Qui n’a jamais rêvé de devenir riche comme Crésus tout en répandant le bonheur et la joie autour de lui ? Qui n’a jamais rêvé de voir s’afficher, en surimpression symbolique, le visage d’un enfant rieur par dessus une liasse de billet verts ? Theme Park vous offre de devenir ce symbole de la réussite morale, en vous offrant un poste de directeur de parc de loisirs. Après ce petit encart publicitaire que n’aurait pas renié le responsable marketing de chez McDonald’s, passons à une explications plus prosaïque. Que les gens soient heureux ou pas, on s’en cogne. La bonheur est un moyen, non une fin. Alors qu’il pérégrine dans les allées de votre parc, le touriste heureux claquera toutes ses économies dans les nombreux attrape-nigauds que vous placerez traîtreusement sur sa route et, encore mieux, il reviendra visiter le parc un peu plus tard, trop heureux de contribuer à l’achat de votre sixième Maserati. Le visiteur malheureux, lui, traînera sa déplaisante déprime tout au long de sa journée de détente, rechignera à mettre la main au porte-monnaie et quittera votre Dreamland en jurant qu’on ne l’y reprendra plus. Il est donc impératif que tout, rigoureusement tout ce qui compose votre lieu de villégiature, fasse grimper le capital-bonheur des pigeons qui s’y promènent. Croyez bien qu’il s’il était possible d’inciter les gens à s’endetter sans rien leur proposer en échange, quelqu’un y aurait déjà pensé à votre place… En partant de rien, votre travail sera donc d’élaborer patiemment tout ce qui concourt à la réussite d’un parc d’amusements, transformant votre petite plaine de jeux à vocation locale en une référence du divertissement familial par laquelle tout parent soucieux de l’épanouissement de sa progéniture devra obligatoirement passer. Les trois règles à respecter pour assurer le succès sont diaboliquement simples : 1) n’investissez qu’en fonction de vos bénéfice pour éviter la banqueroute. 2) Faites en sorte que vos bénéfices soient énormes. 3) L’honnêteté et le désintéressement sont des valeurs bourgeoises totalement démodées.
Les attractions, au nombre d’une grosse vingtaine, sont gratuites une fois le billet d’entrée payé et deviendront de plus en plus complexes et séduisantes au fur et à mesure de l’évolution du parc. On passera ainsi du château gonflable et du toboggan au Grand-Huit, au manoir hanté et au simulateur de vol. Les magasins, stands et buvettes (fast-food, magasin de souvenirs, tir aux pipes, pêche au canard, resto-grill, etc.) permettront de délester un peu plus le client de sa petite monnaie. La décoration esthétique (arbres, bancs, lampions, fontaines, barrières, haies,…) augmentera le bien-être des visiteurs lorsqu’ils se promènent dans les allées du parc. Enfin, le personnel est le nerf de la guerre de tout lieu de distraction qui se respecte. Les mécaniciens veilleront à l’entretien des attractions, les nettoyeurs veilleront à ramasser les papiers, cannettes et saloperies corporelles que les visiteurs disperseront sans complexes derrière eux. Les types habillés d’un costume grotesque amuseront les enfants, tandis que les vigiles aideront les visiteurs perdus à retrouver leur chemin et expulseront les voyous qui s’aviseraient de semer le trouble. Comme dans tous les jeux estampillés « Theme… », les premières minutes de jeu ne vous laissent guère de possibilités : quelques manèges simplistes, un stand où on vend du café, des latrines sommaires et l’un ou l’autre sapin artificiel. Pour accéder aux multiples merveilles des Grands parcs d’attraction, il faudra investir une partie de votre capital ou de vos bénéfices dans la Recherche. Vous pouvez évidemment doser vos crédits dans différents secteurs de recherche : l’innovation en matière d’attractions et de buvettes, la sécurité, la formation du personnel ou l’esthétique du parc. Chaque centime investi dans ces coûteuses études de marché vous sera, si vous manœuvrez bien, rendu au centuple une fois les fruits de la Recherche transformés en applications pratiques.
Au sein du parc lui-même, il est possible de tout paramétrer, de la vitesse des attractions au salaire des employés, en passant par la taux de graisse des hamburgers. Chacune de ces modifications offre des avantages mais aussi des inconvénients. Une augmentation salariale entamera votre budget mais motivera vos employés. Dans le cas contraire, ces salopards de syndiqués iront jusqu’à vous coller une grève sauvage sur le dos. Y a plus de respect pour les patrons, ma bonne dame ! Si vous augmentez la vitesse d’un manège, il sera plus excitant et attirera les visiteurs vers votre parc mais l’usure le guettera alors beaucoup plus vite. Si vous négligez les signes avant-coureurs de surchauffe, l’attraction pourrait même finir par exploser ! Il s’agit du pire cas de figure envisageable car une telle tragédie ferait fuir les visiteurs en masse et baisser vos recettes dans la même proportion. Qui plus est, l’attraction détruite laisserait à son emplacement des débris et de la rocaille qui vous empêcheront de reconstruire quelque chose par-dessus. Autre exemple : plus les frites seront salées, plus le stand de boissons fraîches voisin sera fréquenté. On peut même en arriver à faire du dumping sur les frites en étant certain de récupérer la mise sur les sodas vendus à des prix prohibitifs. Mais gare à vous si vous rendez vos clients malades ! Dans le même ordre d’idée, plus les boissons du saloon seront alcoolisées, plus les clients y dépenseront leur argent. Mais qu’il leur prenne la fantaisie d’aller faire un tour sur le Grand-huit juste après et c’est la rafale de vomissures assurée ! Si vos nettoyeurs n’interviennent pas rapidement, la saleté des allées du parc fera également fuir les visiteurs. De petits pictogrammes vous permettront en permanence de jauger l’état d’esprit et les désirs de vos visiteurs, afin de remédier au plus vite à ce qui pourrait poser problème.
Comme dans tous les jeux du même style, l’objectif est de gagner plus d’argent que vous n’en dépenserez pour garantir une croissance continue et harmonieuse à votre entreprise. Gérer les investissements et les frais de fonctionnement de manière rationnelle est un exercice de haute voltige, encore davantage dans Theme Park que dans d’autres simulations financières. Lorsqu’on a atteint les objectifs économiques demandés, il est possible de vendre le parc aux enchères et d’acheter un terrain dans une autre partie du monde (le premier terrain, en Angleterre, est gratuit !). Chaque nouvelle implantation sera dépendante de plusieurs paramètres, comme le climat ou le potentiel proximité des visiteurs. Theme Park vous offre même la possibilité d’acheter des parts chez vos concurrents ! Autant vous dire qu’après quelques mois de pratique assidue de ce grand succès des années 90, Wall Street et la World Company vous ouvriront leurs portes dans la vraie vie !
Réalisation graphique :
Le visuel de Theme Park est très coloré et enfantin mais manque un peu de finesse. Les attractions sont variées, les possibilités de décoration du parc assez étendues mais le trait reste assez grossier, spécialement au niveau des visiteurs. Néanmoins, lorsqu’on admire son parc en fin de partie, avec toutes ses petites attractions qui remuent et ses petits visiteurs qui se baladent, cela reste très agréable. Le mode SVGA corrige quelque peu l’aspect un peu grossier des éléments du parc mais curieusement, il déclenche dans le même temps une trop grande impression de netteté, comme si le parc perdait un peu de sa fantaisie au profit d’un design très carré et géométrique. Le seul réel apport de la version CD tient à la vidéo d’introduction, ainsi qu’aux courtes vidéos qui présentent chaque attraction. Superflu mais sympathique.
Jouabilité/difficulté
Les possibilités sont très nombreuses, les menus de paramétrages – liés à chaque attraction, buvette ou employé – sont simples à utiliser et les menus d’options sont très clairs. On assimile très rapidement les grands principes de gestion du parc de loisirs. Attention cependant : malgré son look très gamin, Theme Park est tout sauf un jeu de gestion simpliste et accessible aux joueurs occasionnels. Faire prospérer un parc reste une affaire très complexe et demandera énormément de doigté et d’intelligence.
Son
De petites mélodies de fête foraine qui varient suivant les attractions… mais qui n’en restent pas moins des mélodies de fête foraine (autrement dit, qui donnent rapidement des envies de meurtre si on les entend pendant trop longtemps). Les bruitages sont simples et fonctionnels… et en bon séide du Grand Capital, on ne se lasse pas d’entendre les petits bruits de tiroir-caisse dès qu’un visiteur se laisse délester consciemment de son argent..!
En bref : 18/20
Véritable fondateur du jeu de gestion « humoristique », Theme Park offre un challenge relevé et des possibilités très étendues qui multiplient les modèles de gestion envisageables. Bien que la plupart de ses caractéristiques aient été affinées par la suite dans les autres jeux de la série « Theme », ce jeu pionnier se laisse toujours (re)découvrir avec plaisir aujourd’hui. Son univers forcément très ludique, son humour caustique et sa complexité font toujours mouche, même si le concept du parc d’attraction a été réutilisé dans nombre d’autres softs depuis lors.