A date fixe, il est de coutume de ressortir des cartons de grands jeux du passé afin de délester l’amateur moyen de jeux vidéo de quelques euros supplémentaires. Et, juste au cas où vous auriez loupé une étape, cette année 2007 marque le dixième anniversaire de la sortie de Tomb Raider, le fameux hit qui a bouleversé tout à la fois les bases du jeu d’action/plates-formes micro et la place de la femme dans les jeux vidéo. Cependant, plutôt que de nous refourguer un best-of ou une Collector Edition à prix budget avec l’un ou l’autre gadget en rab’, Eidos a décidé de marquer réellement le coup. Dans le cas de ce Tomb Raider Anniversary il s’agit, ni plus ni moins, du remake de l’épisode fondateur de la série, relooké par la grâce du superbe moteur graphique utilisé par Tomb Raider Legend. Ce dernier épisode avait littéralement ressuscité l’intérêt pour cette série qui, depuis au moins deux épisodes, ne montrait pas seulement des signes d’essoufflement mais se trouvait carrément sous assistance respiratoire.
Retour dix ans en arrière : l’univers Croftien, loin d’être aussi élaboré qu’il l’est aujourd’hui, se résume au constat d’existence de Lara, richissime héritière britannique qui, plutôt que d’aller jouer au bridge pour tuer le temps, préfère crapahuter aux quatre coins de la planète à la recherche d’anciens artéfacts de civilisations disparues. Sans même prétendre que « leur place est dans un musée », Miss Croft passe ensuite son temps à les entreposer dans son luxueux manoir de style Tudor. Cette fois, Lara est chargée par la puissante Jacqueline Natla de mettre la main sur les différents segments du Scion de l’Atlantide, une relique autrefois dissimulée dans différentes parties de la Terre par de puissants seigneurs Atlantes. Le Scion ayant joué, chez le père Croft, plus ou moins le même rôle que le Saint-Graal chez le père Jones, Lara se jette à corps perdu dans cette nouvelle aventure, afin d’accomplir de manière posthume le plus cher désir de son géniteur. Au fur et à mesure de ses pérégrinations, Lara va découvrir que le Scion possède une puissance inimaginable et que la mère Natla semble jouer un inquiétant double-jeu avec elle… comme si elle souhaitait éliminer Lara une fois les reliques exhumées. Les Atlantes n’auraient-ils pas tous disparu durant le cataclysme qui frappa jadis leur cité ?
Premier constat sympathique : l’équipe de Crystal Dynamics ne s’est pas simplement contentée de reprogrammer le hit de 1997 en le dotant d’une esthétique plus conforme à l’évolution de la technologie à une décennie d’intervalle. Les vieux briscards qui avaient pratiqué le premier Tomb Raider en son temps me confirmeront que, tout révolutionnaire et innovant qu’il ait été, ce jeu historique restait tout de même salement frustrant à plus d’un titre. Principale amélioration de fond par rapport à la version originale : la jouabilité a été modifiée – simplifiée, diront les plus Hardcore Gamers parmi vous – et bondir de plate-forme en plate-forme sans se viander 20 mètres en contrebas devient dès lors moins énervant. Lara dispose à présent de toute la panoplie de mouvements qu’elle possédait dans le très réussi Tomb Raider Legend : salto arrière quand on s’accroche à une paroi, mouvement latéral rapide lorsqu’on est accroché à une aspérité, saut latéral dans la même position pour pouvoir se raccrocher à une autre aspérité de l’autre côté d’un gouffre, utilisation du grappin lorsqu’il faut franchir un vaste précipice, … Les possibilités de progresser sans accident fâcheux ont été considérablement améliorées en 10 ans ! De même, le système de saut a été revu et corrigé et s’avère là aussi proche de ce qu’on avait découvert avec un sourire béat dans Tomb Raider Legend. Oubliez ces acrobaties millimétrées, ces commandes qui ne réagissaient que si on avait appuyé sur le bouton à la seconde près et ces hurlements de rage qui vous montaient des entrailles lorsque Lara se cassait la figure dans le dixième gouffre garni de pointes alors que vous lui aviez fait franchir les neuf premiers sans reprendre votre respiration ! Tout est à présent beaucoup plus intuitif, plus conforme au gameplay réussi d’un spécimen console et le jeu « corrigera » souvent vos maladresses, par exemple en instaurant un accrochage automatique à la plate-forme d’en face. Au niveau des armes, on retrouve les quelques pétoires de la version d’origine : double pistolets à munitions illimitées, fusil à pompe, double uzis et double calibre .50. Quant aux véhicules, il faudra attendre une hypothétique version relookée de Tomb Raider II pour pouvoir en bénéficier !
Compte tenu des nouvelles possibilités de Lara, les niveaux ne sont évidemment pas rigoureusement identiques à ce qu’ils étaient à l’origine. Rassurez-vous, les environnements n’ont pas été modifiés : on jouera toujours à l’Indiana Jones en jupon à travers des ruines incas, gréco-romaines, égyptiennes et atlantes. Mais l’architecture des décors a bien évidemment été affinée afin que Lara puisse mettre en pratique ses toutes nouvelles capacités de gymnaste est-allemande. Dans l’ensemble, les niveaux sont plus complexes, nécessitent davantage d’acrobaties diverses pour être domptés et sont moins répétitifs. Quelques scènes sont également différentes : par exemple, avant de retrouver le légendaire tyrannosaure de la Vallée perdue dans les Andes, Lara devra se coltiner une pleine meute de vélociraptors ! Plutôt que de laisser le joueur négocier l’affaire avec ses deux pistolets et les rouler-bouler à effectuer au dernier moment, l’affrontement prend la forme d’une cinématique de très grande classe, dans laquelle il faudra appuyer au bon moment sur un bouton en suivant les instructions à l’écran. Si ce choix peut paraître destructeur de gameplay, une fois dans le feu de l’action, on n’y fait absolument plus attention et ces séquences, finalement peu nombreuses, s’insèrent à merveille dans la progression. Quelques zones dans certains stages ont été coupées au montage, principalement parce qu’elles n’apportaient rien à la progression si ce n’est une succession de difficultés supplémentaires. Enfin, vu la présente possibilité de truffer le jeu de vidéos et autres sons le scénario a été considérablement affiné et les moments forts seront soulignés par des cinématiques pourvues d’une certaine tension dramatique.
Réalisation graphique :
Quelle claque quand on garde à l’esprit quelle était la réalisation du premier Tomb Raider. Tout aussi fin et détaillé que Tomb Raider Legend (ce qui n’en fait pas, loin s’en faut, le plus beau jeu sur PC, mais demeure quand même un soft plus que correct à ce niveau), Tomb Raider Anniversary est une franche réussite. On s’en rend d’autant plus compte que les différents environnements sont bien connus. L’architecture monumentale des décors souhaitée à l’origine par les développeurs trouve enfin, dix ans plus tard, un écrin à sa mesure. Chaque niveau traversé déclenche son lot de réminiscences enthousiastes : « L’eau de la cascade est plus crédible, non ? » ; « Tu as vu ? L’ours a perdu son dos raboté à angle droit ! » ; « Brrr, le dinosaure, on dirait un vrai ! « . Les jeux d’ombre et de lumière et les reflets de l’eau sont tout simplement magnifiques, Lara est polygonée comme vous ne l’avez jamais vue, les adversaires ont vraiment de la gueule, l’animation est souple à souhait et les bugs graphiques sont extrêmement rares. Crystal Dynamics a réellement pris sa tâche à cœur pour ce liftage et on peut lui adresser un immense « merci », tout simplement.
Jouabilité/difficulté :
Oubliez la difficulté et l’imprécision des premiers Tomb Raider : ce Tomb Raider Anniversary s’inspire directement du gameplay de Tomb Raider Legend. Autrement dit, le soft vous aide beaucoup dans vos acrobaties et si le léger sentiment d’imprécision dans les commandes est toujours de mise, c’est le plus souvent à votre avantage. Qui plus est, le panel de mouvements plus étendu facilite grandement les choses. Néanmoins, on note quand même une différence importante par rapport à Tomb Raider Legend. Là où ce dernier offrait une progression très découpée divisée selon une succession de courtes séquences (acrobaties pendant 5 minutes, puis action pendant la même période, puis course en moto, puis séquence interactive, et ainsi de suite…), Tomb Raider Anniversary reprend – c’est logique – le gameplay d’origine. A savoir des stages assez étendus, peu d’ennemis mais des plates-formes et des mécanismes à actionner en très grand nombre. Ce système plus traditionnel augmente la durée de vie mais aussi la difficulté de ce premier/dernier épisode de Tomb Raider.
Son :
La routine : des bruitages de qualité, des mélodies bien connues qui résonnent au moment où le besoin s’en fait sentir et surtout, une Lara beaucoup plus bavarde qu’à l’origine, qui nous fait perpétuellement partager ses tourments intimes.
En bref : 17,5/20
Je l’avoue, je suis hyper fan des relookages en tous genres. Ça a commencé avec Mario All-Stars, ça s’est poursuivi avec Super Metroid, et je pousse même le vice jusqu’à vénérer les jeux Sega Ages sur la Playstation 2 ! Parce que bon, quand vous avez passé des heures et des heures à tenter de boucler un jeu, ça fait mal de le voir vieillir. C’est encore pire lorsque l’intéressé avait comme vocation de vous en mettre plein la vue et qu’au fil des années, vous remarquez de plus en plus ses rides, ses côtes saillantes, ses genoux cagneux et sa mauvaise haleine. Imaginez un peu, en 2007, ce qu’a pu provoquer chez moi l’idée de rejouer à un des softs les plus marquants de la seconde moitié des années 90, lifté juste ce qu’il faut pour qu’il ait l’air d’être sorti la semaine dernière ! Le premier Tomb Raider était un jeu grandiose et cette réactualisation lui fait honneur, sans compter que son excellence technique lui donne enfin la majesté qu’il mérite. De plus, les modifications parcimonieuses apportées au gameplay et à la progression font de cette édition Anniversary un jeu « presque neuf », qui parvient à générer de la nostalgie tout en offrant un nouveau challenge à ceux qui maîtrisaient à 100% l’ancienne version. Quoique doté d’un gameplay un rien plus vieillot et d’un esprit moins « Hollywoodien » que Tomb Raider Legend, Tomb Raider Anniversary n’en reste pas moins l’un des meilleurs opus de toute la série.