À l’instar d’autres réalisations ludo-éducatives du même genre, Versailles est le fruit d’une collaboration entre un éditeur de jeux vidéo et des instances culturelles, en l’occurrence Cryo Interactive et la Réunion des musées nationaux. Il fut d’ailleurs le point de départ de toute une série de produits du même style signés Cryo, basés tantôt sur l’Égypte ancienne, tantôt sur la Chine impériale. Leur raison d’être était non seulement de proposer un jeu d’aventure classique, mais aussi de faire découvrir de manière réaliste la vie des grands et des humbles en un lieu et à une période de l’histoire donnés. Enfin… disons que dans Versailles, on croisera davantage les premiers que les seconds !
En raison de son mode de représentation, Versailles se rapproche beaucoup des point & click édités par Wanadoo et Microïds de la fin des années 90 au début des années 2000 (Dracula, Necronomicon, l’Amerzone, Syberia, …). Il est d’ailleurs antérieur à la plupart de ces séries renommées, ce qui fit de lui un soft plutôt novateur en son temps. Le joueur se déplace dans le château en écran-par-écran (ou selon une vidéo précalculée dans certains cas) et, une fois immobile, dispose de la possibilité de visualiser son environnement à 360° à l’aide de la souris. Pour le reste, on se situe dans le gameplay traditionnel du jeu d’aventure avec objets à trouver et à utiliser, personnages à interroger et énigmes à résoudre.
Le scénario s’avère quant à lui plutôt intéressant : nous sommes en 1685, alors que la royauté française a définitivement émigré du Louvre vers le palais de Versailles, toujours en chantier. Le personnage que vous incarnerez, le garde royal Lalande, se voit confier une mission par Alexandre Bontemps, premier valet du Roy. Un pamphlet a été anonymement envoyé au monarque. La lettre, rédigée en termes sibyllins et comprenant une référence aux fables d’Ésope, menace à mots couverts sa Majesté et le château de Versailles de destruction. Le temps presse car Bontemps craint que le complot ne soit très proche d’aboutir. Tout au long de cette funeste journée, Lalande devra explorer Versailles de fond en comble, de ses salles les plus animées à ses couloirs les plus secrets, et mener l’enquête à la recherche d’indices qui permettront de confondre l’aspirant-régicide. Au cours de ses pérégrinations dans le château, il croisera la plupart des personnages fameux du Grand Siècle : Monsieur, frère du Roy, Mme de Maintenon, le duc de Condé, le dramaturge Racine, le musicien Jean-Baptiste Lully, l’architecte Mansart, le paysagiste Lenôtre et beaucoup d’autres. L’aventure se découpe en sept chapitres, chacun centré sur un moment de la journée du Roy, qui était, comme chacun le sait, organisée selon un ensemble complexe de règles et de rituels connu sous le nom d’«Étiquette». Les sept chapitres sont donc le Petit lever, la période comprise entre le Lever et le Conseil, celle comprise entre le Conseil et la messe, le dîner, le travail du Roy, la promenade dans les jardins, et la période comprise entre le souper et le coucher.
Afin d’obtenir le visuel et l’atmosphère les plus réalistes qui soient, personnages et décors ont été réalisés sur base de photographies actuelles, de plans et de peintures d’époque. Le résultat était bluffant en 1996 et, même si tout cela a considérablement vieilli aujourd’hui, Versailles propose toujours une représentation du château particulièrement vivante, qui donne un aperçu probant de ce que devait y être la vie quotidienne à la fin du XVIIème siècle et dont le réalisme est encore accentué par l’utilisation de musique du Grand siècle, en majeure partie composée par Jean-Baptise Lully.
Au niveau du gameplay, Versailles prend bien soin de se différencier d’un simple logiciel éducatif ou culturel en proposant une réelle aventure, qui n’a pas à souffrir de la comparaison avec ses alter ego exclusivement dédiés au divertissement. Au cours de cette aventure, nombre d’énigmes feront appel aux connaissances historiques du joueur. Il faudra par exemple choisir parmi quatre médailles celle qui ne représente pas un membre de la dynastie des Bourbons, ou découvrir un code secret en retrouvant les dates de plusieurs événements importants du règne de Louis XIV. Comme vous pouvez le constater, Versailles n’est cependant pas d’une difficulté insurmontable : l’objectif étant ici tout autant d’apprendre que de jouer, il n’aurait servi à rien de concocter des énigmes épouvantablement complexes.
En bref : 16/20
Une réalisation très intéressante et pionnière pour son époque, qui parvient à proposer un équilibre réel entre un véritable jeu et un véritable logiciel culturel. D’ordinaire, la disproportion entre ces deux tendances est inévitable mais avec Versailles, on tient le moyen idéal de se cultiver un peu en s’amusant. Versailles est également nettement plus « luxueux » que les jeux d’aventure qui prirent sa suite. Les férus de jeux d’aventure le boucleront cependant en deux temps trois mouvements, mais les non-initiés pourront sans doute découvrir que les jeux vidéo peuvent être bien autre chose que du tir sur cible humaine ou des plombiers sauteurs.