Theme Hospital est un jeu vidéo PC publié par Bullfrogen 1997 .

  • 1997
  • Stratégie

Test du jeu vidéo Theme Hospital

4/5 — Exceptionnel ! par

Vous pensiez que l’hôpital était une institution de bienfaisance ? Vous pensiez que ces médecins et ces infirmières n’existaient que pour soulager la souffrance de l’humanité de manière désintéressée ? D’accord, c’est peut-être bel et bien le cas pour certains d’entre eux, à titre individuel. Mais vous, ces nobles considérations humanistes ne vous effleurent même pas une fraction de seconde… Ah ! Vous n’êtes pas un de ces chevaliers blancs de la santé qui s’émerveillent à chaque patient sauvé et prennent tranquillement leur café entre les opérations pour se détendre. Non, vous, vous avez la rage. La rage d’augmenter votre capital jusqu’à l’indécence, de voir les liasses de billets verts s’accumuler dans votre coffre-fort, la rage de voir le comptable suer sang et eau en calculant des marges bénéficiaires à six zéro. Vous êtes un requin à la solde du grand capital et à ce titre, le milieu hospitalier a toute les caractéristiques requises pour titiller votre soif inextinguible de retours sur investissement et d’expansion économique. Parce que si les êtres humains moyens peuvent très bien se passer de parcs d’attractions, ils ne pourront pas éviter l’hôpital toute leur vie ! Faut qu’ils raquent, ces salopards, pour gagner le privilège d’être en bonne santé !

Au départ, on ne sait cependant pas faire grand chose. Heureusement, l’hopital où vous débuterez votre carrière de grand prédateur capitaliste est un tranquille petit établissement de campagne où les maladies sérieuses se font rares. Tout ce dont vous aurez besoin est une salle de diagnostic avec un médecin généraliste pour la gérer, et une pharmacie tenue par une infirmière. Si vous souhaitez vraiment bien faire les choses, il ne faut pas oublier d’installer quelques bancs à l’extérieur, des plantes vertes, un distributeur de boissons fraîches, une réceptionniste et un nettoyeur. Les premiers patients arriveront rapidement, prêts à dépenser le fruit de leur labeur pour grappiller quelques misérables années d’existence supplémentaires. Comme dans Theme Park, de petites icônes au dessus de la tête des visiteurs vous permettent de jauger leur état d’esprit : ils ont faim, soif, peur, ils s’emmerdent, il y a trop de files, … Une gestion attentive de la clientèle vous permettra de placer des distributeurs de boissons aux endroits stratégiques, de prévoir des toilettes aisément accessibles et de prévoir suffisamment de bancs (et le cas échéant, de salles médicales) pour que vos visiteurs ne trouvent pas le temps trop long en attendant que quelqu’un daigne s’occuper des sensations pusillanimes qu’ils nomment maladies.

Les maladies, parlons-en justement ! Les patients qui se présentent chez vous ne sont pas tous affligés d’une vulgaire grippe ou d’une jambe cassée. Non, ils seraient même plutôt du genre à souffrir d’hypercéphalite, d’hypertrophie de la langue (qui leur pend alors sur la poitrine), de pilosité exacerbée, d’invisibilité chronique ou du syndrome d’Elvis ! Tous les malades devront d’abord passer par la salle de diagnostic, dans laquelle un médecin généraliste aiguillera le patient vers le département approprié. Au début, une simple pharmacie tenue par une infirmière compétente suffira à soulager la plupart des maux simples. Mais au fur et à mesure que les maladies gagneront en étrangeté, il faudra songer à investir dans des salles variées et recruter du personnel compétent (et donc plus cher) en nombre suffisant. Imaginez un peu le désastre si votre psychiatre se retrouve en salle d’opération parce que le chirurgien est en train d’aller aux toilettes ! Bien entendu, il est également impératif d’investir massivement dans la recherche pour identifier les nouvelles pathologies qui surgiront, ainsi que pour élaborer les remèdes et les salles spécifiques destinées à traiter ces nouveaux cas. Le département de la recherche vous permet ainsi d’attribuer une partie de votre budget à l’étude des nouvelles maladies et à la conception de remèdes adaptés, ceci afin de mieux vous remplir les p… euuuhhhhh, je veux dire d’apporter un soutien adapté et personnalisé à chacun des patients qui se présenteront à la porte de votre établissement. Pour les hypercéphales, une fois la solution mise au point, il suffira d’installer une machine de haute technologie qui leur dégonflera et regonflera la tête à la dimension souhaitée. L’hypertrophié de la langue sera conduit jusqu’à ce qui ressemble fortement à une machine à découper le jambon, et ainsi de suite… N’oublions pas non plus les salles de chirurgie, les cabinets de psychiatrie, les dortoirs des malades, les bureaux d’accueil, les toilettes, et tout ce qui contribue à transformer les hôpitaux en lieux de villégiature plaisants pour toute la famille. Outre l’utilisation rationnelle des ressources afin d’être prêt à faire face à toutes les situations, Theme Hospital inclut aussi l’utilisation intelligente de l’espace disponible. La surface au sol qui vous est allouée pour monter votre petite entreprise est en général assez limitée. Etant donné que vous définissez vous même la superficie dévolue à chacun des départements de l’hôpital, il sera important de ne pas se laisser emporter par la folie des grandeurs et de ne pas créer une pièce de dix mètres de côté qui ne contiendra qu’un bureau et une chaise. Le personnel est également un facteur important de la réussite de votre entreprise. Si les spécialistes sont bien évidemment le nerf de la guerre et les seuls à pouvoir soigner efficacement les cas les plus compliqués, il ne faudra pas pour autant négliger les généralistes, qui arrivent amplement à tenir un simple cabinet de consultations, et les infirmières, seules habilitées à gérer certaines salles. De même, dès que vous disposez de plusieurs implantations pour un même site, le recrutement de réceptionnistes deviendra vital, tandis que les nettoyeurs, ces héros de l’ombre, éviteront que la crasse amoncelée ne fasse fuir les patients les plus délicats. Votre personnel ne peut pas non plus passer son temps au turbin. Lui aussi a le droit de se reposer. Une salle de détente pourvue de tout le matériel requis est la panacée idéale pour obtenir un personnel reposé et motivé. Mais ne forcez pas trop sur les canapés et le billard : si la salle de repos est trop attrayante, médecins, infirmières et ouvriers risquent d’y passer un peu trop de temps… Et en attendant, évidemment, les patients, ils patientent. C’est logique, c’est à ça qu’il servent, mais ce qui est dramatique, c’est qu’ils ne crachent pas l’oseille en consultation pendant ce temps là ! Non, arrêtez de regarder la barre de vos frais et bénéfices pendant ce temps là, vous vous feriez du mal inutilement.

L’épreuve ultime reste bien entendu la visite de la personnalité importante qui vient s’enquérir de la manière dont fonctionne votre petit monde hospitalier. Qu’il s’agisse d’un député local ou du roi de Birmanie, ce gêneur va se balader partout, voir tout ce qu’il y a à voir et repartir scribouiller son rapport. Gare à vous si votre hôpital est sale, si les rats y gambadent en toute quiétude, si les patients ont l’air de s’emmerder ou qu’on y meurt un peu trop, cette erreur tactique vous coûtera cher en terme de subsides et de réputation.

Il arrive que certains patients soient affligés d’une maladie que vous n’êtes pas encore en mesure de guérir. Vous pouvez bien sûr les faire patienter, en espérant qu’ils ne repartent pas furieux, mais c’est un choix plutôt risqué. Nul ne sait quand la recherche donnera des résultats (à supposer que vous ayez les reins financiers assez solides pour y investir massivement) et une complication est si vite arrivée… Quand la Faucheuse commence à arpenter les couloirs de votre hôpital, c’est qu’il y a un problème. Que pensera l’opinion publique d’une institution où les patients tombent comme des mouches ? Viendra-t-on encore se faire soigner chez vous ou préférera-t-on aller chez les concurrents, ces médiocres spécialisés dans les maladies bas de gamme ? Il n’y a pas hésiter un seul instant ! Ne laissez pas ces agonisants compulsifs réduire à néant votre belle réussite économique ! Chassez-les de votre hôpital avant que leurs cadavres ne viennent souiller le linoléum de votre établissement, et ternir votre réputation patiemment échafaudée. Et puis, pensez un peu à vos hommes d’entretien ! S’il doivent ramasser des cadavres en plus des cannettes vides et des vomissures de certains patients dépourvus de dignité, il ne tarderont pas à se plaindre de surmenage professionnel et à exiger une augmentation salariale, ces feignants. Et vous savez ce que ça coûte d’engager un nouveau nettoyeur, vu qu’on aura viré les précédents en réponse à leurs revendications ?? Cynique ? Ô combien…

Réalisation graphique :

Si à priori, un univers hospitalier ne semblait pas se prêter à la fantaisie, Bullfrog a retranscrit le tout sous la forme d’un petit monde coloré et rigolo des plus sympathiques. Le trait choisi pour représenter cette armée de petits personnages est rond, coloré et amusant au possible. La variété du mobilier que l’on peut disposer à sa guise dans chaque département évite justement que l’environnement graphique ne souffre d’une austérité toute «médicale ». Et ce petit peuple dont vous assurez la productivité s’agite sous vos yeux en plus, et accomplit perpétuellement les tâches qui lui sont dévolues ! Les médecins auscultent leurs patients, tapent à l’ordinateur, vérifient quelque chose dans leur dossier ou vont regarder la TV dans le salle-détente. Les patients boivent un coca, vont aux toilettes, se lavent les mains, vomissent ou font un infarctus dans les couloirs. Un vrai petit vivarium à humains qu’on ne se lasse pas d’observer encore et encore. Les jeux de gestion attrayants graphiquement ne sont pas nombreux, ne l’oubliez pas…

Jouabilité / difficulté

Si les principes de jeu sont parfaitement conçus et intelligibles, et si on comprend le fonctionnement de tout cela en quelques minutes à peine, on éprouve parfois quelques difficultés à tracer correctement le périmètre de la pièce que l’on souhaite construire. Ce manque de précision évidente contribue souvent à ce que, une fois la pièce construite, on ait du mal à y placer les différents items décoratifs et autres. Bien entendu, on peut éluder ce problème en estimant à la hausse la superficie des pièces, mais le succès dans Theme Hospital réside aussi dans l’utilisation raisonnée de l’espace. Si j’avais un petit reproche à faire à Theme Hospital, ce serait sur le principe choisi pour le développement de l’hôpital. Dans la plupart des jeux du même style, on part de rien et, petit à petit, en fonction des découvertes, des fonds disponibles ou de la progression du scénario, on finit par transformer sa misérable entreprise de départ en gigantesque multinationale qui tourne en roue libre… jusqu’à atteindre ce fameux palier des jeux de gestion où on ne parvient même plus à dépenser ce qu’on gagne ! On éprouve toujours un plaisir renouvelé (dans Theme Park pour prendre un exemple proche) à voir son bébé grandir progressivement jusqu’à atteindre des dimensions pharaoniques. Dans le cas présent, les missions de Theme Hospital sont plus courtes, avec des objectifs clairs à remplir (soigner autant de malades, arriver à tel chiffre d’affaire, etc.).Une fois l’objectif atteint, on est automatiquement muté dans un autre hôpital, où la configuration des lieux, le type de maladies et le nombre de clients potentiels sera différent. On recommence donc fréquemment tout le processus de mise en place de l’infrastructure depuis le début. Plus on avance dans les missions, plus on découvre de nouveaux cas et de nouveaux remèdes délirants, et quelques évènements ponctuels (comme une épidémie soudaine) viennent rythmer un peu le quotidien. Mais l’obligation de recommencer à zéro à chaque fois (avec l’accueil, le cabinet de généraliste, etc.) provoque parfois une certaine monotonie, d’autant plus que l’espace disponible restant limité en toute circonstance, on ne pourra jamais vraiment gérer un hôpital gigantesque avec plein d’étages, des dizaines de départements différents, du personnel comme s’il en pleuvait, etc. Les bâtiments disponibles (que vous devrez acheter le cas échéant pour agrandir la surface exploitable) ne comportent qu’un unique étage et le principe des missions exige que l’on se concentre sur l’essentiel, quitte à négliger les départements qui ne s’avèreraient pas indispensables à la réussite des objectifs.

**Son **

La bande sonore, une dizaine de petits thèmes jazzy, n’est pas déplaisante pour un jeu de gestion, et colle bien à l’esprit « muzak d’ascenseur » qu’on s’attend à retrouver dans un hôpital ! Au niveau des bruitages, on reste dans un esprit très cartoon, et la voix suave de la standardiste, suggérant aux patients de ne pas mourir dans les couloirs de l’hôpital, est à mourir de rire !

En bref : 15/20

Un chouette petit jeu de gestion, original, mignon et plein d’humour, qui pêche quand même par une certaine répétitivité dans ses objectifs. Ce qui manque surtout est la possibilité d’aller aussi loin qu’on le souhaite dans la mise en place de son hôpital : une fois les objectifs remplis, on passe à la mission suivante. Néanmoins, rien que pour profiter du côté cartoonesque et du léger cynisme que dégage Theme Hospital, on passera tout de même de très bons moments à gérer ce petit univers médical avant que la lassitude ne commence à se faire sentir…

Theme Hospital