Ah-ah ! Encore un jeu mythique qui a échappé à la vigilance des testeurs d’Emunova ! C’est donc Kenseiden qui va s’y coller… pour son plus grand plaisir, cela va de soi. Car dans la catégorie « jeu mythique », Wolfenstein 3D se pose clairement comme l’un des softs les plus dignes de ce qualificatif puisqu’il s’agit, grosso modo, du premier FPS à avoir vu le jour sur PC. Sans doute quelques spécimens primitifs étaient-ils déjà apparus auparavant mais Wolfenstein fut vraiment le soft qui persuada joueurs et développeurs que le genre avait de l’avenir.
Le héros de l’heure est l’agent B.J. Blazkowicz, un espion allié infiltré au coeur du IIIème Reich afin d’y entraver les projets militaires nazis. Sorti à l’origine en shareware avec un seul épisode composé de 10 levels, la version commerciale de Wolfenstein 3D incluait 6 épisodes pour un total de 60 levels. Les trois permiers d’entre eux faisaient partie du canon « officiel » du scénario. L’agent Blazkowicz devait tout d’abord s’échapper du château Wolfenstein où il était retenu prisonnier. Le deuxième épisode le voyait infiltrer le château Hollhammer afin d’y tuer le Dr Schabbs, responsable du projet visant à créer une armée de zombis pour vaincre les troupes alliées. La troisième mission offrait la possibilité d’infiltrer le bunker situé sous le Reichstag afin d’y éliminer le Führer en personne, ni plus ni moins. Les trois épisodes suivants consistaient en une sorte de data-disk présentant des missions antérieures de l’agent Blazkowicz. « Trail of the madman », « A dark secret » et « Confrontation » prenaient place dans le contexte de la guerre chimique envisagée par les nazis, avant que Blazkowicz ne soit emprisonné au château Wolfenstein. Chacun des épisodes se terminait par un boss surarmé et très résistant, le plus remarquable d’entre eux étant Adolf Hitler dans l’épisode 3, aux commandes d’une sorte de Mechwarrior primitif.
A tous points de vue, ce monument tient bien son rang à la préhistoire du FPS. Dans chaque level, l’objectif est de dénicher une ou plusieurs clés pour ouvrir les portes scellées afin d’atteindre l’ascenseur qui emmènera Blazkowicz au level suivant. Les armes sont en nombre très limité. Au départ armé d’un poignard et d’un pistolet, Blazkowicz pourra ensuite mettre la main sur une mitraillette et une sulfateuse. Au niveau des bonus, le choix n’a rien de cornélien : des cartouches pour continuer à canarder du militaire teuton, de l’énergie sous forme de repas ou de trousse médicale et diverses breloques en argent et en or pour augmenter le score, souvent dissimulées derrière des murs amovibles. La décoration murale, quoique répétitive, fait la part belle à la collection de printemps 40-45 : croix de fer, aigles germaniques, bannières à croix gammées, portraits et vitraux à la gloire d’Adolf Hitler… ce souci du détail, impressionnant pour l’époque, ne fut pas sans causer quelques remous, spécialement en Allemagne où la représentation de la swastika reste interdite, quel que soit le contexte. Quelques butors et autres présentateurs d’émissions télévisées bien de chez nous y perçurent certes une apologie du régime nazi mais si l’imbécilité était guérissable, cela se saurait.
Réalisation graphique :
Evidemment, il faut se replacer 15 ans en arrière pour comprendre l’impact qui fut celui de Wolfenstein 3D en son temps. Objectivement, les ennemis sont peu nombreux (5 au total, plus les boss) et pixellisés, les éléments du décor sont plus nombreux mais ne varient guère au fil des niveaux : difficile de faire la différence entre le Reichstag et le château Wolfenstein ! Quant au sol et au plafond, on en était encore à ce moment au bon vieux temps du ruban coloré de manière uniforme. Néanmoins, toutes ces remarques sont juste bonnes à contenter le pédant avide des derniers polygones vitamino-texturés car en 1992, Wolfenstein 3-D en mettait plein les yeux ! Pensez donc : il s’agissait d’un des premiers jeux où on avait l’impression de « voir » avec les yeux du personnage de manière convaincante. L’animation était au top niveau, de même que les adversaires qui se déplaçaient d’une manière rien moins que crédible pour l’époque. Néanmoins, le manque de variété des levels finissait par provoquer une certaine monotonie visuelle puisqu’on n’avait pas vraiment l’impression de changer d’environnement au fil des épisodes. Une petite déception rattrapée par l’intense plaisir que l’on pouvait prendre à tirer du militaire vert-de-gris à longueur de level.
Jouabilité / difficulté
Rien à signaler… Dans l’ensemble, les FPS se sont toujours caractérisés par une prise en main instantanée et Wolfenstein 3-D a amorcé cette excellence dans le gameplay. Reste que les déplacements sont assez « secs » et mécaniques et pourraient décontenancer ceux qui sont habitués à davantage de souplesse. Avec le grand nombre de levels inclus dans les six épisodes de la version commerciale, la durée de vie de Wolfenstein 3-D est en tout cas assurée.
**Son **
Coups de feu à la sonorité délicieusement kitsch, cris et hurlements en allemand un peu crachotants, et musiques d’ambiance discrètes mais entraînantes. Assez limité en soi mais en 1992, cela suffisait pour créer un sentiment d’immersion plus que probant.
En bref :19/20
Comme toute révolution technique issue d’une autre époque, Wolfenstein 3-D a vieilli… et mal vieilli. Aujourd’hui, on n’imagine plus un FPS dénué de double-tir pour chaque arme, de power-ups, d’ennemis à l’I.A. profondément travaillée et de scènes non-interactives démontrant par A+B qu’on se bat pour une grande et noble cause. Wolfenstein 3-D est réduit à la portion congrue de ce point de vue là. On avance, on tire, on récupère des vies et on essaye de se repérer vaille que vaille dans ces damnés labyrinthes où rien ne ressemble plus à un couloir qu’un autre couloir. Mais pour ceux qui l’ont connu et expérimenté voici 15 ans, Wolf 3-D prend une ampleur toute autre. Il s’agit d’un véritable monument historique, celui par lequel tout est arrivé, l’Alpha et l’Omega du FPS, rien de moins. Même si aujourd’hui, on peut éprouver quelques difficultés à comprendre comment on a pu passer des heures à traquer le conscrit de la Wehrmarcht dans ces couloirs répétitifs au possible, avec comme unique horizon de mettre la main sur deux clés par level, il reste incontestablement le soft dans lequel j’ai le plus apprécié de me perdre au début des années 90, le premier à réellement offrir une impression de solitude et de lutte pour la survie au sein d’un monde hostile. Rien que pour ces innombrables heures à passer et repasser dans les mêmes couloirs en laissant échapper de temps à autre « P….., je suis déjà passé par ici au moins trois fois ! », Wolf 3-D mérite bien cette note d’exception… !