Luke Skywalker par ci, Luke Skywalker par là… vous aussi, vous en avez ras la casquette de la soi-disant glorieuse destinée de ce touriste de galaxies lointaines, de ce faquin qui a eu l’outrecuidance d’amener jusque sur Tatooine les pires modes capillaires des années 70 ? De ce poseur qui se prend raclée sur raclée, et finit quand même auréolé du titre officiel de sauveur de la galaxie ? Vous souhaitez plutôt vous intéresser aux actions des hommes de l’ombre, de tous ces lampistes inconnus qui triment dans l’obscurité et sans qui l’alliance ne serait qu’un rassemblement de sénateurs séniles méditant sur leurs jours de gloire ? Ça tombe bien, avec Dark Forces, vous découvrirez enfin que la bataille contre l’empire, ce n’est pas qu’une affaire de padawan niais, de princesse mal peignée ni de wookie à l’hygiène aléatoire. De manière à permettre à Luke d’aller faire sa starlette devant les caméras, l’Alliance fait donc fréquemment appel à Kyle Katarn, un ancien officier impérial reconverti en chasseur de primes, pour jouer le rôle de grain de sable dans les rouages de l’empire.
Dans ce premier jeu qui lui est consacré, on ne sait d’ailleurs pas grand chose de ce bon vieux Kyle, desperado solitaire et vénal sans passé bien défini, à la moralité plus qu’aléatoire.
La première mission sert d’ailleurs de trait d’union avec la première (enfin, la seconde, plutôt) trilogie au cinéma, puisque Kyle a pour mission de voler les plans de l’Etoile Noire gardés dans la base secrète de la lune Danuta. Un véritable jeu d’enfant pour un mercenaire expérimenté, la base n’étant que faiblement défendue par quelques stormtroopers pas très dégourdis. C’est à partir de la seconde mission que l’aventure commence véritablement.
Le général impérial Mohc et Darth Vador ont en effet mis en branle le projet « Darktrooper », une version améliorée et surpuissante des Stormtroopers de base. Ces machines à tuer à l’architecture parfaite constituent une menace majeure pour la survie de l’Alliance.
Les nombreuses missions successives qui attendront Kyle serviront toutes l’objectif de perturber, ralentir et enfin, empêcher définitivement la mise en activité de ces dangereuses armes vivantes.
Par exemple, il faudra récupérer une arme de Darktrooper dans une base de l’alliance dévastée par un assaut impérial, afin que les stratèges rebelles l’étudient ; débusquer un trafiquant d’armes dans sa planque à haute sécurité des égouts d’Anoat City, détruire le complexe minier d’extraction du métal des armures des Darktroopers, sauver un espion de l’Alliance d’un centre d’emprisonnement impérial, détruire l’usine de fabrication des Darktroopers et, dans les derniers levels, vous infiltrer dans le vaisseau amiral de Mohc pour l’anéantir, lui et ses projets mégalomanes.
Le chasseur de primes prévoyant ne partant généralement pas en mission à poil, on retrouve la plupart des armes qui suivront Kyle Katarn à travers la suite de ses aventures, la célèbre et acclamée série des Jedi Knight : le pistolet laser, le fusil d’assaut impérial, les détonateurs thermiques, les mines antipersonnel, le fusil à déflagration thermique ou le fusil impérial à tir rapide. On récolte en outre quelques pétoires spécifiques à cet épisode, comme un outil minier à cinq canons qui tire des boules d’énergie vertes, un mortier et surtout, le canon d’assaut qui permet d’utiliser des tirs énergétiques très puissants ou des roquettes, mais dont la taille imposante condamne toute vision du côté droit. Kyle n’étant pas encore le Jedi qu’il deviendrait dans les épisodes suivants, le sabre laser n’est évidemment pas disponible (quoique certains mods sur internet aient prévu cette possibilité).
Même remarque pour les adversaires : sur cet épisode primitif de la série, on découvre déjà une jolie brochette d’affreux tirés du bestiaire Star Wars : les inévitables Stormtroopers, officiers et commodores impériaux, les drones d’interrogatoire, les sphères d’entraînement jedi, et ces curieux tripodes d’exploration que l’on voit au début du « Retour du Jedi ». Mais également les chasseurs de primes trandoshan, les gardes gamoréens (les gros porcins qui servent Jabba), les dianongas (le serpent aquatique qui tente d’avaler Luke dans les égouts de l’Etoile Noire dans l’épisode 4 – très stressants lorsqu’ils émergent d’ailleurs) et les Ree-Yees lanceurs de grenades (le truc avec une tête de chèvre pourvu de trois pédoncules que l’on voit chez Jabba). En parlant de Jabba justement, on a l’insigne honneur de rencontrer cette vielle saucisse ménopausée dans son vaisseau lors de la capture de Kyle à Nar Shadaa, mais il sera malheureusement impossible de le réduire en charpie. A défaut, on se rattrapera sur son animal de compagnie, un majestueux dragon Kell qu’il faudra – aïe – négocier à mains nues. Enfin, la mission sur Coruscant vous permettra de vous confronter au légendaire Bobba Fett.
Dark Forces introduisait un grand principe novateur dans les FPS sur PC : les missions. Contrairement aux FPS primitifs, le gameplay ne se limitait plus à mettre la main sur des clés pour ouvrir des portes scellées, mais il fallait cette fois récupérer des objets, actionner des interrupteurs ou faire sauter un complexe. Si on était encore loin de la richesse d’objectifs que proposeraient les jeux des années suivantes, ce principe allait révolutionner durablement le genre, principalement en y injectant un véritable atmosphère de « Covert-ops »…
Réalisation technique :
Les décors sont d’ordinaire froids et austères, à l’image de l’architecture générale en vogue dans la galaxie sous domination impériale. Les couloirs d’un croiseur impérial ne se prêtent pas vraiment à une débauche de raffinements graphiques, mais peu importe : dès lors que l’atmosphère des films est respectée, et qu’on se prend sincèrement pour l’unique espoir de la galaxie, plus rien d’autre ne compte. Même remarque pour les adversaires que l’on flingue avec un plaisir infantile. Ça n’a l’air de rien aujourd’hui, mais Dark Forces était tout de même le premier FPS à se dérouler dans un univers aussi mythique que celui de la Guerre des Etoiles. Et abattre un officier impérial, ce n’est vraiment pas la même chose qu’allonger un post-humain ou un imp sur les bases de Phobos.
C’est par ses effets spéciaux que Dark Forces se démarquait principalement de ses concurrents de l’époque, tels que Doom. Pour la première fois, on pouvait admirer la mise en mouvement de grosses structures, tels des générateurs d’énergie, des escaliers mobiles ou des élévateurs. Et mine de rien, cette nouvelle technologie changeait pas mal de choses et rendait l’univers diablement plus crédible et surtout, moins statique.
Cerise sur le gâteau, les bruitages et la bande sonore, reprenant les thèmes bien connus de la trilogie, contribuent à instaurer l’ambiance que l’on attendait. Bien sûr, aujourd’hui que la 3D la plus performante fait partie des meubles, il est un peu difficile de comprendre à quel point on pouvait s’extasier sur des simples images 2D, qui avaient tendance à salement pixeliser lorsqu’on se rapprochait un peu trop près. Pas de jeunisme mal placé, voulez-vous. Et respect aux vétérans !
En bref : 17/20
Bien entendu, considéré d’un regard actuel, Dark Forces paraît désuet. Oui, les décors manquent de perspectives grandioses. Oui, les adversaires en image « plate » pixelisée sont moches. Oui, ces mêmes adversaires sont aussi stupides que n’importe quelle cible vivante de FPS de cette époque, se contentant d’avancer avec inconscience sous votre feu nourri sans même chercher à se planquer. Oui, tout cela provient d’une autre époque, celle de la petite enfance du FPS. Et à cette époque justement, quelle claque, ce Dark Forces ! Plus beau, plus impressionnant, plus complexe et surtout, bien plus charismatique par l’univers choisi que n’importe lequel de ses concurrents, Doom y compris. Et même si la réalisation a subi les outrages du temps depuis lors, il n’en va pas de même pour l’ambiance qui demeure tout à fait brillante encore aujourd’hui. Et croyez-moi, 2D ou pas 2D, vous aurez un bon moment de saine frayeur quand votre premier dianonga jaillira des eaux putrides d’Anoat City pour vous bouffer le museau ! Un jeu légendaire, qui allait donner naissance à une tripotée de suite non moins sublimes (à l’exception peut-être de Jedi Academy…) et transformer Kyle Katarn en l’un des personnages les plus charismatiques et attachants de l’histoire du FPS…