En 1996, Activision nous a gratifié d’un jeu d’aventure assez particulier du nom de Spycraft : The Great Game. Rien à voir avec Warcraft, Starcraft ou autres, Spycraft est un jeu d’aventure / enquête qui nous immerge dans le monde opaque de l’espionnage et des services secrets. Pas de jeu d’action à la James Bond ici, le jeu va consister à enquêter et mettre à profit les divers outils de renseignements des services secrets pour découvrir la vérité.
Alors que la Russie s’apprête à élire son nouveau président, un grave incident a lieu pendant la campagne : un des trois candidats à la présidence est abattu en public. De plus, la CIA a vent d’un complot visant à assassiner également le président des Etats-Unis. Celui-ci doit en effet se rendre en Russie afin de signer un traité de désarment de l’arsenal nucléaire russe en échange d’une aide économique. Souhaitant assurer la protection du président sans pour autant empêcher la signature du traité, la CIA met en place une équipe afin de démasquer ceux qui sont derrière les risques d’attentat. Mais alors que l’équipe est encore en formation, son chef se fait abattre juste sous les yeux du héros dirigé par le joueur : l’agent Thorn. Ce dernier est donc nommé chef de l’opération à sa place et va devoir mener l’enquête à bien.
Spycraft est un jeu d’aventure assez particulier. Ici, pas de héros à déplacer manuellement dans un environnement graphique et d’interagir avec directement à la manière d’un point & click de chez Lucas par exemple. Le jeu se joue exclusivement à la souris et est extrêmement intuitif : il suffit de cliquer sur quelque chose pour interagir avec. Le jeu consiste essentiellement à utiliser les moyens informatiques et analytiques afin de collecter des informations et de progresser dans l’histoire. La progression se fait en communiquant ses découvertes au reste de l’équipe par courriel, ce qui engendre le déclenchement de nouveaux évènements, le plus souvent de nouveaux éléments transmis par les équipiers qui enquêtent aussi de leur côté. Les nouveaux éléments ainsi que les évolutions de l’histoire se font au moyen de cinématiques nombreuses qui parsèment le déroulement du jeu. A ce titre il faut préciser que c’est à une véritable petite production hollywoodienne que nous avons affaire ici, le jeu ayant été tourné avec de vrais acteurs jouant bien leur rôle (tout au moins en VO), ce qui donne de la crédibilité au titre et contribue fortement à l’immersion. Le jeu a par ailleurs été développé en collaboration avec Oleg Kalugin, ancien général-major et chef des opérations du KGB aux Etats-Unis sous Brejnev avant de tomber en disgrâce pour ses critiques envers son agence et de devenir citoyen américain ; et William Colby, ancien directeur de la CIA de 73 à 76, par ailleurs décédé dans des circonstances pour le moins douteuses peu après la sortie du jeu. Ces deux connaisseurs du monde de l’espionnage font d’ailleurs l’une ou l’autre brève apparition durant le jeu. Tout ceci contribue à faire de Spycraft un jeu sérieux et solide, loin des clichés habituels du genre.
Le joueur sera amené à utiliser les ressources de son agence, comme par exemple identifier un tireur en reconstituant la trajectoire du tir afin d’identifier la source, analyser des enregistrements audio issus de la vie privée de suspects, décrypter des messages codés, trafiquer une image afin de duper quelqu’un, etc. Il y a même une mini-séquence à la Rainbow Six ! Le jeu, qui se veut réaliste, propose même à un moment deux méthodes d’interrogation d’un suspect : une douce et… Spycraft se veut un jeu réaliste et confronter le joueur aux décisions parfois lourdes de conséquences que peuvent être amenés à prendre les agents qui travaillent à veiller sur la sécurité nationale. Les phases d’utilisation des outils d’analyse sont certainement énormément simplifiées par rapport à ce que doit être la réalité. C’est parfaitement normal puisque le jeu doit être accessible pour le grand public, mais j’aurais préféré qu’elles le soient parfois un tout petit peu moins, afin de rendre le tout encore plus réaliste et immersif. Le jeu nécessite néanmoins un minimum d’investissement. Il ne faut pas avoir peur de lire et de farfouiller dans des dossiers ou les messages audio laissés par ses coéquipiers afin d’y dénicher LA petite information dont on a besoin pour progresser. Amateurs de jeux linéaires où il n’y a pas besoin de réfléchir mais se laisser guider, passez votre chemin. Le jeu a beau être relativement linéaire, il nécessite de réfléchir pour prendre les bonnes décisions. De plus certaines d’entre elles seront lourdes de conséquence et pourront même aiguiller la progression sur une autre voie, certaines pouvant mener vers un game over fatidique. Si le jeu paraît assez tranquille au début, ne vous y trompez pas : plus vous avancerez, plus il faudra faire attention car il sera facile de perdre. Le jeu n’est pas facile mais est prenant et captivant pour qui s’intéresse un minimum à ce monde très particulier. La durée de vie du jeu est remarquable pour un titre de ce genre reposant sur des cinématiques et prouve que même des vieilles recettes généralement considérées comme obsolètes peuvent donner des résultats extrêmement satisfaisants, même de nos jours. L’intrigue est riche et complexe comme il se doit pour un titre du genre et vous aurez du mal à lâcher le jeu afin de savoir qui est derrière tout ça. Enfin, les musiques du jeu se font discrètes mais collent bien à l’ambiance, ou sont simplement absentes, ce qui n’est pas plus mal lorsque l’on a besoin de réfléchir.
J’ai découvert Spycraft il n’y a pas très longtemps et j’ai été littéralement happé par ce jeu, en dépit de son âge (près de 12 ans maintenant). Comme la plupart des jeux d’aventure, il ne faudra pas énormément de jours pour en venir à bout mais sa durée de vie reste tout à fait respectable. Il est fort dommage qu’en dépit de ce que les crédits de fin laissent entendre, il n’y ait jamais eu de suite à ce jeu. Peut-être Activision remédiera-t-il à cela un jour, car ce serait vraiment dommage qu’il n’en soit pas ainsi pour un jeu qui a été l’une de mes meilleurs surprises du jeu d’aventure / enquête, rien de moins.
Note : le jeu tourne sans problème sous Windows XP à condition d’activer la compatibilité avec Windows 98 dans les propriétés de l’exécutable et de mettre l’affichage du bureau en 16 bits, préférablement dans une faible résolution.