Depuis ses premières aventures, Sonic le hérisson bleu a malheureusement beaucoup perdu de sa superbe. Au début des années 90, il était connu comme le loup blanc. Aucun concurrent sérieux ne pouvait lui tenir tête, les insectivores femelles se pressaient pour être vues à ses côtés, et le hérisson menait à dire vrai une véritable vie de patachon. Et puis arrivèrent les déboires : le crash économique de Sega fit de lui un sans-domicile fixe. Occupés à sauver ce qui pouvait encore l’être, les programmeurs de la Sonic Team lui confièrent des missions médiocres ou incongrues, espérant que son seul charisme suffirait à tout excuser. Sonic fut même obligé de prostituer ses talents dans la petite entreprise d’un plombier qu’il n’avait jamais pu saquer, c’est vous dire à quel point notre héros était tombé bas. N’étant pas d’un naturel charitable, j’avais moi aussi délaissé la bestiole durant ses années noires, espérant que la voiture d’un chauffard, sur une obscure départementale mal éclairée, mettrait fin au plus vite à sa décrépitude. Quelle ne fut pas ma surprise, au début du millénaire suivant, de retrouver le hérisson sur PC – et en 3D s’il vous plaît - dans un soft qui avait tout l’air de tirer un trait sur plusieurs années de vaches maigres.
Avec Sonic Heroes, on retrouve un paquet de personnages secondaires issus des précédentes aventures de Sonic et, ô joie ineffable, ces personnages sont tous jouables puisque Sonic Heroes vous propose de faire votre choix parmi quatre équipes de trois personnages : la Sonic-Team avec Sonic, Tails et Knuckles ; la Dark-Team avec Shadow, Rouge et Omega ; la Rose-Team composée d’Amy, Cheese et Big et enfin, la Chaotix-Team de Vector, Charmy et Espio. Passons rapidement sur le scénario : le méchant Dr Eggman ne fait rien que d’essayer de conquérir la planète Moebius et Sonic et ses amis vont une fois de plus se dresser sur sa route. Il faut quand même noter que les quatre équipes n’ont pas systématiquement la même approche de cette problématique globale mais bon… ça ne dépasse tout de même pas le niveau d’un manga destiné aux 3 à 5 ans. Peu importe : si quelqu’un en avait quelque chose à foutre du scénario d’un épisode de Sonic, ça se saurait. L’essentiel est que, pour la première fois depuis très longtemps, on retrouve la totalité des éléments qui ont fait de Sonic the Hedgehog LA référence du jeu de plates-formes durant la première moitié des années 90 : scrollings à la rapidité démentielle, myriades de plates-formes à l’horizon, ennemis robotiques, télévisions renfermant les bonus habituels (anneaux supplémentaires, bouclier protecteur,…), système d’anneaux protecteurs, loopings, parcours en tonneau et bumpers… l’intégralité des « Sonic gimmicks » et quelques nouveautés se sont donné rendez-vous afin d’aider la petite bête à reconquérir son trône.
La principale originalité de ce Sonic Heroes est qu’on contrôle, non plus un, mais trois personnages simultanément, avec la possibilité de passer de l’un à l’autre à volonté. Chacune des quatre équipes se compose d’un héros centré sur la vitesse, d’un personnage qui mise sur la force brute et d’un personnage doté de capacités aériennes. Dans le cas de la Sonic-Team par exemple, il s’agit respectivement de Sonic, Knuckles et Tails. L’astuce est bien entendu d’utiliser au mieux les capacités du trio pour pouvoir faire face aux multiples pièges et ennemis qui se présenteront au cours de niveau. Un long parcours rectiligne se trouve devant vous ? Hop, on prend Sonic. Des blocs obstruent le passage ? Il suffit de passer le relais à Knuckles. Une falaise infranchissable empêche la progression ? Tails se fera un plaisir d’héliporter ses deux amis jusqu’au sommet. Lorsque vous contrôlez un des personnages, les deux autres se contentent de vous suivre sans chercher à attaquer les ennemis. Lorsqu’on les contrôle, chacun d’entre eux se montre néanmoins capable d’attaquer ses ennemis à sa manière et de sauter, et le personnage Grosbill est en outre capable d’utiliser ses alliés comme projectiles vivants. Chaque équipe dispose en outre, pour autant que le compteur ad hoc soit chargé, de la faculté de lancer une sorte d’attaque-combo qui détruira tous les ennemis présents à l’écran.
Chacune des équipes donne lieu à un gameplay légèrement différent et ce, bien que les stages restent tout à fait identiques. La Sonic-Team proposera un jeu très rapide ; la Dark-Team, un jeu ardu et davantage ciblé action ; la Rose-Team se destine aux plus jeunes et la Chaotix-Team fournira quelques objectifs différents comme la recherche d’objets et d’interrupteurs.
Réalisation graphique :
L’esprit Sonic est respecté à la perfection… il y a de quoi se réjouir mais aussi de quoi ergoter un peu. L’esprit Sonic, c’est un mélange de paysages paradisiaques et d’architecture futuriste. Ce sont des couleurs éclatantes mais aussi des finitions parfois brouillonnes. Sonic Heroes n’échappe pas à ce constat. Dans l’ensemble, c’est plutôt sympa, les stages sont visuellement agréables et génèrent une sympathie instinctive mais une fois de plus, tout cela manque souvent de finesse, avec des textures répétitives qui semblent parfois avoir été étalées à la grosse louche. On déplorera encore une fois que cette version PC ne soit qu’un portage vite torché des versions consoles : j’en veux pour preuve la finition grossière des petits héros et le tutorial qui vous parle de bouton X, de bouton Y, etc… !
L’esprit Sonic, c’est aussi une vitesse hallucinante, des acrobaties et autres loopings qui pourraient bien faire repasser votre petit-déjeuner. A ce niveau, c’est l’extase : le pari a été tenu sans difficultés et certaines séquences (dans le second stage par exemple) sont à vous couper l’appétit tant elles sont rapides. C’est la première fois depuis bien longtemps que le hérisson renoue avec le rythme supersonique qui avait été sa marque de fabrique dans les années 90, et Sonic Heroes pourrait bien être le jeu de plates-formes le plus rapide disponible sur PC.
Jouabilité/difficulté :
Bon là, je râle ! Je râle parce qu’un des grands points forts des Sonic d’antan a toujours été sa prise en main parfaite dès les premières secondes de jeu et l’absence totale de faiblesses dans la jouabilité. Cette glorieuse réputation a commencé à foirer avec le mal-aimé Sonic 3D sur Megadrive et des années plus tard, nous en arrivons à ce Sonic Heroes – par ailleurs plutôt sympathique – qui concentre toutes ses faiblesse dans sa jouabilité. Premier constat : ça va tellement vite qu’on éprouve quelques difficultés à bien doser les mouvements avec précision. Ce détail n’est pas gravissime : il n’est généralement pas possible de tomber involontairement du « circuit » (autrement dit, la voie principale de chaque stage, à l’exception des plates-formes) et puis, personne ne vous oblige à foncer, pas vrai ? Deuxièmement, manœuvrer Sonic en 3D reste définitivement quelque chose de plus difficile à accomplir qu’en 2D. Là aussi, il n’y a pas grand chose que l’on puisse critiquer : je trouve personnellement que TOUS les jeux de plates-formes en 3D sont moins maniables (à des degrés divers) que ceux de l’ancien temps, alors autant faire contre mauvaise fortune bon cœur. Les deux réels reproches à adresser à Sonic Heroes concernent respectivement son ergonomie et la gestion de la caméra. Dans le premier cas, les trois héros à contrôler simultanément et le nombre relativement élevé de mouvements réalisables dénaturent le gameplay simple et efficace de Sonic. Au paddle, on s’en tire encore plus ou moins mais au clavier, c’est la galère totale ! La gestion de la caméra est, quant à elle, assez foireuse : on devra à de nombreuses reprises courir quelques mètres à l’aveuglette avant que le mode de visualisation ne repasse en vue arrière. Il est cependant possible de gérer la caméra manuellement mais on aurait aimé un peu plus d’efforts de la part de Sega sur cet aspect de la jouabilité.
Son :
Esprit Sonic ici aussi ! Des mélodies endiablées, hyper accrocheuses, de classiques bruitages de jeu de plates-formes et des personnages qui n’arrêtent pas de causer entre eux. Très réussi.
En bref : 13,5/20
Sonic Heroes est un bon jeu de plates-formes, vif, défoulant et original dans son genre. On sent que les programmeurs de chez Sega ont tenté à la fois de retrouver l’essence des premiers Sonic tout en travaillant suffisamment le jeu pour le doter des multiples caractéristiques d’un jeu de plates-formes des années 2000 (gameplays multiples, bonus à débloquer, mode deux joueurs en écran splitté. Sympa, ce mode deux joueurs d’ailleurs, mais assez anecdotique). Malheureusement, il est difficile de faire l’impasse sur le manque d’améliorations de cette version PC par rapport aux versions consoles, ainsi que sur les nombreux éléments énervants de la jouabilité. Si Sonic Heroes est un des meilleurs Sonic sortis depuis bien longtemps et reste, dans l’absolu, un soft tout à fait correct et plaisant, il est encore loin de se montrer à la hauteur de la légende du hérisson bleu, dont on attend rien de moins que la perfection.