Développé par Shiny Ent., édité par Atari (Infogrames) sur PlayStation 2, PC, Xbox, 2005.
Bien que Matrix soit rapidement devenu une trilogie culte, avec son univers cyber-futuriste, ses scènes de kung-fu spectaculaires, ses déluges de balles transformant des pans entiers de décor en poussière, ses course-poursuites endiablées, ses personnages mystiques, charismatiques, d’un stoïcisme à toute épreuve, stylés au millimètre et friands de longues tirades éso-philosophiques, le tout à grand renfort d’effets spéciaux et sur fond de métal et autres mélodies gothiques, peu de jeux vidéo exploitent finalement la licence.
À part le très moyen The Matrix Online, disponible uniquement sur PC et qui prend la forme d’un MMORPG, les joueurs rêvant de défier la gravité en trench-coat et lunettes de soleil devaient se tourner jusqu’ici vers Enter the Matrix, sorti en même temps que le 2e film, en 2003.
Ceux qui l’ont fait restèrent sur leur faim : EtM n’offrait que la possibilité de contrôler des personnages très secondaires remplissant des missions, certes complémentaires de celles menées par les personnages principaux, mais assez mineures quand même. Ajoutez à cela un gameplay limité et une réalisation technique pas très sérieuse, et vous aurez l’impression d’un amer foutage de gueule.
C’est alors que les frères Wachowski sont tombés d’accord avec Shiny pour lancer LE jeu tant réclamé par les fans. Il se nomme The Matrix : Path of Neo.
OSEREZ-VOUS AVALER LA PILULE ROUGE…
Fini de cacher son enthousiasme à l’idée d’incarner Niobe ou Ghost (qui ?) ; cette fois vous contrôlez directement – et uniquement – The One, l’Éu, j’ai nommé Thomas Anderson, plus connu de nos jours sous le nom de Neo.
The Matrix : Path of Neo vous propose de revivre les scènes marquantes de la trilogie, depuis le bureau de Monsieur Anderson chez Metacortex jusqu’à la confrontation finale avec l’agent Smith. Vous aiderez Neo à évoluer dans la Matrice, à s’extirper de ses pièges et à maîtriser tous ses paramètres, pour finalement s’affranchir de ses codes et devenir l’Élu, un demi-dieu en puissance.
La trame du jeu évolue au travers de cinématiques et de nombreux extraits des films, qui encadrent les scènes d’action (combat, poursuite et parfois exploration). Concrètement, le jeu défile et s’arrête à chaque scène où Neo fait autre chose que blablater à l’écran (coucher avec Trinity n’en fait pas partie, hein). Quelques scènes inédites ont été insérées pour les besoins du jeu, soit inventées, soit exploitant des passages qui n’ont été que suggérés dans les films. Ainsi, le programme d’entraînement de Neo est visualisé, et sert de didacticiel pour maîtriser les commandes et les différents types de combat. Également, les scénaristes ont mis à profit les 6 mois séparant chronologiquement la fin du 1er film et le début de Reloaded pour aller sauver des « pilules rouges », des rebelles potentiels, des griffes des agents. Neo devra ensuite aider les capitaines tombés dans une embuscade ou encore se dépêtrer du labyrinthe du Mérovingien, alors que de nouveaux combats sont au programme (contre les agents et Smith notamment).
Côté points noirs, les scènes des films sont montées n’importe comment. On penserait qu’elles suivraient logiquement l’ordre de visionnage mais pas du tout : on nous montre un morceau du début du film, puis du milieu, puis de la fin, puis du milieu, puis encore de la fin, et pour finir on revient où on en était, c’est-à-dire au début de l’intrigue. J’imagine qu’ils ont essayé de renforcer l’intensité dramatique du moment, en montrant des scènes collant un peu au message communiqué, mais c’est complètement raté.
En bref, n’espérez pas comprendre l’intrigue sans avoir vu les films (qui ne sont eux-mêmes pas évidents à décrypter), aussi je ne reviendrai pas sur l’histoire. Notons tout de même que les frères Wachowski font une apparition dans le jeu pour expliquer pourquoi ils vous proposent une fin alternative non vue au ciné, et plus appropriée à un jeu vidéo. C’est assez sympa !
En version française, les persos s’expriment dans notre langue, et tous les doubleurs des films ont repris leur rôle, à l’exception de Lambert Wilson.
Le but du jeu consiste à progresser tout en restant en vie (sans blague Cyrilette !) et à se débrouiller pour que vos partenaires le restent également, lors des phases de coopération. Il faudra aussi veiller à protéger des personnages non combattants, comme les pilules rouges et le Maître des clés.
Trois niveaux de difficulté sont proposés. Ou plutôt imposés en fonction de votre niveau : à chaque nouvelle partie, le jeu vous teste au cours d’un combat contre les SWAT. Si vous gérez, vous aurez accès aux deux modes les plus difficiles. Terminer chacun de ces modes débloque des capacités spéciales, comme les munitions illimitées, les balles qui deviennent sans effet,… Au cours du jeu, vous pourrez aussi débloquer des images, fan-arts et surtout des combos secrets, à condition de les trouver au milieu du décor.
…VOUS AVENTURER DANS LE TERRIER DU LAPIN BLANC…
Depuis EtM, et en dépit de la disparition des phases de conduite, le gameplay a heureusement été notablement étoffé. Neo possède toujours une jauge de santé et une jauge de concentration, qui se régénèrent pendant les temps morts. Le reste de ses habiletés seront acquises au fur et à mesure de son développement. Ses nouveaux pouvoirs concernent majoritairement son art du combat à mains nues. Il pourra ainsi apprendre des nouvelles techniques de kung-fu et de judo, perfectionner celles qu’il connaissait déjà, et mettre en place des combos de mouvements. Neo développera également sa capacité à se mouvoir dans la Matrice, comme sauter plus haut, léviter, éviter les balles, et une fois devenu l’Élu, arrêter les balles, voler et voir la Matrice sous forme de « code ».
Ces nouvelles capacités seront soit débloquées automatiquement arrivé à un certain point du jeu correspondant au moment idoine dans le film (exemple : esquiver les balles sur le toit), soit acquises entre deux niveaux de jeu. Dans ce cas, une espèce d’écran listant toutes les capacités de Neo apparaîtra, et vous pourrez ajouter une nouvelle capacité parmi celles proposées. Vers la fin du jeu, Neo aura même accès aux « principes d’Atman », des pouvoirs très évolués mais dont l’effet sera limité à la mission suivante. Soigner ses alliés ou revivre une fois en font partie.
Le subtil usage de la concentration est primordial pour progresser. En se concentrant, Neo ralentit le temps et le jeu rentre en mode « Bullet Time ». Il peut alors esquiver plus facilement balles et attaques, mieux viser, lancer de nouveaux combos, marcher sur les murs, léviter, etc. Notre héros en aura grandement besoin pour vaincre et échapper aux agents, les gardiens indestructibles de la Matrice, et disposer des soldats et des unités de SWAT qui déferlent sur lui. De temps en temps, il aura affaire à des bosses, qu’il devra vaincre pour avancer (souvent des agents, mais aussi des exilés dans le Château du Mérovingien et Seraph, le gardien de l’Oracle, pour un affrontement en 4 rounds).
Grâce à son entraînement, Neo est rompu au maniement de tout type d’armes qu’il pourra ramasser : armes de corps-à-corps comme des bâtons, épées, matraques, et bien sûr les armes à feu, qui vont du flingue standard au lance-grenades, en passant par le fusil mitrailleur et le double pistolet. Il peut porter 3 armes au maximum, ce qui signifie qu’il ne devra parfois garder que celles qu’il préfère.
Par contre, aucun objet non létal n’est prévu. Les seuls items qu’on peut ramasser sont les packs de santé et de concentration.
…ET METTRE FIN A LA GUERRE ?
Si les prérogatives de Neo restent essentiellement de taper dans le tas, et que la jouabilité consiste surtout à courir (ou voler) et frapper, le nombre de techniques et de combos disponibles est suffisant pour diluer la répétitivité de l’action. On acquiert un nouveau mouvement à chaque niveau, ce qui encadre très bien la progression, et à la fin du jeu, l’ancien hacker possède mille et une façons d’en terminer avec ses adversaires. De quoi varier les plaisirs.
Le revers de la médaille, c’est qu’il faudra passer pas mal de temps avant de maîtriser tous les enchaînements disponibles. Il faudra mémoriser les combinaisons de touches et s’entraîner à les sortir en une fraction de seconde. Bien que le jeu vous suggère certains boutons visant à parachever le combo en cours, soyons clairs : la technique que vous balancez est souvent différente de celle que vous aviez en tête. Et je ne parle pas des 6 combos spéciaux ; ceux-là sont franchement cotons à mémoriser et à sortir. En bref, il faudra déjà finir le jeu une première fois avant de bien comprendre ce qu’on fait.
Les combos sont vraiment bien représentés et assez impressionnants, notamment les enchaînements visant plusieurs adversaires en même temps. La gestion des combats contre un groupe d’ennemis est à mon sens la plus grande réussite des développeurs. Ils sont très dynamiques, avec parfois un petit ralenti pour mettre en valeur le coup final, et bien sûr très spectaculaires. On retrouve complètement l’ambiance des films. Imaginez Neo se frotter à une centaine de Smith, et prendre appui sur un lampadaire pour les piétiner en vol. Ça donne envie d’y jouer quand même !
Par contre, on ne décernera pas le même satisfecit aux gunfights. Viser et tirer est l’un des points noirs du jeu. On a vraiment du mal à gérer les fusillades, qui se résument le plus clair du temps à marteler le bouton de tir en sautant dans tous les sens, en priant qu’on s’en sorte vivant. Qui plus est, la gestion des caméras pendant ces gunfights est assez catastrophique : il n’est pas rare qu’on ait vue sur un mur alors qu’un gros pan de l’action est caché.
Le jeu reste largement abordable, même dans les modes les plus difficiles, sachant qu’on ne redémarre jamais loin du point de chute. Les passages les plus frustrants sont la fuite face aux agents qui nous canardent par derrière, et le fait de galérer à retrouver les combos spéciaux planqués dans le décor (merci les soluces).
Path of Neo se finit assez rapidement, d’autant qu’il n’est pas linéaire, et que la portion correspondant à Matrix Revolution se réduit au combat (en plusieurs rounds) contre Smith.
La rejouabilité est assez faible, pour peu qu’on ait maîtrisé tous les combos disponibles.
La réalisation technique est assez moyenne. Les graphismes sont corrects, malgré quelques bugs et des décors souvent trop vides, sans parler du fameux aliasing made in PS2. J’ai lu des critiques acerbes au sujet de la modélisation des personnages ; je ne les cautionne pas, je trouve que le boulot est plutôt bien fait. Pareil pour leur animation d’ensemble, meilleure pendant les combats qu’en dehors.
Le titre utilise le moteur Havoc, permettant la destruction partielle du décor, comme les murs et les piliers. C’est relativement rare dans un jeu PS2 et ça colle bien à l’ambiance Matrix. Un plus non négligeable.
Le doublage est très bon et la bande-son excellente.
RÉSUMÉ
Vous faire revivre la trilogie Matrix en vous immergeant dans son ambiance fabuleuse et vous permettre de jouir des pouvoirs quasi-divins de l’Élu, voilà la vraie ambition de The Matrix : Path of Neo. Et ça déchire.
Bien que les cutscenes soient horriblement mal montées, c’est un réel bonheur de se replonger dans la Matrice et d’apprendre à maîtriser ses paramètres. Affronter les agents et les SWAT, collaborer avec les capitaines et essayer de sauver les pilules rouges, ces personnages dont le jeu propose un rapide background, est vraiment prenant.
Neo dispose d’une large panoplie de mouvements correspondant à tous ceux qu’il possède au ciné, et il les sort avec la même classe. Que demander de plus ?
Certes, les graphismes sont un peu moyens, pas exempts de bugs, certes, la gestion des gunfights laisse à désirer, certes, le jeu est peut-être un peu court et n’offre qu’une rejouabilité limitée, mais le Chemin de Neo remplit haut la main ses objectifs. Indispensable pour les fans de la saga.
8,5/10
En tant que meilleure adaptation de Matrix, je vais décerner 9.
En vidéo : http://www.youtube.com/watch?v=6ghvTecZERY