Harry rouvrit les yeux. Oh ce mal de tête ! Mais que s’est-il passé ?
Il se souvint de l’accident. Son coup de volant frénétique pour éviter la fillette ayant surgi de nulle part, et son embardée hors du chemin. Et la fillette, où est-elle ?
« Tu vas bien Cheryl ? Cheryl !! » Le siège passager est vide !
Harry est venu à Silent Hill passer des vacances tardives avec Cheryl, sa fille adoptive de 7 ans. Après la mort de sa femme, elle est devenue sa seule famille. La fillette rêvant sans cesse d’une mystérieuse ville nommée Silent Hill, Harry a finalement décidé de s’y rendre avec elle.
Harry sortit de la voiture. Il fut aussitôt happé par l’épais brouillard flottant dans la rue. Une sorte de neige cendrée lui recouvrit les vêtements. Il n’y avait pas âme qui vive. Dans l’air opaque flottait une étrange odeur de mort…
Harry se décida à faire quelques pas. Quelle purée de pois ! On n’y voit pas à 2 mètres !
C’est alors qu’il la vit. La frêle silhouette d’une petite fille, avec des cheveux bruns coupés courts.
« Cheryl est-ce que c’est toi ? »
La fillette s’éloigna en courant. « Non attends ! »
Harry s’empressa de la suivre. Zut, quelle direction a-t-elle prise ? Le grincement d’une grille rouillée lui répondit qu’elle s’était engouffrée dans une ruelle sombre. Au bout de celle-ci, un escalier sans fin semblait mener tout droit en enfer. « Cheryl ? » Pas de réponse.
Harry descendit anxieusement les marches. Au loin, un bruit sourd. Une sirène ?
« Mais enfin quel est cet endroit ? » Cela ressemblait effectivement à l’enfer. Un fauteuil roulant maculé de sang entravait le passage.
Harry tenta de se diriger parmi de vieux grillages rongés et salis par le temps. Aucune trace de Cheryl. Soudain, il sentit une masse s’agripper à sa jambe. Quelque chose de pointu s’enfonça dans sa chair. Harry baissa les yeux et poussa un cri d’horreur. Une créature difforme, sans yeux et avec un cratère à la place de la bouche était en train de lui planter ses griffes acérées dans le mollet ! Harry se dégagea d’un coup de pied et courut. Il y en a d’autres ! Le voici encerclé par les créatures ! Impossible de forcer le grillage ! Ils arrivent ! NOOOONN !!
Harry se redressa vivement. Il était allongé sur la banquette de ce qui semblait être un bar. « Où suis-je ? Etait-ce un rêve ? ». Une personne s’avança. Une jeune femme, blonde aux cheveux courts, avec des lunettes de soleil et vêtue d’un uniforme. « Je suis l’officier Cybill Benett. Qui êtes-vous ?
Harry. Harry Mason. Avez-vous vu une fillette ? Cheryl. C’est ma fille.
Non.
Je dois la retrouver ».
Malgré les protestations de l’agent Benett, Harry sortit une nouvelle fois dans la ville fantôme…
Allait-il enfin retrouver sa fille ? Quel traumatisme avait frappé cette ville ? Cette fillette, qu’il apercevait sans cesse, était-ce Cheryl ? Mais alors, pourquoi ne répondait-elle pas à ses appels ? Et cette vieille femme un peu folle, Dahlia Gillespie, savait-elle quelque chose ?
Des réponses que vous trouverez (au moins partiellement) en jouant à Silent Hill…
« The fear of blood tends to create fear for the flesh »
« La peur du sang a tendance à effrayer la chair ».
Cette phrase résume à elle seule le jeu. Énigmatique, métaphorique, troublante, dérangeante.
Silent Hill est un survival horror sorti dans la foulée de Resident Evil. Si le concept (survivre dans un environnement hostile et horrifique), ainsi que le gameplay, les graphismes en 3D, les mouvements des personnages et l’équipement disponible, sont très similaires, la comparaison s’arrête là, tant Silent Hill est différent. Silent Hill est unique. Le jeu possède un monde, un univers, à part. A part et tellement complexe. On se croirait dans un film de David Lynch. Même après avoir fini le jeu, tant de mystères demeurent…
Le jeu se contente de livrer quelques éléments, au sujet du passé, du présent, du futur, du réel, de l’irréel. Beaucoup de concepts sont métaphoriques, nécessitant interprétation.
Par ailleurs, il se trouve qu’il existe 5 fins différentes (dont une humoristique). Ce sont vos actions au cours du jeu qui détermineront l’issue de ce cauchemar…
Je ne dirai ici rien d’autre au sujet de l’histoire et du scénario de ce jeu.
Sachez seulement qu’une telle profondeur de l’intrigue mérite incontournablement un détour par Silent Hill…
Par delà les ténèbres, la lumière ?
Vous guidez Harry et essayez tant bien que mal de le garder en vie. Le désir le plus cher du personnage principal étant de retrouver Cheryl, tel sera votre but. Finalement, peu importe à Harry de percer l’aura de mystère qui auréole la ville ou de lever une quelconque malédiction, tant qu’il met la main sur sa fille. Mais avouez qu’il serait dommage de ne pas essayer de comprendre ce qui se passe. Des ruelles sombres aux coins touristiques, de l’école à l’hôpital en passant par le parc d’attraction, la « visite » de Silent Hill, libre mais encadrée, permettra de recueillir quelques informations qui vont souvent apporter plus de confusion que de certitudes. Pour que ça ne soit pas trop simple, sachez qu’il existe deux Silent Hill. Le White SH, environnement initial presque réel (sic) et le Black SH, version alternée de celui-ci, un monde de cauchemar, littéralement (re-sic). Harry sera trimballé entre les deux dimensions, pantin articulé manipulé par des forces qui le dépassent.
Pour progresser, le jeune écrivain devra trouver des indices, des clés, résoudre quelques énigmes, et vaincre les boss (5) dans les seuls combats obligatoires du jeu.
Gameplay
Le gameplay emprunte beaucoup à Resident Evil, dans ce qui est devenu classique pour un survival horror. Harry peut marcher, courir, ou esquisser un petit pas de côté, et se servir d’une arme. Il pourra ramasser des armes à feu (nécessitant des munitions, les cartouches sont disséminées un peu partout et donc pas infinies), ou des armes blanches (marteau, couteau, hache, tuyau métallique). Une touche pour armer son geste, une pour taper ou tirer. La maniabilité me semble clairement le point le plus faible du jeu (le seul ?). Les mouvements de notre héros sont très saccadés. Armer, viser et toucher la cible (surtout un ennemi volant) n’est pas une mince affaire, j’ai toujours autant de mal… bien sûr ce défaut est imputable aux capacités du support et non au jeu lui-même.
Il est possible de paramétrer la difficulté : mode Facile, Normal ou Dur. Les ennemis sont plus résistants et infligent plus de dommages en grimpant de mode. Si on n’a pas trop envie de s’embêter, autant jouer en facile, sachant que les combats ne constituent aucunement l’intérêt du jeu. A noter que refaire une partie après avoir fini le soft impose d’élever la difficulté. Recommencer l’aventure permet de débloquer un ou deux objets bonus à chaque fois, en fonction de la fin que vous avez obtenue (le katana, la perceuse, la tronçonneuse - ces objets ne servant pas à grand-chose, à part peut-être le katana, l’hyperblaster, super flingue, et enfin la channeling stone qui permettra d’accéder à la fin UFO).
Outre les armes, l’inventaire disponible (pas de limite d’objets à transporter) est essentiellement constitué de kits médicaux (3 sortes) et de clés. Plus la lampe de poche et la radio, 2 objets indispensables. La lampe de poche est utilisée dans les nombreux endroits et périodes sombres du jeu, la radio a quant à elle une fonction assez atypique : elle ne permet pas de communiquer, mais grésille dès qu’un ennemi s’approche de vous. Ce qui permet d’instaurer un type de peur nouveau. Contrairement à un Resident Evil qui joue beaucoup sur les effets de surprise, SH crée un climat très angoissant. La peur est lancinante, omniprésente. Lorsque votre radio émet un son, vous vous savez en danger, alors même que vous ne voyez pas votre assaillant potentiel, votre champ de vision étant très restreint.
Enfin, Harry possède une carte de Silent Hill sur laquelle sont indiqués le nom des rues et des principaux bâtiments ou magasins ; Harry va l’annoter au fur et à mesure des informations recueillies.
Il est possible de sauvegarder la partie sans restriction en trouvant des bloc-notes scellés à certains endroits.
Signalons aussi qu’après avoir terminé le jeu, un écran statistique fait apparaître vos performances : nombre d’items ramassés par rapport au nombre total, habilité au tir, durée de la partie, distance parcourue en km (!), nombre d’ennemis tués et à quelle distance. Le tout donne une note globale. Finir le jeu en 100% peut être un challenge supplémentaire.
On n’a pas beaucoup de pétrole mais qu’est-ce qu’on a comme idées (tordues)
Le plus remarquable dans Silent Hill est le soin apporté au jeu. Les programmeurs ont essayé de tirer au maximum parti des capacités de la PSX, tout en palliant aux limites de son moteur à l’aide de petites astuces.
Les graphismes sont ainsi en 3D intégrale (personnages + décors), contrairement à un RE mettant en scène des persos en 3D dans des décors précalculés et fixes. Les caméras sont dynamiques et délivrent des angles de vue optimaux, ne gênant aucunement la vision (là aussi à l’inverse de RE cachant un ennemi situé à 2 pas de vous).
Pour éviter d’avoir à montrer (et à gérer) des plans lointains, les développeurs ont astucieusement obstrué votre champ de vision en plongeant la ville dans un épais brouillard le jour, et dans les ténèbres la nuit. Ce n’est pas la faible lueur de votre lampe de poche qui va vous faire voir grand-chose. Il en résulte une ambiance surréaliste et oppressante du plus bel effet. D’un bout à l’autre du jeu, on est dans le brouillard, littéralement. Comme Harry, on ne sait pas ce qui ce passe, on ne sait pas où on va, on n’a aucune idée de la suite des évènements.
Les effets sonores tendent vers cet objectif de générer l’angoisse. De rares musiques tantôt discrètes tantôt sourdes agrémentent le jeu (surtout pendant les cinématiques et les combats contre les boss) afin de faire la part belle aux bruits de l’environnement, créant une immersion complète : pas et bruissement d’ailes des créatures, grésillement de la radio, halètement de Harry (après une petite course), râle de douleur des infirmières, couinement des fantômes, sanglot d’une jeune fille invisible dans les toilettes… tout ça fout vraiment les boules. Jouissif.
Les cinématiques sont relativement parcimonieuses mais très bien réalisées, et accompagnées de musiques belles et troublantes (la BO est signée Akira Yamaoka). Il suffit de visionner la magnifique introduction du jeu pour comprendre qu’on a affaire à un chef-d’œuvre. Celle-ci nous montre une succession de scènes tirées du passé, du présent (Harry roulant vers Silent Hill) et du futur (on les reverra au cours du jeu) avec ce thème musical si caractéristique. Les émotions des protagonistes sont particulièrement bien rendues.
Les personnages sont doublés en anglais, avec sous-titres disponibles en quelques langues. Le doublage est un poil faible, les dialogues sont parfois hachés. Rien de bien nuisible.
Outre la réalisation réussie, on remarque que le jeu est truffé de références cinématographiques et littéraires. Le nom des personnages est inspiré d’actrices et de réalisateurs tels que Dario Argento (le nom d’Allessa et Dahlia dérivant des noms de sa fille et sa femme), les personnages de Lolita de Kubrick (Humbert Mason et Dolorès, prénoms proposés mais non retenus car pas assez communs), Judy Garland, Sheryl Lee…
Les rues de Silent Hill portent toutes le nom d’écrivains : Bachman (pseudonyme de Stephen King), Bloch, Levin (auteur de Rosemary’s Baby, dont le scénario du jeu est directement inspiré)…
Les décors contiennent également moult références au 7e art : affiche de Carrie de Brian de Palma, inscription REDRUM tirée de The Shining sur un mur, affiche de Pet Sematary de S. King, alors que la brume entourant la ville a pour référence The Mist, film de S. King également. (Note d’Angus : ce film est bien tiré d’un roman court de King, mais il a été réalisé par Frank Darabont.) On trouve même un journal reprenant la une de celui présent dans un passage du Silence des Agneaux, joli clin d’œil. Les autres films dont Silent Hill s’inspire le plus sont Twin Peaks de D. Lynch, Fog et le Village des Damnés de J. Carpenter ou encore Stigmata de Kevin Smith.
Enfin, des références diverses ou parodiques sont disséminées un peu partout : affiche du groupe de musique Portishead, Queen Burger (en référence à Burger King), Vestal Gigastore (en référence à Virgin Megastore) etc. etc.
La toute fin du jeu résume à la fois l’attachement au cinéma et l’esprit créatif des développeurs. Le jeu s’achève en effet sur la présentation des personnages sous forme d’un bêtisier du tournage des cinématiques ! On voit les protagonistes faire des grimaces à la caméra (Cheryl et Dahlia), éclater de rire après une erreur de scène (Lisa), ou carrément se casser la figure en se redressant (Harry). Le tout sur fond musical old school crépité par un vieux gramophone. Super ingénieux et très amusant. La classe.
**Silent Hill le film (Christophe Gans) **
Juste un petit mot sur le film tiré de Silent Hill. Celui-ci retranscrit à mon avis très bien l’ambiance malsaine du jeu. Il est plutôt réussi bien que le scénario ait subi quelques adaptations : la mère de Sharon (et plus Cheryl) essaie de retrouver sa fille, la mère d’Alessa est une gentille femme, la petite fille n’est plus Alessa mais « son côté sombre ». Alessa et Sharon ne forment plus… un tout. En clair ce n’est nullement en visionnant le film qu’on va comprendre l’histoire du jeu. Mais ça se regarde avec plus d’intérêt que Street Fighter avec JCVD…
Résumé
Souvent affublé du sobriquet de « copie de Resident Evil », auquel il emprunte en effet le gameplay et le genre, Silent Hill est bien, bien plus. Il va surtout très au-delà. Les graphismes en 3D intégrale sont supérieurs, le scénario est d’une complexité presque infinie, l’ambiance est unique, malsaine, dérangeante. La peur vient du sentiment d’oppression, du malaise ressenti. Quand on pense que le « gros méchant » du jeu est (ou semble être) une petite fille brûlée vive, torturée et tourmentée, on est loin du classique et manichéen affrontement héros contre vilain-pas-beau ou scientifique sans scrupule.
Les protagonistes de l’histoire n’échappent pas à cette quête de profondeur et du souci du détail.
On découvre petit à petit des éléments les concernant, des parties de leur passé, de leur personnalité, de leur rôle dans ces funestes évènements. Détestables ou attachants, méprisables ou émouvants, ce sont eux qui rendent ce jeu si passionnant.
Ce personnage est-il un allié ? Faut-il suivre ses directives ? Ou bien représente-t-il une menace, en dépit d’angéliques apparences ?
Le jeu contient l’une des scènes les plus cultes, les plus poignantes jamais proposées dans un jeu vidéo. Elle concerne la mort, ou plutôt, la disparition d’un personnage, dans un moment des plus baroques, où les sentiments humains les plus authentiques se mêlent à la fiction la plus fantasmagorique. « Elle s’accroche à la vie, Elle réclame de l’aide, Elle lutte, mais… est-Elle seulement encore vivante ? Elle ne sait même pas qui Elle est. Elle commence à comprendre. Elle n’est plus Elle. Elle est en train de sombrer dans le néant…
J’ai dit « Elle ? » Oui, j’ai dit Elle…»
Le jeu vaut le coup d’être joué rien que pour cette scène…
Notes
Graphismes : très bons pour la PSX, bien que nettement dépassés aujourd’hui. Ils exploitent à merveille les capacités du moteur en contournant ses limites. Les cinématiques sont excellentes. Peu d’animations en dehors de celles-ci. Les ennemis ne sont pas spécialement intéressants. Coup de cœur pour le petit fantôme qui couine à l’école, et qui a peur de vous.
Son : pas ou très peu de musiques pendant l’action (sauf boss). Par contre les musiques d’ouverture et de fin, ainsi bien sûr que celle de ma scène préférée, sont magnifiques. Les effets sont nombreux et angoissants.
Jouabilité : classique d’un survival. Peu d’actions possibles. La maniabilité laisse un peu à désirer, notamment quand il s’agit de tirer ou taper.
Difficulté: variable en fonction du mode choisi. Dans l’ensemble les combats ne posent pas trop de problèmes, les boss étant plutôt faibles et les autres ennemis sont esquivables. Et puis aucun adversaire ne vous tue en un coup. Les quelques énigmes nécessitent parfois une intense réflexion. Je pense aux signes du zodiaque et surtout à l’énigme du piano ! J’en ai passé une ou deux nuits blanches à cogiter dessus, avant de me résoudre à me faire aider par ma petite sœur (j’ai honte…). Bon, à part ça le jeu est abordable.
Durée de vie : on est bien sûr à fond dans le jeu tant qu’on ne l’a pas fini. Ensuite la replay value est fatalement limitée. On peut rejouer pour voir les 4 fins (ça vaut le coup, il y a 2 boss de fin différents), faire les 3 modes, et éventuellement pour récupérer les objets bonus, mais dans l’ensemble ils ne servent pas à grand-chose. Ah, et puis arriver à la fin UFO (Harry se fait enlever par des extra-terrestres sur le thème de Star Wars), c’est toujours sympa.
Verdict
Je note 19/20. Donc il faut choisir entre 9 et 10. Pfiou j’arrive toujours pas à me décider. Le jeu est tellement bien fait, tellement bien construit au niveau de l’histoire et des personnages, tellement soigné, tellement poignant parfois, que je suis très tenté de mettre 10.
La maniabilité un peu défaillante, surtout pendant les combats, me fait pencher pour 9.
Allez, avec un brin de subjectivité, et après avoir réécouté le magnifique thème Not Tomorrow, je note 10.