The 7th Guest est environné d’une aura de légende. Il fut l’un des premiers jeux vidéo à offrir une ambiance d’épouvante d’un tel réalisme et à profiter pleinement des possibilités offertes par le CD-ROM, avec de très longues séquences vidéo, des musiques de qualité CD et de très nombreux dialogues entre les personnages. Ayant récolté nombre de récompenses pour sa réalisation comme pour ses qualités ludiques, le principe de The 7th Guest attira également beaucoup d’adultes jusqu’alors réfractaires vers les jeux vidéo. Cette oeuvre historique retrace le conte d’Henri Stauf, un méprisable voleur de grand chemin de la fin du XIXè siècle. A force de rapines et de violence, Stauf tomba toujours plus bas dans la déchéance et la vilenie. Jusqu’au jour où la vision d’une petite poupée surgit à son esprit lors d’une nuit d’errance. Le lendemain, il s’empressa de concrétiser sa vision et sculpta sa création dans un morceau de bois. En ville, le patron d’un bar fut saisi d’admiration devant la finition de la poupée, et offrit le gîte et le couvert au vagabond en échange du jouet, qu’il offrit à sa fille émerveillée. Une autre vision frappa bien vite Stauf, celle d’un jeu de casse-tête très complexe. En reproduisant ce que ses rêves lui inspiraient, Stauf mit au point le jeu le plus passionnant qui soit. Tous les enfants l’adorèrent et de brigand sans foi ni loi, Stauf devint un personnage en vue de la communauté. Fabriquant toujours plus de jouets issus de son imagination, Stauf s’enrichit très rapidement, jusqu’à devenir l’homme le plus riche des environs. Les jouets de Stauf étaient si fabuleux que chaque enfant avait le sentiment que son jouet était un chef d’œuvre unique, qui lui était spécifiquement destiné. Mais comme pour toutes les choses rares, il y avait un prix à payer. Les citoyens mirent du temps à comprendre que les enfants qui avaient reçu un jouet de Stauf mouraient dans des circonstances étranges. Quand les rumeurs commencèrent à circuler, la fortune de l’ancien brigand était faite. Vint alors la troisième et dernière vision, celle d’un luxueux manoir au sommet de la colline, une riche maison de maître dont la simple vision ferait naître le malaise. Celle-là serait son chef d’œuvre. Ainsi fut-il fait, et Stauf s’isola dans son palais des ténèbres. Des années plus tard, 6 invités sont conviés à une réception chez l’inquiétant ermite. Chacun d’eux possède des attentes importantes, un brûlant désir secret que Stauf affirme être en mesure d’assouvir. Le maître de maison est absent et les invités sont livrés à eux mêmes. Le manoir dans son ensemble paraît être une gigantesque énigme. Stauf l’a bien précisé : il faudra franchir de multiples épreuves pour résoudre la seule énigme qui compte, celle du 7è invité. Un seul parmi les invités verra son souhait être exaucé, les autres n’y trouveront que leur perte. A mesure que la soirée progressera, la compétition et la trahison se répandront parmi les convives tandis que le surnaturel envahira les lieux.
Vous êtes Ego, une entité d’origine inconnue qui est, d’une manière ou d’une autre, liée à la magie de ce lieu aujourd’hui déserté. Afin de comprendre ce qui s’est produit durant cette terrible nuit et, peut-être, d’y mettre un terme, votre tâche sera de déjouer toutes les énigmes concoctées par Stauf dans chaque pièce du manoir. Chaque fois que l’on pénètre dans une nouvelle pièce, cliquer sur un des objets présents déclenchera l’énigme ainsi que, la plupart du temps, une courte vidéo où les spectres des invités revivront leur funeste soirée. Quelques rares animations indépendantes des énigmes sont également activables, histoire de contribuer à l’atmosphère du jeu. Par exemple, la première pièce à visiter est la véranda. Si on clique sur la baie vitrée, celle ci se mettra à gonfler et à se distordre sur une musique malsaine de film d’horreur. Ensuite, on accédera à l’énigme en cliquant sur le télescope. L’image d’une lune sanglante couverte de lignes et de cercles contenant une lettre apparaîtra dans la lunette. Le principe est assez simple : il suffit de reconstituer une phrase en anglais en suivant les lettres dans le bon ordre.
La seconde énigme vous fera passer dans la salle à manger : les invités fantomatiques y discutent paisiblement avant de passer à table. Puis, couverts et assiettes s’animent de manière un peu ridicule sur une musique digne du manoir hanté d’Eurodisney. L’énigme est déjà un peu plus corsée, quoique vite résolue. Un genre de tiramisu à la couleur douteuse trône au centre de la table, garni de décorations en forme de crâne et de pierre tombale. Le principe est de découper le gâteau en part égales comportant chacune deux crânes, des tombes et un espace vide. Les énigmes se corsent au fur et à mesure de l’évolution dans la partie. Souvent diaboliquement simples en apparence, on comprend rapidement sa douleur après quelques tentatives infructueuses. Celle-ci, pourtant dans les premiers stades du jeu, en est un parfait exemple : 4 fous noirs et 4 fous blancs sont positionnés à chaque extrémité d’un damier de 16 cases. L’objectif est d’intervertir les positions de fous noirs et des fous blancs, en tenant compte du fait que ces derniers ne peuvent se déplacer qu’en diagonale et qu’il est impossible d’occuper une case déjà squattée par une autre pièce. Il faut pratiquement une quarantaine de coups pour résoudre ce casse-tête si simple en apparence. Et je ne vous parle même pas du terrible labyrinthe dans la cave et de ce puzzle particulièrement atroce où il faut intervertir des bocaux afin de reconstituer une citation shakespearienne dont toutes les voyelles ont été supprimées !
Réalisation graphique
Le manoir d’Henri Stauf fait à présent partie des décors classiques du jeu vidéo. Tout le monde a déjà vu au moins une fois le majestueux hall d’entrée de la demeure, son escalier central, son lustre et sa curieuse verrière lumineuse à l’arrière. Hyper-impressionnant pour l’époque avec ses déplacements en précalculé, le rendu graphique a aujourd’hui évidemment pris un coup de vieux, mais il est quand même sidérant de constater que The 7th Guest avait plusieurs années d’avance sur ses concurrents. Pour trouver des graphismes aussi impressionnants et des déplacements en précalculé d’un tel réalisme, il faudrait attendre des jeux d’aventure postérieurs de plusieurs années à la sortie de celui-ci, comme Atlantis ou Egypte. Pour une raison ou pour une autre, la version PC reste quand même nettement moins belle que son équivalent sur CD-I, avec un rendu parfois granuleux et des couleurs un peu pâles.
Jouabilité / difficulté
Si vous jouez à 7th Guest avec l’objectif de vaincre à tout prix le plus rapidement possible, vous êtes bon pour la camisole ! Les énigmes sont extrêmement coriaces et il faudra faire tourner ses méninges à plein régime pour réussir les multiples défis de Stauf. Vu la redoutable complexité de certaines d’entre elles, c’est à se demander s’il est possible de terminer le jeu sans perdre la raison… !
Son
Avec une bonne carte sonore, on disposait de musiques tout simplement superbes pour l’époque, des thèmes spectraux suintant l’angoisse ou au contraire, jouant sur des effets comiques morbides qu’on s’attendrait plus à entendre dans le manoir hanté de Disneyworld. Tous les thèmes ont été composés par George « Fatman » Sanger, célèbre musicien de studio spécialisé dans les jeux vidéo. Ceux qui devaient se contenter d’un processeur sonore plus simpliste perdaient beaucoup en qualité mais néanmoins, l’ambiance globale était préservée. En revanche, petit bémol en ce qui concerne les dialogues entre les invités : alors que découvrir la suite des évènements de la nuit reste quand même un des moteurs principaux de de cette expérience masochiste, ces dialogues sont en anglais (ce qui n’est pas grave en soi ) mais également d’une qualité sonore assez moyenne et surtout, enregistrés beaucoup trop bas. Les paroles des spectres se perdent souvent dans le brouhaha de la musique et des autres effets sonores, et il faut tendre l’oreille pour comprendre ce qui se passe. L’absence de sous-titres se fait cruellement sentir.
En bref : 17/20
De par son côté historique et l’incroyable qualité visuelle qu’il proposait à l’époque, The 7th Guest est un classique de l’histoire du jeu vidéo, et il faut évidemment l’essayer, même si aujourd’hui il n’offre plus rien de révolutionnaire ni d’effrayant. Néanmoins, l’intérêt des casse-têtes proposés est intact et on s’arrachera toujours les cheveux à essayer de décortiquer cette longue série de mécanismes vicieux luxueusement présentés pour connaître la suite des événements. Attention : il s’agit bien d’un jeu 100 % remue-méninges, et pas le plus simple qui soit. Si vous adoptez l’optique « Je dois terminer ce truc en moins de 24 heures », vous finirez par balancer clavier et écran par la fenêtre. 7th Guest est un jeu qu’il vaut mieux conserver dans un coin de son disque-dur, prêt à servir pour les longues soirées d’hiver où on se sent d’humeur à torturer le truc gélatineux coincé entre les oreilles.