Développé et édité par Acclaim sur PC, PS2, GameCube et Xbox, 2004.
Avant de laisser son imagination débordante se perdre dans la série culte Lost, le talentueux réalisateur J.J. Abrams se fit connaître grâce à une autre série télévisée, Alias.
Mettant en scène la belle Jennifer Garner, impeccable et aussi sexy que touchante dans le rôle de sa vie, Alias est une série d’espionnage saluée pour son action haletante, son intrigue sacrément complexe, sa superbe ambiance ou encore la profondeur de ses personnages (particulièrement les méchants, magnifiquement ambigus et charismatiques).
Sydney Bristow est une jeune espionne travaillant pour le compte d’une division secrète de la CIA, le SD-6. Lorsque son fiancé est fait assassiner par le tyrannique directeur du SD-6, Arvin Sloane, Sydney comprend que la division est en réalité une branche d’une organisation terroriste. Rejoignant alors la vraie CIA, elle décide de jouer le rôle d’agent double. Ainsi démarre la série.
Sans trop parler du scénario plein de rebondissements de cette série, que je vous recommande chaudement, Syd va par la suite rejoindre « officiellement » la CIA, pour combattre au mieux le terrorisme. Aidée par son père Jack, son amoureux l’agent Vaughn et le fantasque geek Marshall, elle va remplir de nombreuses missions sur le terrain, souvent sous couvert d’un alias (une identité factice), comme récupérer des artefacts ou des renseignements, et stopper des criminels.
Imaginez James Bond, vous aurez une pâle copie de Sydney Bristow. Parlant 150 langues sans un pet d’accent et maîtrisant autant d’arts martiaux, il lui arrive régulièrement d’attaquer la journée par un footing dans son quartier, de passer la matinée à trucider du méchant à Moscou, l’après midi à récupérer une pile atomique à Buenos Aires et d’arriver fraîche comme une rose au dîner de sa copine à L.A. (c’est en tout cas l’impression que donne le show). Par contre, Syd n’a pas la vie aussi belle que James. Pour tout dire, elle en prend plein la tête pendant toute la série ; son personnage est vraiment très attachant.
Outre les missions « indépendantes », la trame de la série est la quête des objets de Rambaldi, un scientifique visionnaire hautement inspiré de Léonard De Vinci et Nostradamus. Ce « Milo Rambaldi Code » télévisé nous tiendra en haleine pendant les 5 saisons d’un show de grande qualité jusqu’au dernier épisode.
Bon, on parle un peu du jeu ?
UN JEU FIDÈLE À LA SÉRIE…
S’il est fréquent que des films soient portés en jeux vidéo, c’est déjà beaucoup plus rare pour les séries. Encore que sur PS2, il soit possible de diriger les 2 autres midinettes que sont Jessica Alba dans Dark Angel, et Sarah Michelle Gellar dans Buffy : Chaos Bleed.
Au vu de la complexité du scénario d’Alias, il était difficile de créer un jeu qui s’insère dans l’histoire. Finalement, c’est la fin de la saison 2 (l’une des meilleures) qui a été choisie. Les développeurs ont en fait rajouté quelques épisodes très cohérents avec le moment de la série, et intéressants à faire, bien que ne faisant pas avancer fondamentalement l’histoire.
Sydney devra effectuer 6 missions, d’un casino de Monte Carlo à un bunker en Russie en passant par un asile en Roumanie ou un night club à Rio (avec un peu de chance, la série a donné aux Américains le goût de la géographie). Elle tâchera de contrecarrer les plans des machiavéliques Anna Espinosa, Julian Sark et bien sûr Arvin Sloane (un des personnages de méchants les plus fabuleux de l’histoire du 7e art selon moi).
Outre le traditionnel briefing d’avant mission avec la présentation des gadgets à emporter, Syd reçoit l’aide sur le terrain de ses collègues de la CIA, le plus souvent par liaison radio, mais Dixon sert parfois de diversion ou de support.
Alias se présente sous la forme d’un jeu action / infiltration en vue 3e personne. Oui en 2004, l’infiltration, c’était vraiment tendance ; il faut dire que les Metal Gear Solid et autres Splinter Cell ont beaucoup marqué l’ère des 128 Bits. Garder son identité secrète le plus longtemps possible et ne pas alerter des gardes armés jusqu’à la cagoule, ça peut quand même aider quand on part au front sans même un canif.
Sydney dispose ainsi d’un mode furtif (marcher subrepticement pour mettre KO un garde), elle peut s’accroupir, se cacher derrière un mur et jeter un petit regard, et revêtir un nouveau déguisement si elle en trouve. Plus utiliser des gadgets comme un interrupteur de faisceaux laser, un pistolet à azote liquide ou un pistolet brouilleur de caméra. Également, elle dispose d’une vue thermique (qui ne sert à rien) et d’une vue « améliorée » permettant de savoir où se trouvent les gardes et les caméras (c’est mieux).
Si elle se fait caler, et ne peut pas trop s’enfuir, reste à employer la manière forte. Notre héroïne peut se défendre avec des combos d’attaque adaptés à l’environnement (fracasser la tête d’un gugusse contre une table, manchettes, planchettes jap, balayages de jambes), esquiver et contrer / désarmer (très efficace), et partir dans des acrobaties comme des roulades et des saltos. Elle peut porter une arme à la fois, soit une mitraillette (la seule arme à feu du jeu, un peu léger peut-être), soit tout objet qui peut faire mal (matraque, hachoir, mais aussi un balai, un bouteille ou un rouleau à pâtisserie). Les combats et armes improvisés sont très fidèles à la série, j’aime bien. Les armes se cassent au bout d’un moment, donc faudra en ramasser d’autres.
Hormis les combats et les phases de pure infiltration, la jumelle d’Elektra devra pirater des systèmes informatiques à l’aide d’un modem à distance (pour le joueur cela signifie trouver un code à 3 ou 4 lettres par tâtonnements, c’est pas mal fait), déverrouiller des portes à l’aide d’un passe, se planquer ou s’échapper dans un temps imparti, trouver des objets ou personnes etc. 3 ou 4 combats contre des « boss » que sont Anna ou Sark sont au programme. Signalons que le joueur aura le loisir de contrôler pour un bref passage l’agent Michael Vaughn.
Un système de points de sauvegarde affreusement nombreux encadre la (rapide) progression, alors que Syd dispose d’une jauge de santé se régénérant automatiquement mais à un rythme bien pensé (pas aussi rapide que les persos de Enter the Matrix, jeu qui a clairement pas mal inspiré les développeurs lui aussi).
…MAIS QUI NE VAUT PAS LA SÉRIE
L’histoire et l’ambiance de la série sont fidèlement retranscrites, aucun doute là-dessus.
Les missions sont bâties sur le même schéma, les protagonistes sont assez finement modélisés et animés, notamment Marshall qui gesticule autant qu’à la téloche, alors que la représentation de l’agent Bristow est franchement bluffante, malgré quelques mouvements parfois trop robotiques.
Les décors et environnements respectent tout à fait ceux du show télé, bien que les graphismes ne soient pas exceptionnels, pas toujours bien détaillés mais corrects quand même. L’aliasing (ben oui, fallait bien en parler pour ce jeu) est plutôt discret par rapport à d’autres titres PS2, les cinématiques apparaissent à une bonne fréquence mais sont de qualité assez quelconque.
Autre point clairement positif : la bande-son, reprenant le thème principal de la série plus des musiques amplifiant joliment le suspense ambiant.
Le travail de doublage y concourt grandement lui aussi. Tant en VO qu’en VF, ce sont les doubleurs officiels qui ont repris le micro, et ils sont vraiment bons. J’aime particulièrement les voix françaises, surtout celle de Sydney (pas trop fan de la voix de Jennifer Garner). Par contre, en français, on déplore un extrêmement lourd manque total de synchronisation labiale pendant les cinématiques ; comprenez qu’on observe un perso bouger la mâchoire pendant parfois 7 ou 8 secondes après qu’il ait fini de parler, une horreur. Voilà ma transition pour parler des aspects négatifs du titre.
Commençons par l’infiltration, qui confine parfois à la mascarade. L’IA est vraiment faible ; les gardes ne sont pas très bien réveillés et ne réagissent pas s’ils tournent la tête pour trouver un de leurs collègues étendu sur le sol, alors que lors de certains passages il semble presque impossible de ne pas se faire caler. Ou alors, on ouvre une porte au moment où un garde la zieute et bam ! vous avez 5 mecs en train de vous canarder alors même que l’écran est obscurci par les tirades de vos potes, en train de vous expliquer le plan génial qu’ils viennent de mettre sur pied pour vous permettre de traverser la pièce discrètement. Réussi… Bon, dans le cas général, vous vous ferez voir assez souvent, mais il suffira alors de mettre à terre les méchants présents dans la pièce, ce qui n’est pas si compliqué. J’oubliais, les développeurs ont tenté une mise en scène à base d’écran splitté lors de certains passages montrant l’angle de vue d’une caméra ou d’un garde ; c’est une bonne idée sur le principe sauf que là, Sydney voit son angle de vue à elle vachement se réduire, et au final on doit plutôt progresser à l’aveuglette. Un comble.
Les combats sont, je dirais, le gros point noir de Alias. Bien que Syd puisse sortir des combos assez jolis, c’est la console qui décide ce que vous allez faire, et la maniabilité est assez désastreuse en phase de combat. Il faudra jouer quelques heures pour commencer à comprendre comment ça marche, notamment pour les esquives et les contres, et même après on a du mal à faire ce qu’on veut. On ne peut par exemple pas utiliser les sauts périlleux ou les roulades en pleine action, ça ne marche jamais. Si se battre contre des mecs portant des armes blanches est gérable et presque fun avec de la pratique, se retrouver face à des fantassins signifie se prendre une bonne raclée sans pouvoir réagir, à moins d’être collée à eux. En plus, Sydney reste parfois allongée au sol pendant quelques secondes avant de se relever. Super frustrant.
La maniabilité générale de Sydney laisse à désirer. Elle ne dispose pas d’un bouton de saut simple, ce qui signifie qu’elle ne peut pas enjamber de petit obstacle ni de laser super fin. Et franchement, quand on est une acrobate accomplie, mettre 10 secondes à descendre un escalier marche par marche, ça fait un peu foutage de gueule.
Toujours au chapitre de l’incohérence, la 1e scène du jeu voit Dixon remettre à une Sydney en tenue de serveuse ultra courte tout un matériel en une poignée de main, dont 4 ou 5 gadgets mais bien sûr pas la moindre arme ; c’est pas comme si tout le monde voulait la trucider.
On reprochera aussi au jeu d’être trop scripté, beaucoup trop dirigiste. Le support radio est intéressant et de toute façon ça fait partie de la série, mais là on a l’impression qu’on vous explique comment tourner une poignée de porte sans même que vous l’ayez demandé. Bref, j’aurais préféré un système comme MGS, où on pourrait réclamer de l’aide quand on est coincé ; qu’on laisse le joueur réfléchir un peu, quoi. Surtout qu’en plus de faciliter la tâche, les interventions de certains sont irritantes. Marshall Flinkman est l’élément comique de la série, mais là il est assez lourd à faire des vannes de geek à toutes les phrases.
En plus d’être dirigiste, le jeu est linéaire ; à part certaines missions, on peut difficilement se perdre ou revenir sur nos pas, sachant qu’un radar nous indique en temps réel par où il faut passer. Avec de surcroit des points de sauvegarde tous les 10 pas (sauf avant un passage où vous allez souvent mourir, comme par hasard), on ne peut que progresser vite. La difficulté est donc assez faible, hormis quelques passages cotons où on ne comprend pas de suite ce qu’il faut faire. Dommage qu’il n’y ait pas plusieurs niveaux de difficulté, où le radar, la vision améliorée et le support radio seraient désactivés par exemple.
Conséquence de tout cela, le jeu se finit rapidement et sa rejouabilité est faible, une fois qu’on connaît l’histoire et ses péripéties. Et ce n’est pas la fin du jeu complètement vide qui vous donnera envie d’y retourner.
RÉSUMÉ
Par rapport à d’autres jeux à licence, l’adaptation de la série Alias se justifie totalement grâce à l’ambiance, au scénario et à l’action présents dans le show. Si l’on retrouve bien tous ces éléments dans le jeu, notamment la charte graphique, la bande-son, le support radio avec doublage des acteurs et quelques rebondissements scénaristiques, il faut bien avouer que Alias n’est pas spécialement plaisant à jouer (pour les déplacements et les combats) et moyennement intéressant (pour le côté infiltration et phases de jeu spéciales), malgré quelques bonnes idées et des gadgets inédits.
À réserver essentiellement aux fans de la série et à ceux de Jennifer Garner, qui est quand même vachement sexy dans ses différentes tenues. Les hardcore fans de « Tactical Espionage Action » peuvent par contre rester batifoler avec Solid Snake et Sam Fischer.
6/10
Le jeu en vidéo : http://www.youtube.com/watch?v=2jR3R-IsxDg