Thief : The Dark Project est un jeu vidéo PC publié par Eidosen 1998 .

  • 1998
  • First Person Shooter (FPS)

Test du jeu vidéo Thief : The Dark Project

4.5/5 — Exceptionnel ! par

Looking Glass Technologies, en voilà un studio quelque peu oublié et qui pourtant mériterait sa place au soleil, dans le panthéon des plus grandes équipes, qu’elles s’appellent Square ou Origin! C’est d’ailleurs en travaillant pour ce dernier que l’équipe de Warren Spektor s’est faite connaître grâce aux deux épisodes d’Ultima Underworld, excusez du peu! Ont suivies les prestigieuses séries Flight Unlimited, System Shock et bien entendu… Thief, dont je vais m’efforcer de vous présenter ici le premier opus.

Un voleur sachant voler…

Vous incarnez Garret, un vulgaire voleur. Vulgaire? Pas tant que ça en fait car durant votre enfance d’orphelin miséreux, vous fûtes recueilli par un membre de la confrérie des Gardiens, société secrète aux objectifs mystérieux. Votre bienfaiteur, ressentant en vous un grand potentiel, vous enseigna alors toutes les ficelles de l’art du larcin, dans lequel vous devîntes maître.

Une fois adulte, vous décidâtes cependant ne pas louer vos services à l’organisation, préférant travailler pour votre propre compte. Hélas, dure vie que celle d’un indépendant! Condamné aux petits boulots sans envergure, harcelé par les diverses guildes de voleurs souhaitant vous incorporer en leur sein, pourchassé par les Marteleurs, ces représentants de l’ordre, fanatiques d’un culte consacré aux machines les plus complexes et au métal… Encore que ceux-ci sont davantage occupés dans leur lutte contre les Païens, adorateurs d’une divinité naturelle chaotique qu’ils nomment eux-mêmes le « Malin ». Si votre première mission est sans envergure aucune, un simple cambriolage, votre infiltration ultérieure au sein de la prison des Marteleurs afin de libérer votre receleur (ce n’est pas de gaieté de coeur que vous vous portez à son secours, l’homme vous doit en effet une grosse somme d’argent sur laquelle vous ne comptez pas vous asseoir) vous fait remarquer d’un mystérieux homme, Constantine. Celui-ci louera alors vos services dans des intentions qui, comme vous devez vous y attendre et comme le confirmera le déroulement du jeu, se révéleront rapidement quelque peu inquiétantes…

Quelques grammes de finesse dans un monde de brute

Thief est un FPS, certes, mais pas un de ces FPS bourrins comme Quake ou Unreal dans lesquels au final on fonce dans le tas pour défoncer tout ce qui bouge à coup de « machine gun » (je simplifie volontairement, vous l’aurez compris ;) ). Vous n’êtes en effet pas un guerrier, mais un voleur et en conséquence, vos meilleures armes seront la sombre cape qui vous abrite et vos talents de discrétion. Vous apprendrez rapidement (et douloureusement à vrai dire) que votre meilleur moyen de survie est donc de vous mouvoir dans les recoins les plus ténébreux du décor, attendant le moment propice pour le juste mouvement. Une jauge en bas de l’écran indique d’ailleurs votre état de dissimulation, qui dépend de la luminosité ambiante ainsi que de l’arme que vous tenez en main. Evidemment, être en mouvement vous rendra moins discret, alors que d’être sagement accroupi vous rendra bien plus difficile à repérer.

Fort malheureusement, les gardes que vous aurez à tromper ne sont pas plus sourds qu’ils ne sont aveugles aussi prendra-t-on garde au revêtement sur lequel on marche. Si vous pouvez taper un 100 mètres sur de la moquette ou de l’herbe sans trop craindre d’être entendu, le vacarme que peuvent engendrer vos lourdes bottes de cuir sur du marbre ou du métal est tout à fait apte à réveiller les morts (ça tombe bien, vous aurez l’occasion de vous y frotter :P ).

Un arsenal à exploiter avec circonspection

Oh bien entendu, vous aurez des armes, notamment une épée. Celle-ci est cependant à n’utiliser qu’en dernier recours (comprenez, lorsqu’un garde un peu trop consciencieux aura dégainé la sienne pour vous occire). L’entrechoquement des lames et les cris de douleur de vous ou de votre adversaire sont en effet le meilleur moyen pour que ses petits copains rappliquent. Si l’on peut aisément se défaire d’un garde, se débarrasser de plusieurs, que ce soit à la chaîne ou en même temps, est une autre paire de manches (faut-il rappeler que vous n’êtes pas Duke Nukem? :P ). Et puis quand bien même vous arrivez à dissimuler l’encombrant cadavre - ce qui est, nul besoin de le préciser, fortement recommandé - une tâche de sang au milieu du couloir aura tendance à semer le trouble dans l’esprit d’un garde passant malencontreusement par là. Certes ils sont stupides, mais pas suffisamment pour se dire que la présence d’une grosse flaque d’hémoglobine est chose tout à fait normale.

A l’épée, on préférera généralement la fidèle matraque, autrement plus discrète (une lame ayant tendance à briller, même dans le noir) et moins encombrante, car moins lourde. Vous remarquerez d’ailleurs que votre vitesse de déplacement est moins grande quand vous maniez l’épée. Quoi qu’il en soit, un bon coup de matraque asséné sur la nuque d’un garde trop distrait l’enverra au pays des rêves. Et cela silencieusement et proprement, que demande le peuple?

Dernière arme de votre arsenal et non des moindres, votre arc. S’il vous permet de frapper des adversaires à distance, là n’est pas son intérêt majeur. Bien que cela soit parfois nécessaire, cibler un garde n’est guère discret, d’autant qu’une flèche suffit rarement à le tuer… Ne pouvant repérer immédiatement son adversaire, son premier réflexe sera généralement d’appeler à l’aide ou d’activer l’alarme… Votre arc vous sera surtout utile en utilisant des flèches non conventionnelles, en premier lieu les flèches à eau qui sont particulièrement pratiques pour éteindre des torches, créant ainsi les zones d’ombres vous permettant de masquer votre présence, ou encore pour nettoyer des tâches de sang. Les flèches à mousse permettent pour leur part de tapisser les revêtements bruyants d’une mousse qui vous permettra de vous mouvoir de manière inaudible sur ces surfaces. Les flèches à cordes permettent d’accéder à des lieux autrement inaccessibles car en altitude. Elles ne peuvent cependant se fixer que sur du bois. Enfin les flèches de feu sont explosives, éventuellement utiles pour abattre un ennemi si l’on a pas peur d’être aussi discret qu’un Boeing au décollage, ou encore pour allumer une torche.

Dans la plupart des cas, il n’est pas nécessaire de se débarrasser de ses ennemis pour progresser, d’autant qu’un voleur suffisamment habile est tout à fait capable de détrousser un personnage de sa bourse ou de son trousseau de clefs sans être repéré. Il est néanmoins des cas où l’audace et la vivacité priment, notamment quand les créatures rodant aux alentours ne sont pas humaines. La discrétion est alors rarement de mise, surtout quand les créatures en question sont des non-morts (fantômes, zombies…). Fort malheureusement, ces créatures sont insensibles au métal de votre épée et ne peuvent être renvoyées vers le Néant qu’avec des flèches trempées dans de l’eau bénite. Deux limitations cependant, votre stock de flèches à eau (les seules utilisables avec de l’eau bénite) n’est pas infini. Par ailleurs, l’eau bénite n’est effective que quelques dizaines de secondes. Il est donc généralement peu sage et assez laborieux de s’échiner contre de tels adversaires au risque de manquer des ressources nécessaires plus tard. Et oui, la fuite, même si elle n’est guère glorieuse, est souvent la seule porte de sortie pour un voleur…

Décors variés

Thief vous entraînera dans des missions aux objectifs divers et souvent multiples : filatures, vol d’un objet spécifique, larcin d’un butin égal à une certaine somme… Cette somme vous sera utile pour acheter de l’équipement avant d’entamer la mission suivante, qu’il s’agisse de flèches supplémentaires, d’équipement spécifique (mines, potions de guérison ou de respiration sous-marine) ou encore des indices au marché noir. Il est donc fortement conseillé de fouiller au maximum les niveaux afin d’acquérir le plus d’argent possible. Votre équipement finira également par comprendre un jeu de deux crochets vous permettant de venir à bout de serrures bloquant l’accès à certains lieux ou sécurisant des coffres contenant du butin. Ils ne seront pas la panacée et certaines serrures ne pourront s’ouvrir qu’avec la clef nécessaire (sinon ce n’est pas drôle ^^ ).

Les niveaux en eux-mêmes vous feront découvrir des lieux forts variés, allant des manoirs des familles importantes de la Cité à une mine abandonnée en passant par un quartier hanté, une cathédrale des Marteleurs… L’architecture des bâtiments est d’ailleurs souvent assez impressionnante, qu’elle soit ravagée, imposante ou toute simplement étrange, comme l’intérieur de la demeure de Constantine. Ces niveaux sont en tout cas de véritables labyrinthes dans lesquels on se perd très facilement malgré la disponibilité d’une carte généralement bien imprécise… Ils ont un design très réussi tant dans leur agencement qu’au niveau esthétique.

Au niveau technique

Au niveau graphique, la modélisation des objets est globalement fort convenable, bien qu’on ai vu mieux à l’époque. On apprécie essentiellement les excellents effets de lumière, qu’on attendait forcément tant ils tiennent une place centrale dans le jeu, ainsi que le côté spectaculaire de bien des décors. Les intérieurs des manoirs sont richement décorés (mobilier, tapisseries…) alors que les souterrains ont une topographie torturée. Le jeu peut s’exécuter sur une résolution maximale de 800x600 en 16 bit, ce qui permet un rendu qui reste assez fin. On aurait tout de même apprécié un mode 1024x768 mais bon…

L’ambiance sonore se détache par la variété et la qualité des bruitages. Tout comme pour les effets de lumières, les sons jouent un rôle très important dans le gameplay et c’est une grande réussite. Il est possible de savoir d’où vient un garde, à quelle distance il se trouve et sur quel type de surface il marche rien qu’à l’oreille. On aura également l’occasion d’entendre des dialogues parfois instructifs entre des personnages, le tout en français avec un doublage acceptable. On n’en dira pas tant malheureusement de celui des scènes cinématiques entre chaque niveau, peu convainquant et dénotant avec leur qualité visuelle qui concorde parfaitement avec l’ambiance sombre. Aucune musique ne rythme le jeu, ce qu’on ne regrettera pas car elles auraient plus gêné qu’autre chose.

Si les commandes répondent correctement et peuvent être configurées au gré de l’utilisateur (attention, la molette n’est pas gérée), le jeu est néanmoins très dur, faisant rarement de cadeau à la moindre erreur causée par la maladresse ou l’impatience. Au niveau « Normal », c’est-à-dire le niveau de difficulté minimal, Thief est déjà assez redoutable. Cela le rend inaccessible aux débutants qui se sentiront probablement rapidement frustrés.

En axant son jeu sur l’infiltration, la discrétion et l’exploitation de l’environnement, Looking Glass Technologies réinvente le genre du FPS. Jeu brillant et intelligent, Thief réclame de la part du joueur autant de patience que d’audace et d’habileté. Un jeu difficile, peut être trop, mais résolument passionnant!

Thief : The Dark Project