Legacy of Kain : Soul Reaver est un jeu vidéo PlayStation publié par Eidosen 1999 .

  • 1999
  • Aventure

Test du jeu vidéo Legacy of Kain : Soul Reaver

4/5 — Exceptionnel ! par

Développé par Crystal Dynamics, édité par Eidos sur PlayStation et PC en 1999, sur Dreamcast en 2000.

Refusant de se sacrifier pour le salut de Nosgoth à la fin de Blood Omen, le dernier des vampires, Kain, l’a au contraire condamné à une irréversible agonie. Il fouilla le monde du dessous à la recherche de six âmes dont il fit ses lieutenants, et qui engendrèrent à leur tour six légions de vampires. En moins d’un siècle, l’humanité entière fut réduite en esclavage. Kain devint l’incontesté maître du monde.

1000 ans après, la suprématie des suceurs de sang était plus absolue que jamais. Perdant petit à petit leur silhouette et leurs attributs humains, ils acquirent de nouveaux dons obscurs qui les rapprochèrent de plus en plus des Dieux des ténèbres. Lorsque Raziel, le plus fidèle lieutenant de Kain, eut l’audace de recevoir des ailes avant son maître, celui-ci le châtia impitoyablement en le précipitant dans le Lac des Morts, le condamnant à une éternité de souffrance. Mais un jour, la souffrance prit fin. L’Ancien, l’entité contrôlant la Roue du Destin (cycle de mort et de réincarnation), décida de ranimer Raziel et d’en faire son ange de la mort. Il avait besoin de lui pour libérer les âmes des vampires immortels, et les réinsérer dans la Roue. Raziel devint son dévoreur d’âmes, son Soul Reaver.

EIDOS REPREND LA MAIN ET ÇA SE SENT BIEN

Si Soul Reaver fait partie de la saga pentalogique Legacy of Kain, ce titre diffère très notablement de Blood Omen. Exit Silicon Knights, Eidos a confié le développement de cet opus ainsi que des suivants à Crystal Dynamics, éditeur de BO. Et ça change beaucoup de choses. Du RPG en 2D en vue aérienne proposé dans le premier volet, on passe à présent au jeu d’aventure/action en 3D en vue à la 3e personne, et à un gameplay similaire à Tomb Raider ou Akuji, autres bébés de la firme devenue Square Enix Europe en 2009.

Legacy of Kain : Soul Reaver fait ainsi la part belle à la résolution d’une foultitude d’énigmes à résoudre à base de caisses à empiler, de blocs à pousser et insérer au bon endroit, d’objets à faire pivoter et de sauts millimétrés à exécuter. Le tout au détriment d’une action plutôt limitée pour ce qui est des combats, peu nombreux et assez faciles, voire simplistes.

Prévu au départ pour sortir en 1998, SR n’est arrivé dans les bacs qu’un an plus tard, suite à de nombreux retards occasionnés notamment par la détérioration des relations entre Crystal Dynamics et Silicon Knights, pas forcément contents d’avoir été évincés du projet alors qu’ils ont entièrement créé l’univers fabuleux de la série.

En conséquence de quoi, de nombreuses scènes prévues initialement ont été retirées ou modifiées, et non des moindres. Du genre la fin qui a été totalement réécrite, et qui est franchement insatisfaisante, ou encore un frère de Raziel qui disparaît de l’histoire alors qu’on y fait de nombreuses fois référence et qu’on affronte son engeance.

Toute cette matière non utilisée le sera dans les deux suites directes de SR, Soul Reaver 2 et Defiance. Avec plus ou moins de bonheur, puisque Turel, le frère manquant, se retrouve téléporté depuis le passé par un mec déjà mort une ou deux fois, pour devenir l’incarnation physique d’un dieu possédé par une race de gros méchants dont on ne connaît pas encore l’existence jusqu’ici. Disons le crûment, le scénario part en couilles sévère dans les deux derniers volets. D’ailleurs, Eidos n’a jamais réédité la performance commerciale réalisée avec SR (1,5 million de copies vendues).

Signalons qu’il est possible de jouer à Soul Reaver sans avoir fait Blood Omen auparavant (c’est mieux mais pas indispensable), mais qu’il est obligatoire de connaître SR pour faire SR2 et Defiance.

CHASSEZ LE MATÉRIEL, LE SPECTRAL REVIENT AU GALOP

Raziel est toujours… vivant, mais encore moins vivant que lorsqu’il était un vampire ; autant dire qu’il n’est pas super en forme et en plus, il tire sévèrement la gueule. L’Ancien l’a ressuscité sous la forme d’un spectre décharné. Son corps a été littéralement dissous dans les Abysses.

Raziel habite la sphère spectrale, une sorte de dimension où n’évoluent que les esprits et les âmes égarées, les limbes en quelque sorte. Il n’a plus besoin de sang pour se nourrir mais d’âmes. C’est en dévorant les âmes vagabondes et les spectres vaincus qu’il restaure son énergie. Lorsque celle-ci est pleine, il peut rejoindre le monde matériel, le vrai monde quoi, à partir d’un portail. Il dispose alors d’un vrai corps, soumis aux lois de la nature et à ses faiblesses héritées de son ancienne condition de vampire. Le contact avec un élément liquide dissout ainsi automatiquement son enveloppe, alors que les blessures et le temps diminuent sa santé. Si sa santé tombe à 0, il se retrouve rejeté dans la sphère spectrale.

Les spécificités de chaque sphère permettent de poser de nombreuses énigmes ; c’est la principale et la plus intéressante innovation de Soul Reaver. Raziel devra en effet fréquemment alterner ses passages dans les deux dimensions pour réussir à franchir les obstacles sur sa route. Il ne peut ainsi interagir avec aucun objet lorsqu’il revêt sa forme spectrale, ni tenir une arme ou même pousser une porte. L’eau n’existant pas, il peut en revanche marcher sur le lit des lacs et rivières, et traverser les grilles lorsqu’il en aura acquis le pouvoir. Également, le relief peut subir des altérations : certaines corniches seront plus proches ou plus hautes dans une sphère que dans l’autre.

UN PETIT CASSE-CROÛTE D’ÂMES POUR LE DÎNER ?

L’objectif de notre dévoreur d’âmes est de liquider un à un ses frères et tous leurs rejetons croisés en chemin, puis de confronter sa Némésis, Kain. Il est guidé dans sa quête par l’Ancien, dont il est l’instrument, et le spectre d’Ariel, désireuse de se venger de Kain.

Turel bouté hors du jeu pour contraintes de temps, il reste quatre frangins à dépecer. Ceux-ci se sont retirés dans les coins les plus reculés de Nosgoth. Absorber leur âme permet au spectre fratricide d’acquérir leur pouvoir, une nouvelle habileté qui va rendre accessible des endroits inexpugnables jusque là (traverser les grilles, escalader les murs, nager et « constricter » certains objets, je vous laisse faire le jeu pour découvrir ce que ça veut dire).

Pour vaincre un vampire, Raziel doit l’étourdir en le frappant avec ses griffes ou une arme, puis lui infliger le coup de grâce (lui transpercer le cœur, le jeter dans la flotte ou le brûler). L’environnement est donc essentiel lorsqu’il ne possède pas d’arme. Attention : dans Soul Reaver, un vampire ne meurt définitivement que lorsque son âme a été absorbée. Si ce n’est pas le cas, il peut se relever plus fort qu’avant si on retire l’élément qui a causé son décès (pieu dans le cœur, eau).

Le spectre ne peut porter qu’une arme à la fois. La plupart sont de type « lance », il peut s’en servir au-corps-à-corps et terminer par un empalement, ou bien les lancer comme un javelot ; si le vampire ne voit pas le jet venir, il succombera sur le coup. Les autres armes sont des torches et des pierres.

Raziel va également acquérir la Soul Reaver au cours du jeu, la mythique épée dévoreuse d’âmes (tiens tiens). La SR est la seule arme qui se manifeste dans les deux sphères, étant donné qu’elle est dans sa forme spectrale. Elle ressemble à s’y méprendre à un sabre Jedi. C’est bien sûr l’arme la plus puissante du jeu, capable d’exploser les vampires et de projeter des boules d’énergie (un peu comme dans Zelda). Elle permet également d’ouvrir certaines portes secrètes. Attention : la SR disparaît si Raziel se fait toucher, mais réapparaît automatiquement dès qu’il a récupéré ses forces. Il est possible de l’améliorer une fois en la forgeant avec du feu.

Enfin, l’ex-vampire peut user de magies à condition de trouver des glyphes, disséminées un peu partout dans la contrée (ce qui fait l’objet de mini-quêtes entre les niveaux). Six glyphes élémentales sont trouvables, et utilisables dans la sphère réelle, à condition de posséder suffisamment d’énergie magique. Certaines tuent directement les ennemis, d’autres ne font que les étourdir ou les figer.

Deux types d’artefacts, cachés eux aussi, permettent d’allonger votre jauge de santé et de magie.

Pour rejoindre plus rapidement un lieu éloigné, Raziel peut utiliser des téléporteurs, qui fonctionnent comme des balises. Il faudra les débloquer avant de pouvoir y revenir.

La population de Nosgoth est essentiellement composée de vampires à la forme de moins en moins humanoïde (seuls les bosses peuvent encore parler), mais les humains sont toujours là, bien que planqués dans une citadelle reculée. Certains chasseurs de vampires s’aventurent tout de même dans la contrée, alors que d’autres adorent les immortels comme des dieux, et n’hésitent pas à se sacrifier et sacrifier leurs semblables à leurs idoles.

Les humains sont moins résistants que les vampires, ils peuvent être tués à mains nues et Raziel peut même aspirer l’âme des humains non combattants sans avoir à les toucher. Un point important et pas évident à comprendre est que si Raziel ne tue aucun humain autre que les adorateurs de vampires, les humains vont se mettre à l’adorer lui, et le laisseront bouffer leur âme sans protester. Plutôt cool non ? Sauf que si vous en tuez un seul, ça ne marchera plus pendant toute la partie.

RAZIEL LE RÊVEUR SAOUL

Pour vous donner le fond de ma pensée de but en blanc, Soul Reaver m’a clairement laissé sur ma faim, alors que c’est peut-être l’épisode le plus apprécié des fans.

On retrouve bien sûr l’univers grandiose de la saga, son ambiance si particulière, mais on est loin de Blood Omen, et pas seulement parce que 1500 ans se sont écoulés depuis.

L’histoire n’est clairement pas aussi prenante, le scénario est trop linéaire malgré des mini-quêtes qui n’apportent finalement pas grand-chose, les personnages ne sont pas assez charismatiques en dehors des deux principaux. Aucun des frères de Raziel n’a marqué la série, alors que de nombreux persos créés dans BO sont devenus cultes. Le monde est désespérément vide de PNJ, sauf dans la cité humaine, et on ne peut jamais discuter avec eux comme auparavant. Ce sont surtout les monologues de Raziel qui apportent un peu de vie à l’histoire. Et encore, bien que les tirades restent classes et le doublage excellent (le doubleur de Kevin Costner est la voix de Raziel), elles sont sacrément édulcorées par rapport à toutes les répliques succulentes du tout jeune Kain. Ça manque de vie, ça manque… d’humanité. Raziel fait son boulot comme Jason Statham transporte les colis dans sa Mercedes. Sans plaisir, sans souffrance, et presque sans se poser de questions. Il se demande à peine l’espace d’une phrase s’il est moral de zigouiller ses frérots, alors que Kain fait partager ses doutes et ses tourments au joueur de BO 50 heures durant…

Même chose pour la bande-son. Hormis le thème culte du héros, les autres musiques, tout en étant de qualité, ne sont pas franchement mémorables.

Le gameplay m’a lui aussi déçu. Particulièrement les combats, ultra répétitifs. Les armes sont peu nombreuses et trop similaires, et bien que le fait d’utiliser les éléments du décor pour achever un vampire soit une bonne idée, ça se révèle assez compliqué d’embrocher une créature sur une pique, de réussir à se déplacer en la portant et de trouver le bon angle pour ne pas rater son empalement. C’est même franchement lourd dans les passages où aucune arme ni élément de mort n’est disponible. Idem, il faut vraiment faire gaffe à ne pas se faire toucher, au risque de perdre la Soul Reaver et de sacrément galérer pour récupérer son énergie.

Les glyphes magiques sont également très décevantes. On passe du temps à essayer de les acquérir pour vraiment pas grand-chose. Seules les deux plus puissantes permettent de tuer les vampires, toutes les autres ne font que les étourdir, ce qui ne sert à presque rien.

Idem pour la Fire Reaver, qui disparaît dès que vous êtes touché et, bien sûr, quand vous devez nager ; ses effets sont trop proches de la Reaver normale.

De toute façon, les bosses sont tellement faibles que vous n’avez pas besoin de surplus de puissance pour les vaincre, et ils sont qui plus est immunisés contre la magie et les armes. Il s’agira systématiquement de se servir du décor pour les battre. Autant dire que les confrontations n’offrent aucun challenge, sauf contre Kain, très frustrant à combattre.

On aurait aimé des magies et des combats un peu plus intéressants quoi. Là encore, la comparaison avec BO n’est pas flatteuse.

Bien sûr, le principal intérêt de SR ne réside pas dans les combats mais dans les déplacements et la résolution d’énigmes. Et ces énigmes offrent un réel challenge, aucun doute là-dessus. Certaines sont abusément difficiles, et sans solution à côté j’aurais probablement lâché le jeu une bonne dizaine de fois. Mieux vaut avoir un solide esprit pratique pour ne pas rester coincé, ce qui n’est pas mon fort, il faut bien le dire. On regrettera quand même qu’il y en ait autant, surtout vers la fin du jeu où il faut manipuler des objets et des caisses à tous les écrans.

En revanche, c’est un réel plaisir de diriger Raziel lorsqu’il court, flotte et surtout, lorsqu’il s’agrippe à une paroi. Bonne note pour la maniabilité donc, bien que certains passages ne tolèrent aucune approximation au niveau de l’enchaînement des sauts. Nager n’est pas évident non plus, il faudra du temps avant de bien diriger le mouvement.

Seule la mauvaise gestion de l’angle de vue parfois délivré par la caméra gêne la balade, particulièrement sous l’eau, où l’angle est impossible à modifier manuellement.

Terminons par ce qui est sans doute le plus gros point fort de Soul Reaver, sa réalisation.

Premier élément fondamental : exit les temps de chargement après chaque action ou chaque passage au sous-écran, le jeu est incroyablement fluide et dynamique. Que de progrès par rapport à un Blood Omen à la limite de l’injouabilité à cause de cela !

Raziel évolue dans des environnements majestueusement vastes, même en intérieur. Quel bel usage de la 3D ! On leur reprochera peut-être d’être un peu trop vides de créatures vivantes et de détails dans le décor, mais c’est du bon boulot. Notre spectre favori bénéficie d’une modélisation originale et très réussie, tout comme tous ses frères.

Les cinématiques sont de belle facture, principalement celle qui ouvre le jeu, au top de la classe.

La gestion du changement de plan est également un succès incontestable, sachant que c’est le premier jeu à utiliser la technique du « morphage », et le fait de nager sous l’eau en regardant vers la surface est visuellement magnifique. Bon, le jeu n’est pas exempt de bugs d’affichage, mais rien de très grave.

Dans l’ensemble, le jeu est plutôt facile. Il est très rare de se faire tuer lors d’un combat autre que celui contre Kain, et en plus Raziel est immortel et reste hanter le plan spectral de l’écran de sa mort le temps de recouvrer son énergie. Certaines énigmes, par contre, sont vraiment tendues.

Entre la progression rapide et l’omission de certaines phases de jeu (Turel et la fin originalement prévue), le titre est finalement plutôt court et peut se finir tranquillement en moins de 8 heures quand on ne perd pas de temps en cogitations inutiles.

RÉSUMÉ

Considéré par beaucoup comme l’un des dix meilleurs titres de la PlayStation, il faut reconnaître à Soul Reaver beaucoup de qualités, comme une excellente réalisation, l’ingénieuse idée du changement de plan, une grande et fluide liberté de déplacement pour le héros et une ambiance et un univers qui restent classes.

Malgré tout, je ne dirais pas que c’est un chef-d’œuvre, compte tenu de lacunes telles qu’un gameplay pas assez varié, des combats inintéressants, une histoire un peu trop linéaire et sans réelle surprise, des bosses plats et une forte impression de bâclage de la fin du jeu.

Je trouve personnellement le jeu insuffisamment prenant dans l’ensemble. On est loin de la claque, du mordant de Blood Omen. Et pourtant je vais le noter mieux, ne serait-ce que pour la disparition des temps de chargement.

8/10

En vidéo : http://www.youtube.com/watch?v=muSpxd71j5c

Legacy of Kain : Soul Reaver