décor disparaît au profit d’un tourbillon de lumière, comme c’est le cas sur la photo d’écran ci-dessus. Alors ouais je sais, les Super Combos existaient déjà dans Super Street Fighter II Turbo, n’empêche qu’ici ils deviennent vraiment très simples d’utilisation.
JE SUIS L’ALPHA ET L’OMÉGA
Street Fighter Alpha est rapidement devenu une référence. Pourtant, il ne partait pas forcément sur de très bonnes bases avec son scénario un peu nase, ses persos remixés et son roster assez pauvre.
Et puis surtout bordel, c’est quoi ce style graphique ignoble ? Il est passé où le graphiste de Street Fighter II ? C’est le concierge de l’immeuble qui a profité qu’il soit parti aux chiottes pour retoucher ses dessins ? Non mais c’est vrai quoi, on dirait que Botero (le mec à l’origine des statues informes qui ont défiguré Paris pendant des mois) est passé par là : Chun Li se retrouve avec des bras comme des cuisses, et des cuisses comme des tonneaux, on m’avait pas dit qu’elle était bouboule quand elle était gamine !
Alors par contre, il faut avouer ce qui est : les animations sont absolument fluides et les effets de lumière sont somptueux. La bande-son est déjà plus anecdotique, mais elle remue bien et assure l’ambiance (de toute façon ils ont jamais eu de bons zikos chez Capcom…).
Mais bon voilà. De toute façon, avec un gameplay comme celui-là, Street Fighter Alpha ne pouvait pas échouer. Le jeu est à la fois technique et très accessible pour le grand public, un état de fait qui ne concerne qu’une infime minorité de beats (d’ailleurs, si Street Alpha 2 garde ce cap, le troisième épisode vire complètement mainstream).
Au-delà des petits chagrinements qui n’altèrent en rien le plaisir de jeu, le seul vrai reproche que l’on peut faire concerne le faible nombre de personnages, qui nuit un peu à la durée de vie.
Pas complètement tip-top de la balle qui tue, ce premier Street Fighter Alpha a tout de même révolutionné à lui tout seul une série qui s’enfonçait dans la médiocrité, n’ayons pas peur des mots, à force de se reposer sur ses lauriers.