The Last Express est un jeu vidéo PC publié par Broderbunden 1997 .

  • 1997
  • Aventure

Test du jeu vidéo The Last Express

4/5 — Exceptionnel ! par

Dommage que The Last Express ait fait un flop aussi monumental (compte tenu de ses coûts de production très élevés en fait), car voilà indéniablement un jeu d’aventure terriblement sous-estimé, extrêmement bien conçu et témoignant d’une profondeur psychologique assez inhabituelle dans un jeu de ce genre. Il faut dire que le responsable de cet ambitieux projet n’était autre que Jordan Mechner, le papa de Prince of Persia. Et s’il n’a jamais été particulièrement prolifique, Mechner a toujours mis un point d’honneur à ce que ses créations apportent de réelles innovations au jeu vidéo. Le principal protagoniste de cette aventure ferroviaire est Robert Cath, un aventurier américain qui participera sans le savoir au dernier voyage du légendaire Orient-Express, ce train de grand standing qui reliait jadis Paris à Constantinople. En cette fin de mois de juillet 1914, Cath est dans de sales draps. La police française le recherche sur une fausse accusation de meurtre d’un officier de police. Réduit à l’état de fugitif, le jeune homme se tourne vers son ami Tyler Withney, un célèbre détective britannique. Ce dernier lui demande de le rejoindre dans l’Orient-Express, afin de l’assister dans une enquête de première importance. Après s’être infiltré subrepticement dans le train à sa sortie de l’agglomération parisienne, Cath découvre que ses ennuis ne sont pas prêts de s’arrêter. En fait de Tyler Withney, c’est son cadavre que découvre Cath. Le détective a vraisemblablement été assassiné, et lui-même ne dispose d’aucun titre de transport, est toujours sous le coup d’un mandat d’arrêt et va devoir se débrouiller pour se débarrasser du corps et endosser l’identité du défunt.

Au fil du voyage, Cath rencontrera et, parfois, sympathisera avec les voyageurs montés en même temps que lui à Paris : un gros marchand d’armes allemand, qui compte bien profiter du voyage pour s’octroyer un peu de bon temps ; une violoniste juive de Vienne au naturel soupçonneux, des terroristes serbes, des aristocrates russes, un mystérieux oriental à la richesse stupéfiante, et beaucoup d’autres. Alors que la guerre gronde à l’horizon, la totalité de l’univers des comploteurs européens semble s’être donné rendez-vous dans le train. Tout au long de ce voyage de trois jours, Cath va se retrouver impliqué dans une toile d’intrigues que n’aurait pas reniée Agatha Christie, manipulations et mensonges qui, dans la grande tradition des enquêtes policières d’avant-guerre, mêleront les tractations secrètes en vue de la guerre qui s’annonce et la quête du plus précieux des œufs de Fabergé.

Scénario intéressant, commandes hyper simples comme dans tout bon point & click, The Last Express ne présenterait à première vue comme seule originalité que les deux ou trois séquences de combat en temps réel contre les terroristes serbes, séquences dans lesquelles il faudra esquiver les coups et désarmer votre adversaire au bon moment. The Last Express ajoute cependant une caractéristique majeure au gameplay, qui le rend beaucoup plus réaliste mais également terriblement difficile : le temps réel. Pendant que vous cogitez en vous demandant quoi faire, la vie du train continue. Les contrôleurs font leur ronde, les personnages se promènent et voyagent à leur guise et les repas sont servis dans le wagon-restaurant. Il ne s’agit donc pas uniquement de trouver «quoi faire» mais également «quand le faire». Certains événements se dérouleront à un moment bien précis du scénario, certains voyageurs ne sortiront de leur cabine qu’au moment des repas, d’autres ne seront d’humeur à dévoiler des informations que dans des circonstances bien précises, et ainsi de suite. À vous d’être présent au bon moment et au bon endroit, comme dans la réalité. Cette quête de réalisme se paie cependant de manière assez cruelle : il est tout à fait possible de progresser considérablement dans le jeu, pour découvrir subitement qu’il vous manque l’objet ou l’information cruciale que vous auriez pu obtenir la veille au soir auprès d’un des personnages. Le système de sauvegarde automatique vous permet heureusement de revenir à l’exact moment de votre oubli afin que vous puissiez ramener le scénario sur les rails. Tout de même, c’est parfois un peu frustrant. Un système d’alerte, voire un menu d’aide en cours de jeu (qui aurait fonctionné comme celui d’Under a killing moon, en diminuant le score du joueur dès que ce dernier y a recours) aurait été, pour une fois, bienvenu !

Au niveau graphique aussi, Jordan Mechner a souhaité se démarquer du commun des jeux d’aventure… et il y est parvenu sans pour autant donner à The Last Express l’ampleur qu’il méritait. Utilisant un système de rotoscopie, les scènes ont été filmées avec de véritables acteurs puis redessinées dans un style «Art nouveau», sur base des photos, afin d’obtenir le rendu de mouvements le plus réaliste possible. Malheureusement, on a l’impression que les développeurs ont renoncé face à l’ampleur de la tâche car au final, la plupart des scènes semblent fonctionner en deux ou trois images/secondes, ce qui provoque justement l’impression de non-réalisme que The Last Express souhaitait éviter. Heureusement, malgré ce côté déplaisant, les graphismes du jeu sont suffisamment beaux et possèdent une identité suffisamment forte pour contrebalancer les ratés au niveau de l’animation. C’est d’autant plus regrettable que de temps à autre, sans logique apparente, on découvre une scène où l’action a été redessinée en 24 images/secondes. Et ces scènes atteignent sans difficulté la finesse et le rendu d’un dessin animé de très grande qualité. La bande sonore est d’excellente qualité elle aussi, avec des compositions d’époque et un doublage suffisamment convaincant pour ne pas saper la crédibilité de l’histoire.

En bref : 16/20

Malgré ses faiblesses et ses ambitions avortées, The Last Express est une aventure palpitante, dotée d’un scénario complexe et intelligent et d’une ambiance parfaitement maîtrisée. La profondeur des personnages et le principe du temps réel apportent un réalisme insoupçonné à l’aventure, et on se sent pleinement impliqué dans le devenir de Robert Cath et la résolution du mystère proposé. Attention cependant à la grande difficulté du jeu, et au revers de la médaille du temps réel, qui peut rapidement devenir très frustrant.

The Last Express