Partie 2???
C’est environ une année après le monumental Ultima VII – The Black Gate que sort Ultima VII Part 2 – The Serpent Isle du studio Origin. Tout fan de la série est évidemment extrêmement impatient quand un nouvel épisode de sa saga préférée est annoncé. Reste qu’ils auront pu se faire les crocs sur l’excellent Ultima Underworld et sur le moins convaincant data-disk d’Ultima VII, The Forge of Virtue. Evidemment une question se posera immédiatement au profane… Pourquoi Ultima VII Part 2? Pourquoi ne pas appeler ce jeu Ultima VIII, ça aurait été tellement plus logique! Vrai, sauf que… sauf que à la base, The Black Gate et The Serpent Isle ne devaient être qu’un seul et même jeu! Mais le développement d’Ultima VII s’éternisant, Origin a préféré finalement splitter le jeu et en faire deux titres… D’aucun disent que la décision émane en fait d’Electronic Arts, dont on sait que les rapports avec Origin se dégraderont relativement rapidement…
All that we’ve found among Batlin’s belongings was this enchanted scroll and a map showing us the way to a place called… the Serpent Isle!
Je tiens à préciser à ceux qui voudraient jouer à Ultima VII qu’ils devraient sauter le paragraphe suivant, le scénario de Serpent Isle démarrant immédiatement après celui de Ultima VII (ce qui est fort logique étant considérée l’explication ci-dessus).
Les aventures de l’Avatar dans l’épisode précédent se concluent évidemment sur une fin heureuse. Hook, Abraham et Elizabeth tombent finalement sous l’épée justicière de l’Avatar et le Fellowship est démasqué et démantelé sur ordre de Lord British. Plus important, la destruction du Black Gate empêche la venue du Gardien en Britannia. Mais tout n’est pas terminé… Celui-ci, maudissant l’Avatar, promet qu’il aura sa revanche et pire (si on peut dire), Batlin reste introuvable! Les recherches s’organisent et finalement sont découverts un parchemin enchanté accompagné d’une carte de l’Ile du Serpent (Serpent Isle). Le parchemin donne enfin une piste à suivre car le Gardien y donne ses derniers ordres à Batlin : se rendre sur l’île du Serpent et y suivre Gwenno, la femme de Iolo partie là bas pour y poursuivre des recherches. C’est donc avec ses trois compagnons les plus fidèles (Iolo, Shamino et Dupre) qu’embarque l’Avatar, vers les piliers marquant les limites du monde connu.
Votre arrivée ne se fera pas sans douleur… alors que votre navire, pris dans un étrange orage fait naufrage et que vous vous retrouvez sur les côtes occidentales de l’île. Etrange orage, votre majestueux navire est tellement enfoncé dans la terre qu’on jurerait qu’il a volé! Vous vous rendez rapidement compte que ces orages sont de caractère magique alors que vos amis, frappés les uns après les autres par la foudre disparaissent tout simplement et que votre équipement (dont la fameuse épée acquise à l’issue de The Forge of Virtue) est remplacé par des objets tous aussi inutiles les uns que les autres : une urne funéraire, une paire de pantoufles, une main de cadavre… Vous ne tardez pas non plus à être abordé par une nonne vous expliquant que vous faites partie d’une prophétie et que votre venue n’a rien d’un hasard. Elle est rapidement attaquée par un moine du même ordre qu’elle mais qui visiblement ne poursuit pas des buts différents… Bref la situation est bien complexe… En sus de votre mission initiale, vous devez découvrir ce qui est advenu de vos compagnons, retrouver votre équipement et démêler les fils de cette prophétie. L’Avatar, tout l’art de se mettre dans les ennuis jusqu’au cou!
Ca change pas beaucoup!
Ceux qui ont en effet joué à l’épisode précédent ne mettront pas deux minutes à s’acclimater : il était prévisible que le jeu ne changerait pas fondamentalement… On retrouve ainsi strictement la même interface plein-écran que dans Ultima VII. Toutes les commandes se font à la souris : un double clic gauche pour utiliser un objet, parler à un NPC ou ouvrir la fiche d’un personnage de l’équipe, le bouton droit servant à se déplacer. Vu que les deux jeux partagent exactement le même moteur, on ne s’étonnera pas de l’énorme interactivité possible avec les divers objets. Tout ou presque est utilisable : métier à tisser, instrument de musique etc. C’est un des avantages indéniables de ce jeu, on passe son temps à essayer d’utiliser tout ce qui passe sous la main.
Les combats eux-mêmes se déroulent strictement de la même manière, il suffit d’activer le mode combat dans la fiche de l’Avatar et le jeu se débrouille tout seul, le joueur n’ayant guère qu’à modifier le comportement de tel ou tel personnage dans sa feuille d’état. Il est bien dommage qu’Origin n’ait pas essayé d’un peu améliorer ce côté du jeu, vu que c’était le gros point noir de l’opus précédent… D’autant que si la faune est variée (bien que Serpent Isle soit particulièrement infestée de gobelins), les adversaires sont bien peu combatifs… On aura cependant droit à des combats parfois un peu plus haletants, durant lesquels on est submergé de monstres. Cela dit, si l’Avatar tombe durant un affrontement, cela ne signifie pas le game over : l’équipe est simplement téléportée sur l’île des moines où le héros sera soigné puis pourra retourner d’où elle venait. Ca semble relativement peu palpitant mais il faut noter que Serpent Isle s’axe très clairement vers le côté aventure et développement de l’histoire plutôt que sur le côté « action » (notez les guillemets :p ).
Comme dans tout bon jeu de rôle, la magie est également au rendez-vous et comme on ne change pas une recette qui gagne, les sorts se lancent toujours grâce à un livre de magie dans lequel sont inscrits les sorts que vous connaissez (répartis sur neuf ou dix cercles de puissance). On retrouve les classiques sorts d’attaque comme la boule de feu ou l’éclair, sorts qui sont finalement relativement peu utiles, les combats n’étant comme je vous l’ai décrit plus haut, assez peu difficiles dans leur grande majorité. On se servira essentiellement des sorts de guérison et des sorts divers comme la lumière. Pour lancer un sort, il est nécessaire non seulement d’en disposer dans le grimoire (on trouve en assez grand nombre des parchemins) mais également de posséder les ingrédients nécessaires au lancement. Ce système étant présent depuis fort longtemps et étant une des particularités de la série, on ne s’étonne pas de retrouver les sempiternels aulx, toiles d’araignée, mandragores et autres cendres sulfureuses. Quelques nouveaux ingrédients font également leur apparition comme les coeurs de ver ou les écailles de serpent.
Terra Incognita!
Et oui, car si nouveauté il y a, c’est bien celle là : pour la première fois, les aventures de l’Avatar ne se déroulent pas dans Britannia/Sosaria. Là où les vétérans de la série savaient pertinemment où se trouvaient de manière plus ou moins précise Trinsic ou Shame, c’est un nouveau monde que vous devrez découvrir. Et en terme de richesse, Serpent Isle se montre à la hauteur. Le monde est sensiblement de même taille que celui de Britannia (c’est-à-dire de fort belle superficie), peut être un peu plus petit mais bien des endroits sont difficilement accessibles et les allers-retours sont nombreux. Ainsi la partie nord, au-delà des montagnes sont particulièrement difficiles d’accès et mieux vaut s’y aventurer avec l’équipement adéquat… Heureusement un artefact vous permettra de vous déplacer plus aisément à différents points de l’île. Par contre il m’a semblé qu’il y avait moins d’endroits secrets à découvrir mais peut être suis-je passé à côté de la plupart d’entre eux…
On trouve trois villes sur Serpent Isle. C’est moins que les 8 cités de Britannia mais elles sont de belle taille et bien des choses sont à y faire. Bien entendu les habitants n’y vénèrent pas les Vertus mais elles ont chacune leur valeur de prédilection. Ainsi la première ville que vous rencontrerez, Monitor, est une cité martiale où le pouvoir se partage au sein d’un triumvirat guerrier (les Loups, les Léopards et les Ours). Chacun de ces clans a d’ailleurs une utilité. Ainsi les Loups sont les tacticiens dirigeants les opérations à l’encontre des hordes gobelines en dehors de la ville alors que les Ours s’occupent de la défense de la communauté. La seconde ville, Fawn, vénère la Beauté. Le raisonnement est des plus simpliste : ce qui est laid ne peut être bon… Je vous laisse méditer sur l’abyssale profondeur de cette philosophie… :p La dernière ville, Moonshade est la ville des Mages. Comme on le sait, les Mages aiment bien rester entre eux et ne pas être ennuyés par les quidams aussi leur ville est elle la plus isolée… Dans tous les cas, vous vous rendrez vite compte que c’est l’intrigue, la conspiration et la méfiance qui dirige chaque ville alors que leur monde est au bord de l’effondrement… Vous vous doutez bien que vous serez amené à y faire un peu de ménage avant que…
En plus de ces villes on trouvera une grande variété de lieux intéressants, du campement de mineurs à l’antique château… Au cours des pérégrinations, on apprendra beaucoup sur l’histoire de la contrée et ses habitants (et aussi un peu sur vos compagnons). Et notamment sur ces mystérieuses ruines arborant des serpents (d’où le nom de l’île) éparpillées un peu partout, les ruines de la puissante et antédiluvienne civilisation ophidienne. Je ne vous en dirais pas plus cela étant lié à l’intrigue principale. Encore une fois, tout le génie d’Origin réside en l’xcellente construction d’un univers très complet. Le monde est rempli de lieux très intéressants, l’intrigue est complexe à souhait avec de nombreux éléments s’entremêlant et les NPC particulièrement nombreux ne sont pas la pour la décoration. Ils ont leur rythme de vie : dorment la nuit, travaillent le jour, mangent à heure fixe, vaquent à leurs occupations. Ils ont aussi chacun une personnalité marquée et certains ne vous laisseront certainement pas indifférents, qu’ils soient charismatiques, antipathiques ou tout simplement… étranges. En tous les cas ils ont souvent bien des choses à dire et ont parfois besoin de votre aide, une aide que vous leur pourvoirez certainement car pour tout don, il y a juste retour. Bref on est pas dans un de ces RPG où on croise des personnages vous répétant à tue-tête la même phrase à deux francs et poirotant toujours au même endroit même si c’est l’heure de la tambouille. De fait, vous comprendrez qu’outre les nombreuses choses liées à l’intrigue principale, les quêtes plus ou moins secondaires sont nombreuses. Par contre les NPC susceptibles d’être recrutés sont assez peu nombreux… J’ai relevé deux Monitoriens et un mage de Moonshade… Certains événements entraîneront aussi des bouleversements importants (par exemple, Dupre est parfois très très con… si, si, il est certes d’une fidélité inébranlable, il n’en reste pas moins un sombre crétin quand il s’y met…). Il y en a d’ailleurs que bien peu pourront prévoir tant ils sont inattendus…
Autant on a dit que les combats sont fades autant les énigmes sont parfois retorses, d’autant qu’une exploration rigoureuse est parfois nécessaire et que comme dans la plupart des jeux de la série, c’est un NPC qui vous donnera souvent de manière plus ou moins masquée la clef de la progression…
Un jeu non terminé
Il y a tout de même une chose qui gène un peu dans cet épisode quand on regarde bien c’est qu’on a la sensation pd’un jeu pas tout à fait terminé… Par exemple, la quête consistant à retrouver Cantra apparaît de prime abord comme tout à fait centrale et pourtant elle finit un peu en eau de boudin… On remarque aussi ce grand portail doré dans les Skullcrusher Mountains barrant le chemin et qui restera désespérément clos… Activons les cheats (oui je sais, c’est pas bien, bla bla… mais bon, c’est pour les besoins de la Science, Monsieur!! :p ), téléportons nous derrière ce portail et suivons le couloir qui nous mène à un escalier que nous descendons, hardis que nous sommes! « Monjoie!!! Pour Nosy- heu Lord British!!! », hurlons nous, l’épée à la main et le couteau entre les dents, prêts à affronter moult farfadets et trolls des cavernes… Et là… rien. Non rien, même pas un décor. On peut rengainer l’épée démoniaque, ranger le fouet de feu et le casque à coups de boule. En trifouillant dans les binaires du jeu on trouve paraît-il des dialogues n’apparaissant jamais dans le jeu… L’explication est là et vous l’aurez peut être compris, il semble bien que le développement du jeu s’éternisant trop, il a été décidé de l’écourter… A quel point on ne pourra jamais le savoir mais on remarque qu’il y a tout de même quelques endroits qui ont commencé à être implantés mais auxquels on a finalement bouché l’accès, faute de temps pour les terminer… Ca reste peu gênant cela dit car le jeu reste très bien construit et n’en perd pas pour autant en intérêt. J’ai cependant ouï dire que certains se sont retrouvés définitivement bloqués après avoir parlé au Hiérophant du Chaos plus tôt que prévu… Il y a effectivement une erreur de script à cet endroit (ce personnage revient alors qu’il est sensé disparaître définitivement après qu’on lui ai parlé) mais personnellement je n’ai pas eu ce problème.
Parlons technique
Ce n’est pas au niveau technique que Serpent Isle se démarque de son grand frère… Les graphismes en VGA restent quasiment identiques. Riches en détails et colorés, les décors ne semblent toutefois pas avoir évolués. Il en est de même des sprites. On remarque juste l’apparition d’objets qui n’existaient pas auparavant et le visage des personnages quand on leur parle, beaucoup plus réalistes et jolis! Ca reste néanmoins très joli, ce qui prouve qu’un an après sa sortie, le moteur d’Ultima VII était toujours à la pointe tant du point de vue esthétique que de l’interactivité avec l’environnement, d’autant que le jeu est en full-screen ce qui n’était guère fréquent à l’époque. L’animation n’a également guère évoluée. Mouvements peu décomposés et scrolling laborieux sont le lot du joueur mais il faut dire que le jeu était très gourmand à l’époque… Origin ne pouvait pas assurer un tel résultat visuel en maintenant une animation fluide, qui est dans ce genre de jeu relativement secondaire… Au niveau sonore, on retrouve les thèmes classiques des Ultima c’est-à-dire des mélodies généralement très réussies, surtout pour peu qu’on ait eu le privilège à l’époque de posséder une vraie carte MIDI. Elles comblent de manière efficace des bruitages en général assez discrets. La grande force du jeu réside, vous l’avez déjà compris si vous avez lu ce qui précédait, dans son excellent gameplay et sa durée de vie très conséquente.
Bref Ultima VII Part 2, malgré un manque de finition et un manque de différenciation par rapport à son grand frère mérite largement sa place dans la série de RPG par excellence et est un titre proprement exceptionnel. Ceux qui connaissent la série connaissent déjà sa valeur et n’ont guère besoin de ce test pour avoir leur idée, les fans de RPG privilégiant un univers riche et un monde réaliste seront aux anges. Ceux qui par contre n’aiment pas les jeux où il faut lire et longuement explorer seront peut être rebutés par l’importance des prépondérante des dialogues. Je n’ose imaginer ce que ce jeu aurait donné si le développement avait été achevé…
The Silver Seed
Tout comme pour The Black Gate, un data-disk est sorti pour Ultima VII Part 2 et se nomme The Silver Seed. Assez court, il est néanmoins bien plus agréable à jouer et plus intéressant que l’assez tristounet Forge of Virtue. Il s’agit ici de partir dans un voyage dans le temps, dans les décennies précédant la chute de la civilisation ophidienne. Il s’agit de retrouver la graine d’argent et de la replanter afin de rendre vie à l’arbre sacré, restaurant ainsi l’équilibre de ce monde. L’intérêt réside surtout en l’enseignement qu’il apportera au sujet des ophiliens : de ce point de vue, il est très instructif et renforce encore l’immersion dans cet univers. Mais les énigmes et les épreuves qui vous attendent restent somme tout assez classiques. C’est donc un bon complément au jeu.
Ultima VII Part 2 et les PC actuels
Non, ne rêvez pas, vous ne pourrez pas faire tourner Ultima VII en natif sur un PC actuel… C’est simple, déjà à l’époque sur MS Dos, le jeu était une plaie à faire fonctionner, plus encore que Ultima VII… Pour être tout à fait exact, je ne connais pas de jeu plus pénible à lancer puisqu’il nécessitait carrément dans 99% des cas l’usage d’une disquette de boot ou d’une configuration spéciale du DOS dans un menu de démarrage! Heureusement on pourra se servir d’Exult, une machine virtuelle permettant de jouer à ce jeu dans d’excellentes conditions sous Windows, Linux, MacOS, Zaurus ou AmigaOS. Il apporte même des filtres graphiques et sonores ainsi que la possibilité de lui adjoindre des packs de musiques retravaillées améliorant grandement l’ambiance sonore du jeu! Par contre Exult nécessite les binaires du jeu.
Exult est disponible sur SourceForge : http://exult.sourceforge.net/
Autre chose, Ultima VII Part 2 n’est sorti qu’en Anglais (il semble qu’il existe une VF extrêmement rare). Malheureusement, vue la somme de dialogues, cela ne manquera pas de frustrer les moins anglophones d’entres vous. Heureusement, il existe une traduction non-officielle dirigée par Artaxerxes et Klown Killer pour Windows et Linux que vous trouverez ici : http://si-french.sourceforge.net/index.php?lang=fr
Avec tout ça vous n’avez plus d’excuse pour ne pas y jouer! ;)