Les beat them up sur PC n’ont jamais été légion. Aussi, quand Adeline Software, géniteur des deux fabuleux programmes qui constituent la série des LBA, s’y colle, il avait de quoi saliver d’impatience. Et effectivement, si Time Commando n’est pas le meilleur programme jamais conçu par la société française, il demeure un des jeux d’action les plus originaux et attachants qui soient, tous formats confondus. Qui plus est, le scénario a visiblement fait l’objet de furieuses cogitations de la part des développeurs, alors qu’il est d’ordinaire si simple d’orchestrer le kidnapping d’une frêle créature sans défenses pour justifier tout déferlement vidéoludique de violence aveugle.
Voyez plutôt : dans un avenir proche, les forces armées européennes prévoient d’entraîner leurs troupes d’élite sur un simulateur ultra perfectionné qui placerait ses utilisateurs dans divers contextes historiques remplis de bots hostiles, avec comme mission de rester virtuellement en vie en combattant avec des armes adaptées à l’époque visitée.
Bien évidemment, la concurrence est rude entre les diverses sociétés en lice pour remporter l’appel d’offres, et les coups bas sont légion. C’est justement dans la multinationale du personnage principal qu’éclatera le plus grave bug de l’histoire informatique. En pleine séquence de beta-test de nouvelles créatures virtuelles, un programmeur félon à la solde d’une firme concurrente introduit un virus dans le serveur central. Le bug provoqué est au delà de toutes ses espérances, puisqu’un genre de vortex s’ouvre soudainement entre le monde réel et celui du simulateur, aspirant au passage la responsable principale du projet.
Pendant ce temps, Stanley, modeste vigile de l’entreprise, glandouille dans son bureau (en jouant à Time Commando sur sa console portable d’ailleurs !). Quand l’alerte retentit, notre homme a toute juste le temps d’enfiler l’étrange combinaison en lycra jaune des vigiles de l’époque avant de se précipiter sur les lieux du désastre. La suite est cousue de fil blanc : un Stanley intrigué glisse la main à travers la surface liquide du vortex glouton et se retrouve lui aussi projeté dans les entrailles du logiciel, plus précisément vers un âge préhistorique fidèlement reproduit.
Stanley devra survivre à 8 époques virtuelles différentes avant de pouvoir se confronter au virus destructeur, éliminer la menace informatique, et ramener sa patronne saine et sauve dans le monde réel (ça, il n’en savait rien au départ, mais bon, ce serait contre-productif de la laisser coincée dans une brèche extra-temporelle : vu le coût d’un nouveau recrutement au XXIVe siècle, les vigiles sont les premiers à sauter en cas de restructuration ). Voici donc un petit panorama des différentes épreuves non prévues par son contrat que Stanley devra assumer.
- La préhistoire : Retour à la sauvagerie. Des grottes, des falaises, des chasseurs-cueilleurs mal embouchés et une horde de sales bestioles, qui vont du tigre à dents de sabre à l’ours des cavernes en passant par le gorille armé d’une redoutable banane.
Armes : Pierres, couteau en os, gourdin, sagaie, énorme massue
- L’empire romain : Le luxe des villae peuplées d’esclaves dévoués à leur maître, les invincibles légions romaines et leurs centurions. Tout cela se terminera aux jeux du cirque, face à un taureau furieux.
Armes : dague, glaive, fronde, équipement de gladiateur, double hache.
- Le Japon médiéval : Tout le raffinement de l’empire du soleil levant virtuel, où même les geishas et les paysannes sont animées de pulsions meurtrières. Ninjas, samouraïs, sumos, maîtres d’arts martiaux et ronins errants mettront tout en uvre pour vous empêcher d’accéder au temple. Il y a même un dragon (chinois ) pour terminer le niveau en beauté.
Armes : Wakizashi, éventails, shurikens, katana de samouraï, technique des boules de feu
- Le Moyen-Age : Ici, c’est tout de suite moins policé, et la torture fait partie des loisirs dominicaux préférés des familles. Le château fort du premier niveau vous fera rencontrer des ennemis somme toute classiques, mais le redoutable guerrier mort-vivant qui le clôture amorce la suite, une plongée dans la magie médiévale avec moult alchimistes, loup-garous et démons ailés.
Armes : Fléau, épée courte + écu, claymore, arbalète, sortilèges
- Les conquistadors : Première section sur une caravelle en partance pour le Nouveau Monde, bourrée de hallebardiers espagnols. Le deuxième niveau vous fera découvrir les mystères du pays maya, célèbre pour ses grandes connaissances en astronomie. Ce sera d’ailleurs le shaman-astronome de la cité qui servira de boss.
Armes : fleuret, hallebarde, pistolet, sarbacane, gourdin à pointes
- Le Far-West : Un village déserté de l’ouest américain, un canyon et une mine. Cow-boys, indiens et desperados seront au rendez-vous !
Armes : Colt, fusil à canon scié, winchester, double colt, bâton de dynamite.
- Les conflits modernes : Petite plongée dans la violence du premier conflit mondial, tout d’abord dans les tranchées puis dans un petit village dévasté. Poilus français, fusiliers allemands, zouaves et tirailleurs sénégalais, et même un planeur rappelant celui du fameux « Baron Rouge » Von Richtoffen s’allieront pour vous mettre hors d’état de nuire. Le second niveau vous placera dans un Paris dévasté par un conflit atomique, où milices et simples survivants tenteront de vous réduire en pièce. A noter, un petit caméo surprise d’Alfred Hitchcock dans le métro !
Armes : revolver automatique, fusil à baïonnette, grenades, mitraillette, bazooka
- Les guerres du futur : Démarrage dans une base de lancement désertée mais toujours gardée par de nombreux robots. L’aventure se poursuivra dans une colonie spatiale occupée par des aliens peu sympathiques.
Armes : pistolet laser, mitrailleuse lourde, yo-yo de combat ( !), détonateurs à plasma, tenue de cosmonaute.
- Au delà du temps : Là, ça ne rigole plus. Vous voilà dans les entrailles de la machine, pour une zone qui s’apparente davantage à un jeu de plates-formes. Vous combattrez néanmoins de nombreuses créatures qui en sont à leur premier stade de développement, avant l’affrontement final contre le virus.
Armes : programme informatique
Au début de chaque niveau, Stanley se retrouve tout nu enfin, dépourvu d’armes plutôt. Heureusement, notre homme est un sacré bagarreur, qui maîtrise à la perfection la technique séculaire du pain dans la gueule, et du coup de savate dans l’estomac. Hé non, vous ne pourrez pas tirer du Cro-Magnon au pistolet laser, où attaquer un drone de sécurité à la sarbacane. Dommage que le programme n’ait pas prévu cette possibilité en bonus, cela aurait pu être amusant. Les coups sont plutôt limités puisqu’on n’en compte en fait que trois, plus un mouvement de parade (ou de recharge pour les armes à distance). Heureusement, ils varient d’armes en armes, ce qui fait qu’on éprouve au final l’impression qu’ils sont innombrables. Outre anéantir les ennemis virtuels (qui disparaissent dans un tourbillon de polygones assez curieux), il est également possible de fouiller dans la plupart des décors, afin d’actionner l’un ou l’autre mécanisme, d’y trouver des munitions supplémentaires, des recharges d’énergie et des puces informatiques qui vous permettent de ralentir l’inexorable écoulement du temps. Time Commando se joue en effet dans un temps limité. Lorsque le compteur de temps est rempli, votre personnage perd une vie. Il faudra, pour ralentir le processus, déposer les puces glanées au fil des niveaux dans les bornes prévues à cet effet, au milieu ou à la fin de chaque niveau. A noter que le compteur ne revient pas à zéro une fois une époque terminée. Il est donc impératif de ramasser le plus grand nombre de puces possibles.
Graphismes : Le mélange entre des personnages en 3D et des décors en précalculé est assez surprenant. Mais on ne se plaindra ni des uns, ni des autres. Evidemment, aujourd’hui, Stanley et ses adversaires paraissent un peu géométriques et manquants de détails mais pour l’époque, le résultat était particulièrement impressionnant. Quant aux décors précalculés, ils sont très originaux, parfois un peu flous, mais regorgent de petits détails et de couleurs. Les différents angles de vue, ainsi que la manière dont de nombreux ennemis apparaissent donnent au jeu un style très cinématographique.
Animation : Les mouvements et attaques de Stanley sont très nombreux et réalistes (à l’exception du saut, qui aurait pu figurer sans honte dans une version modernisée de Frogger). C’était d’ailleurs un des principaux arguments de vente du jeu. De ce côté, le travail a été particulièrement fignolé. On ne peut pas en dire autant du scrolling, parfois un peu lent et donnant lieu à une bouillie de décors pixellisés jusqu’à ce que le mouvement se soit stabilisé.
Jouabilité : Manuvrer et maîtriser Stanley, c’est l’enfance de l’art. On regrettera néanmoins, vu le flou graphique occasionnel, que la nuance entre décors et chemin praticable soit parfois un peu faible. Stanley se retrouve parfois à trotter dans le vide, bloqué par un mur invisible, et il faudra le déplacer dans une autre direction pour que tout redevienne normal. Time Commando est plutôt facile à la base, mais les niveaux de difficulté plus élevés rendront le challenge (spécialement la course contre la montre) beaucoup plus ardu.
Son : : Des bruitages assez faiblards, mais des musiques fantastiques, en accord avec chaque époque visitée. Aaah, le superbe thème du galion espagnol ou de la 1ere guerre mondiale !
Intérêt : 15/20. Comme expliqué plus haut, Time Commando n’est jamais qu’un beat them all de plus et, même sur PC où ce type de jeu n’a jamais été monnaie courante, le principe en lui même demeure assez limité. Mais attention : on a affaire ici à un des beat them all les plus originaux jamais imaginés, avec des atmosphères, des ennemis et des armes qui changent des sempiternels punks et autres délinquants qui constituent l’essentiel des population présentes dans ce genre de programme. Les différents niveaux de difficulté sont bien dosés, et permettent de s’attaquer à un challenge de plus en plus ardu, mais même sans cela, Time Commando est défoulant et suffisamment bien conçu pour qu’on y rejoue longtemps sans éprouver la moindre lassitude.