Enter the Matrix est un jeu vidéo PlayStation 2 publié en 2003 .

  • 2003
  • Action

Test du jeu vidéo Enter the Matrix

3/5 — Très bien par

Développé par Shiny Ent., édité par Atari (Infogrames) sur PS2, NGC, PC, Xbox, 2003.

Matrix, le chef d’œuvre cinématographique des frères Wachowski, ayant fait un carton mérité, les frangins se sont dit qu’il était temps de faire fructifier la poule aux œufs d’or en sortant, 4 ans plus tard et à quelques mois d’intervalle, 2 films concluant une trilogie qui aurait très bien pu ne pas en être une, le premier film se suffisant à lui-même. Difficile toutefois de ne pas entendre les sirènes du profit facile et du mercantilisme gratuit (appréciez la figure de style. Merci). Et voilà comment on se retrouve avec un Matrix Reloaded tout pourri, touffu, où scènes de combat grand-guignolesques se mêlent à de longues tirades vides de substance censées donner un côté intellectuel ou mystérieux à la bête. Sans parler de la présence de piètres acteurs franchouillards (surtout la greluche) qui font perdre 20 minutes au film. Ce long-métrage m’a ôté toute envie de visionner Matrix Revolution, que je n’ai d’ailleurs toujours pas vu à l’heure actuelle.

Parallèlement aux œuvres cinématographiques, les créateurs de la matrice ont jugé de bon aloi de faire plaisir aux fans de la série, ainsi qu’à leurs banquiers, en sortant une adaptation vidéoludique sur les supports 128 bits. Sortie concomitamment avec « Reloaded », elle s’intitule Enter the Matrix

VOULEZ-VOUS ENTRER À NOUVEAU DANS LA MATRICE ?

La raison d’être de cette adaptation semblant purement commerciale, y a de quoi flipper en imaginant la qualité de ce jeu. Encore heureux que ce n’est pas THQ qui ait chopé la licence, tiens.

Et pourtant, je peux avancer que Enter the Matrix a été réalisé plutôt sérieusement.

1er élément à prendre en considération : le scénario.

Plusieurs choix étaient possibles. Reprendre uniquement l’univers Matrix et créer un scénario n’ayant rien à voir avec les films ? Nouer une intrigue cohérente avec la saga se déroulant à un autre moment temporel ? Vivre la même histoire que les héros des longs-métrages ? Eh bien non, Andy et Larry W. ont pris le parti d’impliquer au maximum les joueurs en leur proposant de vivre des aventures inédites, mais se déroulant en parallèle avec « Matrix Reloaded ».

Enter the Matrix suit fidèlement la trame de la 2e aventure de nos fashion victims en lunettes de soleil. Plus exactement, le jeu couvre une période allant du prologue de « Reloaded » jusqu’au générique de fin de celui-ci. Mais ce ne sont pas les personnages principaux que vous allez jouer (Neo, Morpheus et Trinity), mais 2 personnages subalternes qui n’ont pas fait grand-chose à l’écran, à savoir Niobe, jeune femme black aussi expressive que la Terminatrice donnant la réplique à Arnold dans le 3, et Ghost, Asiatique un brin mystique féru d’armes à feu.

Le rôle de ces apparents seconds couteaux sera d’aider au maximum Neo et les rebelles face à l’armada de machines qui déferlent sur Zion. Tous 2 évolueront tantôt dans le monde réel, tantôt dans la matrice, où ils seront aidés et guidés par Sparks, l’opérateur de leur vaisseau (le Logos).

Leurs missions seront diverses et variées (récupérer un colis contenant des informations vitales dans la lutte contre les machines, sauver d’autres confrères des griffes des agents, récupérer la « clé très spéciale », obtenir conseil auprès de l’Oracle, et accessoirement rester en vie).

Si Niobe et Ghost font souvent équipe sur le terrain, il vous sera demandé de faire l’aventure avec l’un ou l’autre. Le personnage secondaire vaquera à ses propres tâches lorsque l’équipe se séparera, et vous assistera lors des passages coopératifs. Pour les phases de conduite de véhicules, Niobe prendra les commandes et Ghost s’attèlera à la couvrir à l’aide de flingues ou de canons.

Vous pourrez bien sûr refaire ensuite l’aventure en prenant l’autre perso. Une majorité des niveaux sera toutefois identique, mais certains totalement différents.

L’un des intérêts majeurs du titre est la présence de nombreuses cinématiques de 2 natures : moteur du jeu et surtout vidéos, puisque des scènes inédites d’excellente qualité ont été filmées spécialement pour le jeu ! Ce qui permet de s’immerger complètement dans l’univers de la saga, et de se sentir plus impliqué dans la réussite des opérations. On reverra ainsi l’agent Smith, l’Oracle, Trinity, le Maître des clés, le Mérovingien et sa femme, alias Monica Belluci, qui n’est là que pour raconter des conneries et embrasser les 2 persos.

Le jeu est à l’image de son film de référence. Très nébuleux. Autant dire qu’on est souvent confus face à ce qui en train de se passer et ce qu’on doit faire (la Clé très spéciale, elle est passée où ?) Et ce n’est pas l’Oracle qui va vous donner des tuyaux clairs. Visionner le film semble quasiment impératif pour réussir à suivre l’histoire du jeu. Même si Niobe et Ghost sont loin d’avoir le charisme de Neo et Morpheus, le scénario est relativement prenant et cohérent avec le film.

2e élément à considérer : le gameplay.

L’action est scindée en 3 phases distinctes : scènes à pied, conduite de voiture et conduite du Logos, toutes en vue 3e personne.

La majeure partie du jeu verra Niobe et Ghost se balader dans la matrice, explorer une poste, un aéroport, des égouts, un château et une centrale électrique. Chacun de ces lieux constitue en gros un niveau, lui-même fractionné en zones ; une sauvegarde étant possible au terme de chacune des zones (il sera ensuite possible de rejouer toutes les zones précédentes).

Nos 2 comparses rencontreront une résistance farouche sur leur chemin, puisque des policiers et les SWATS tenteront coûte que coûte de leur barrer la route. Niobe et Ghost pourront rétorquer à l’aide de leurs connaissances martiales et d’armes à feu à ramasser (une dizaine sont disponibles). Coups de pied, de poing, projections et étranglements figurent à leur répertoire. Il est possible de lancer des combos pieds ou poings ou pieds + poings en pressant répétitivement les boutons. Par contre, les 2 persos n’ont pas de technique propre ; ils effectuent les mêmes actions. Dommage.

Le jeu passe en mode « combat » dès qu’un corps-à-corps s’enclenche (en vue de côté ; de nouveaux enchaînements de coups seront automatiquement effectués, et vous pourrez cogner sur plusieurs ennemis à la fois).

Une touche permet de passer en vue subjective (1ere personne) afin de pouvoir mieux scruter les alentours et de viser si vous avez dégainé une arme (indispensable avec un fusil sniper).

Votre personnage dispose de 2 indicateurs : une jauge de santé et une jauge de concentration, exprimées en pourcentage.

La santé diminue dès qu’on vous tire ou tape dessus mais pas de panique : comme dans « The Getaway », le héros est doté d’une capacité de régénération automatique. S’il n’est pas touché à nouveau pendant environ 10 secondes, la santé va remonter en flèche. Exception : affrontement contre les (rares) bosses. Là, il faudra fatalement les vaincre avant que la jauge ne tombe à 0. Le jeu redémarrera alors à la sauvegarde précédente (début de la dernière zone).

La grande spécificité de Enter the Matrix est son mode « concentration », sorte de « bullet time ». En maintenant L1 enfoncé, Niobe et Ghost ont la possibilité de ralentir le temps, en exploitant à fond les caractéristiques de la matrice. Ils pourront alors se déplacer plus vite, lire la trajectoire des balles, faire des bonds incroyables, marcher sur les murs ou encore faire la roue. Voilà qui donne un avantage bien appréciable pour se sortir d’un mauvais pas, ou faire le kéké s’il y a des nanas dans le coin. Impossible toutefois de bénéficier de cet avantage ad vitam eternam, la jauge de concentration servant à réguler l’utilisation de ce mode s’égrenant et se régénérant de la même façon que la santé.

Aussi utile soit-elle, même la concentration ne vous permettra pas de vaincre les surpuissants agents, les « pare-feux » de la matrice. Si un agent vous prend en chasse, la seule alternative vraiment viable est la fuite pure et simple. C’est pourquoi plusieurs zones sont des « escape modes », où il vous faudra atteindre le téléphone du salut avant de perdre la vie.

Les scènes de fuite ou poursuites en voiture sont très classiques, Niobe roulant, Ghost tirant. Même concept finalement pour le pilotage du Logos.

Signalons que le jeu possède un mode « piratage » qui vous permettra de revoir des cinématiques, d’accéder à un niveau secret ou de modifier les paramètres de la matrice (rendre les ennemis sourds ou/et aveugles, concentration infinie, munitions infinies, etc.). Une bonne idée, sauf que l’interface d’ordinateur servant au piratage est assez compliquée à utiliser, et je n’ai pas compris comment choper les codes bonus (un code est communiqué dès que vous finissez le jeu, je ne sais si c’est le seul moyen).

TOUTES LES FEMMES SONT FOLLES DE MATRIX

Jusque là, je me suis contenté de parler du scénario et des possibilités de jeu. Mais concrètement il vaut quoi ce titre ? Résultat assez mitigé.

Je parlais de sérieux en évoquant la construction de l’histoire. Voilà un terme qui ne s’applique pas à la réalisation technique. Si les personnages sont bien modélisés, les décors sont souvent vides et très peu texturés (grillages, étagères et empilements de colis dans la poste, murs et canalisations dans les égouts, grandes allées vides dans l’aéroport). Seule exception notable : le château du Mérovingien, pour ses parures murales et les rayons de lumière filtrés par les vitraux. Sauf que ce niveau, comme tous les autres, est affreusement aliasé (des effets d’escaliers grignotent les niches de murs et surtout les grillages). Si l’aliasing est un défaut commun à une kyrielle de titres PS2, il est omniprésent dans EtM.

L’animation des personnages ne rattrape pas les graphismes, car si les vidéos et certaines séquences de combat sont parfois impressionnantes (contre les bosses, les héros placent de superbes enchaînements de coups très dynamiques), les persos sont assez gauches et raides en se déplaçant, particulièrement en sautant ou en escaladant des échelles. Par ailleurs, la caméra tangue fortement lors du passage en mode combat, ça fait parfois mal aux yeux d’essayer de suivre.

Contrairement à la sensation de légèreté qu’on devrait ressentir lorsqu’on incarne des personnages capables de défier les lois de la gravité, ceux-ci se manient assez difficilement. Sauter, grimper et même ouvrir des portes n’est pas spécialement aisé. Et que dire des angles de vue, puisqu’on ne peut déplacer les angles de caméra qu’en vue subjective. Dans pas mal d’endroits, on a ainsi du mal à avoir une bonne vision de l’environnement. Utiliser le sniper est assez compliqué, il faut jongler avec les boutons de façon à dégainer l’arme puis passer en vue subjective, puis zoomer sur la cible et tirer. Idem pour les cabrioles en mode concentration. Par exemple, pour faire la roue latéralement tout en tirant devant soi, il faut combiner simultanément 4 boutons ; dans le feu de l’action, il arrive fréquemment qu’on mélange les touches (tirer en faisant une roue vers la droite nécessite de presser L1 + R2 + X + Triangle, chaud les marrons). Et plonger vers l’avant ou l’arrière tout en mitraillant peut tout simplement vous faire basculer dans le vide, pour peu que vous soyez sur une corniche ou dans une pièce exigüe comme la Tour de contrôle.

Même reproche concernant le mode combat : parfois, notre perso s’embarque dans un super enchaînement et continue sa « choré » alors même que son ennemi est resté dans son dos, ça fait un peu mickey quoi.

Dans l’ensemble, le gameplay est assez peu varié et un peu trop bourrin. On se lasse rapidement des actions disponibles au combat, des armes pas franchement intéressantes, et même le mode concentration n’apporte finalement pas grand-grand-chose. Cette impression de lassitude est grandement renforcée par la faiblesse de l’Intelligence Artificielle, puisque les ennemis standards se ressemblent tous et ne sont pas très futés. Même s’ils sont présents en nombre, il suffit de plonger vers eux en concentration, d’en dégommer un ou deux puis de finir le travail à mains nues (ils ne font pas usage de leurs armes en mode combat). Et ensuite de se planquer derrière un pilier pour récupérer 100% de ses forces. Seuls les vampires du château savent se battre et ont la classe.

Entre la faiblesse de l’IA, la santé qui se régénère et la concentration, le jeu devrait être facile. Et bien la supputation est erronée. La difficulté de EtM s’avère extrêmement mal calibrée, avec des passages où il est impossible de perdre, et d’autres super compliqués à gérer. Car vous pouvez perdre votre vie en quelques secondes si vous êtes pris sous le feu nourri de plusieurs tireurs. La confrontation contre les 2 hélicoptères (bosses) est méga chaude à négocier, et comptez entre 100 et 200 tentatives pour vaincre le 2eme, ce qui va vous obliger à refaire d’autant de fois le passage précédent (tirer dans un pneu de l’avion). Un des passages les plus frustrants que j’ai connu dans un JV. Encore pire, mourir n’est pas la seule façon de se prendre un game over. Échouer à protéger l’un de vos amis en est une autre. Or, le timing est parfois super serré pour dégainer son sniper, viser, tuer tous les méchants. Si vous êtes trop lent, vous êtes bon pour vous refarcir plusieurs hectomètres de course et d’escalade. Lourd !!

Le level design assez mal fichu renforce la difficulté, puisqu’on ne comprend pas toujours où se diriger dans les moments où on n’a pas le loisir de réfléchir (quand il faut protéger quelqu’un ou quand on se fait courser par un agent). Certes, une flèche apparaît parfois à l’écran pour vous indiquer l’itinéraire, mais quand il y a nombre d’allées et d’escaliers à emprunter, comme à Chinatown vers la fin du jeu, c’est compliqué de s’y retrouver.

Puisque je suis dans le chapitre frustration, impossible d’éluder les phases de conduite. Celles-ci sont d’une part super chiantes, la voiture n’étant pas maniable pour un clou, les forces de police vous rentrant dans le lard comme des bourrins, et le chemin à prendre étant hasardeux et cahoteux, et d’autre part énervantes, puisqu’à 2 endroits vous perdez la partie sitôt que vous lâchez des yeux un camion ou un avion. Autant dire que le moindre et infime écart de conduite sera rédhibitoire.

Et que dire de la conduite du Logos… un véritable calvaire pour la vue, l’ouïe et le toucher. Le Logos évolue dans des espèces de tunnels, des canalisations rendues dans une sorte de bouillie graphique, où il est impossible de progresser sans se prendre tuyaux et murs en pleine tronche. Intérêt 0.

En bref, question plaisir de jouer, on repassera.

Signalons qu’il y a 3 niveaux de difficulté (non testés).

Autre point fortement négatif : si certains niveaux d’exploration paraissent assez linéaires, ainsi n’en va pas de l’ensemble du jeu. La fin arrive de façon incroyablement abrupte, au terme de 2 niveaux super chiants à faire. Alors que je me disais « Vivement un bon niveau de baston, j’en ai trop marre là ! », v’là que le générique de fin est balancé après une ultime cinématique où on n’a pas compris grand-chose au babillage de nos persos préférés.

Le jeu est correctement long à faire la 1ere fois (10-12h), mais sensiblement moins à la seconde tentative, et il n’y a quasiment aucun intérêt à retoucher au titre une fois que vous avez mené l’aventure à son terme avec les 2 persos. Et encore, puisque Niobe et Ghost possèdent les mêmes caractéristiques au combat, et que la plupart des niveaux sont communs aux 2 protagonistes, refaire le jeu avec le second n’augmente que modérément la replay value.

Reste une bande-son de grande qualité et très bien choisie, qui procure en complément des cinématiques une ambiance réussie et très fidèle aux films.

RÉSUMÉ

Ayant entendu une volée de critiques s’abattre sur Enter the Matrix, je serai plus modéré dans mon opinion. Toutefois, mes premières impressions favorables, attisées par une ambiance, une grande fidélité à la saga et un scénario assez astucieux, ont été quelque peu édulcorées par une jouabilité approximative, un level design mal foutu, une difficulté mal calibrée et des passages générant une frustration sans nom.

Pas de contre-indication pour les plus fans de la série.

Après avoir penché vers 7 puis 5 sur 10, je vais me fixer sur 6/10.

Enter the Matrix