Tomb Raider par ci… Tomb Raider par là… Durant la seconde moitié des années 90, on n’entendait plus parler que de ce pendant féminin des aventures d’Indiana Jones. Mario paraissait soudain bien grabataire dans son rôle de face visible des jeux vidéo dans les médias généralistes à destination du profane. Quant à Sonic, il connaîtrait bien vite le destin commun à tous les hérissons persuadés de leur propre invulnérabilité, sous les roues d’un véhicule nommé Sony. Lara Croft était LA nouvelle star des jeux vidéo : une jeune femme sans peur et - presque - sans reproche, une héroïne obstinée, ultra compétente dans tous les domaines, un brin arrogante et gaulée comme une statue antique. Une aventurière indécrottable aussi, qui renvoyait le vénérable Indy à un rôle de gardien de musée. Quatre opus s’étaient succédés, mettant la belle héroïne aux prises avec les mystères oubliés des antiques civilisations humaines. Dans ce Tomb Raider Chronicles, l’égérie marketing la plus rentable des nineties tient à nouveau le premier rôle de - ou plutôt des - aventures proposées ici. Elle porte également sur ses épaules galbées le témoignage d’une vision ludique à bout de souffle qui, au lieu de se renouveler, tentait une fois encore de soutirer quelques billets aux fans pas trop regardants sur la marchandise.
A la fin du quatrième épisode, « La révélation finale », Lara disparaissait dans les sables du Sahara pour sauver la vie de son mentor et rival Werner Von Croy. On aurait pu clôturer là une saga qui commençait à montrer certains signes d’essoufflement. Mais c’était sans compter la vénalité des cadres d’Eidos pour qui le moindre frémissement poitrinaire de leur personnage-phare possédait toujours la potentialité d’engranger des sommes à six zéros. Donc, Lara est présumée morte et dans le pluvieux village anglais où l’aventurière possédait son manoir, la scène d’introduction nous montre l’enterrement à vide et l’hommage émouvant à la célébrité locale. De retour au manoir, les plus proches amis de Lara s’installent confortablement dans le salon et évoquent la mémoire de la chère disparue, sa personnalité inoubliable et surtout, quatre de ses plus brillantes aventures. Ce sont donc les souvenirs de quelques pique-assiettes qui serviront de trame de fond à cette nouvelle série de galipettes et de duels au pistolet made in Core Design. Mais bon, vous leur rendez service après tout : pendant que vous jouez (et que donc, théoriquement, dans l’univers du jeu, ils racontent l’histoire), ces profiteurs en profitent pour vider la réserve de Brandy, faire main-basse sur les cigares et dévaliser les petits biscuits Saint-Michaels.
La première de ces quatre mini-aventures se déroule à Rome, dans une cité que la magie antique ne semble pas avoir tout à fait déserté. Un duo de chasseurs de trésors franco-américain investit les catacombes et les ruines de la ville éternelle pour s’emparer de la pierre philosophale.
Changement de décor pour la seconde aventure : c’est une Lara chaudement habillée qui se faufile sur les docks d’un port du Grand Nord. Cette fois, l’adversaire est un parrain de la mafia russe et l’objet de toutes les convoitises est la « Lance de la destinée », celle avec laquelle Joseph d’Arimathie perça le flan du Christ. Ce terrible artefact reposerait dans l’épave d’un sous-marin nazi, naufragé d’une manière inexpliquée alors qu’il convoyait la relique.
Retour dans le temps pour la troisième aventure : Lara, toute jeune adolescente, explore une île hantée au large de l’Irlande. Niveau assez particulier puisque Baby Lara ne dispose d’aucune arme et, plus perturbant encore, possède deux tresses !
Enfin, le dernier récit consiste à infiltrer le Q.G. de haute-sécurité de Werner Von Croy, avec une ambiance à mi-chemin entre Mission Impossible et Matrix.
De façon assez prévisible, Tomb Raider Chronicles ressemble à ses prédécesseurs, et offre une succession de mécanismes à actionner, d’objets à dénicher, des sauts précis de plate-forme en plate-forme, de déplacements prudents dans des galeries, des tunnels sous-marin ou des couloirs truffés de pièges et d’ennemis humains et animaux à flinguer à bout portant. Bref, tout ce qui fait le quotidien de l’aventurière un peu trop curieuse. Au niveau des réelles nouveautés, Tomb Raider Chronicles se montre malheureusement plutôt pingre. Les armes n’ont pas évolué depuis les épisodes précédents et seules quelques rares nouvelles capacités ont été ajoutées à celles qui existaient déjà. Lara peut maintenant jouer les funambules sur une corde tendue, se livrer à quelques acrobaties une fois accrochée à une barre fixe et se plaquer aux murs pour mieux surprendre ses ennemis, mais il n’y a pas là de quoi révolutionner le gameplay (excepté dans le dernier niveau). Il est également possible de combiner certains objets dans l’inventaire.
Réalisation technique :
On ne mettait pas deux minutes, même à l’époque, pour constater que Tomb Raider Chronicles était un jeu un peu indigent techniquement. D’un point de vue graphique, Tomb Raider Chronicles n’est pourtant pas inférieur aux autres jeux de la série. Les quatre aventures proposées offre un large panel de décors. Que l’on soit dans les catacombes de Rome, dans le sous-marin en perdition ou dans les sinistres collines irlandaises, Lara verra du paysage, c’est le moins qu’on puisse dire, et c’est déjà plus varié que l’épisode précédent, un peu trop centré sur une atmosphère égyptienne. Non, le problème est que, toutes modifications superficielles mises à part, le moteur de Tomb Raider Chronicles n’a pas changé depuis le premier jeu. Avec la pratique, les développeurs étaient certes arrivés à en faire quelque chose d’élégant mais l’évolution technologique du matériel PC avait évolué un poil plus vite ! On se retrouve donc face à un jeu qui, techniquement, aurait été très réussi en 1998, mais qui faisait pâle figure en 2000. La plastique de Lara a été relativement soignée (encore heureux …) mais il n’en va pas de même pour ses adversaires : à de rares exceptions près, les créatures animales ou magiques sont plutôt anecdotiques et les ennemis humains sont grotesques. On ressent tout particulièrement cette faute de goût dans les quelques séquences scénaristiques non interactives qui émaillent l’aventure. Dans la première mission à Rome par exemple, Pierre et Larson (les deux chasseurs de trésors) sont tout simplement grotesques avec leur physionomie de Playmobil, leurs mains hypertrophiées et leur visage géométrique et figé. Les décors et les constructions elles-mêmes conservent la structure très géométrique commune à tous les épisodes de la série mais les textures sont suffisamment réussies pour donner le change. Pour ne rien arranger, l’animation n’est pas exempte de bugs et de caméras mal gérées. On n’atteint pas le niveau cataclysmique de Tomb Raider III mais il est néanmoins dommage que les programmeurs n’aient pas résolu ce problème récurrent dans la série. Les mouvements de Lara sont heureusement toujours aussi classe mais là aussi, on est légitimement moins impressionné que par le passé. Les autres caractéristiques de Tomb Raider Chronicles sont restées identiques à ce qu’elles étaient par le passé : une ambiance sonore correcte mais pas extraordinaire et une maîtrise du personnage toujours aussi particulière qui nécessite un certain apprentissage du moment crucial où il faut sauter pour éviter la chute mortelle une dizaine de mètres plus bas. La routine pour ceux qui ont l’expérience des Tomb Raider, l’enfer pour les nouveaux venus. Dire que ce cinquième opus fait du sur-place ne me parait pas impensable…
En bref : 13/20
Tomb Raider Chronicles est un jeu que sa technique passéiste et son manque d’originalité rendent assez peu attrayant de prime abord. Vu son manque de nouveautés, il évoque parfois un ensemble de mods qui auraient été réalisés par des joueurs particulièrement compétents. Néanmoins, les quatre aventures disponibles proposent quand même des atmosphères et un gameplay assez variés : classique pour le premier stage à Rome, stressant et centré sur le timing pour la Sibérie et le sous-marin, davantage tourné vers les passages de plates-formes pour l’île hantée et sur l’infiltration pour la dernière mission. Tomb Raider reste ce qu’il est, à savoir un jeu à l’ambiance sympathique et au challenge élevé, et les fans de la première heure prendront malgré tout un certain plaisir à boucler la douzaine de nouveaux stages dans laquelle se retrouvera projetée leur héroïne. Néanmoins, ce cinquième opus laisse l’impression d’avoir été réalisé à la va-vite, histoire de pouvoir profiter une dernière fois de l’aura de la série avant que l’entièreté du public ne se rende compte de la supercherie, et qu’il faille se mettre sérieusement au travail pour renouveler le principe du jeu. Alors que le premier épisode était un jeu révolutionnaire et avant-gardiste, ce cinquième opus ne donne vraiment pas envie de suivre les traces de Lara Croft et se retrouve en queue de peloton des jeux PC, au niveau technique comme au niveau ludique.