Sam, prototype du héros américain beauf et héros d’un des FPS les plus bêtement jouissifs de sa génération, revient et il est toujours aussi con ! A la fin du premier épisode, Sam grimpait à bord du vaisseau extraterrestre de la grande pyramide de Gizeh, histoire d’aller expliquer à l’infâme Mental - de préférence à la tronçonneuse - que la planète Terre n’était pas une cour de récréation pour monstres galactiques en mal d’amour. Malheureusement, la soucoupe est percutée en plein vol par un petit vaisseau transportant les programmeurs mégalocéphales de Croteam et s’écrase en Amérique du sud. Aucune importance, ce nouveau territoire est lui aussi occupée par les légions de Mental, et Sam se sent à nouveau pris de picotements nerveux dans la colonne vertébrale, signe annonciateur qu’un joli carnage s’annonce. C’est reparti pour un tour…
L’unique moteur intellectuel de Serious Sam étant l’annihilation totale de tout ce qui vit dans le périmètre de jeu, les rares missions à accomplir au cours des niveaux ramèneront le joueur à la préhistoire du FPS (trouver une clé, actionner un interrupteur, etc…). D’une manière générale, l’ouverture et l’accès à de nouveaux lieux se fera automatiquement une fois que l’on aura trucidé quelques centaines d’ennemis. Le principal reproche que l’on pouvait faire au premier épisode de la série résidait dans sa propension à générer une opposition ennemie absolument invraisemblable. Dix ennemis, ça va. Cent, ça va encore. Mais face à plusieurs centaines de créatures qui arrivent en rang serrés, il y avait de quoi fondre un plomb. Même en admettant que l’on soit un dieu de la gâchette, on passait parfois près d’un quart d’heure coincé dans une seule pièce à subir les assauts interminables de hordes de bestioles hargneuses, avant que la porte ne daigne s’ouvrir. Ici, dans l’ensemble, les développeurs ont revu leur mégalomanie à la baisse, et on ne perdra pas trop de temps au même endroit. La progression est, à ce titre, moins pénible que dans les temples égyptiens du premier épisode.
On retrouve, dans cette nouvelle fournée de saine violence, un grand nombre d’adversaires recyclés depuis le premier épisode. Ce n’est pas dramatique, vu le côté éminemment sympathique de ces bestioles. Au programme donc, le grand retour des harpies, des boucs squelettiques et de leurs irritants « cataclop-cataclop » lorsqu’ils foncent dans la mêlée, des trucs pleins de dents avec un œil unique, des espèces de mecha-homards et de mecha-scorpions équipés de canons et de mitrailleuses lourdes et, bien entendu, de mes deux petits préférés : les buffles mutants et leurs mugissements apocalyptiques, et les inoubliables et « Monty-pythonesques » kamikazes sans tête qui foncent sur Sam en hurlant comme des gorets que l’on châtre. Quelques nouvelles bestioles ont aussi fait leur apparition, comme de petites grenouilles explosives bien énervantes ou un colosse à tête de citrouille armé d’une tronçonneuse. D’accord, je vous ai fait ici un petit résumé à la sauce Kenseiden, mais de toute façon, les armes, les lieux et les bestioles font l’objet d’une entrée dans la micro-encyclopédie Serious Sam consultable à tout moment, et y sont décrites dans les moindres détails et, ce qui est encore mieux, non sans humour… ! Le jeu s’étale à travers trois lieux géographiques constitués de quatre ou cinq zones chacune. Il s’agit, dans l’ordre, d’un ensemble de lieux célèbres du pays Maya (Chichen Itza, Palenque, …), des antiques cités du Croissant fertile, qu’elles soient Babyloniennes, Assyriennes ou Perses (Persépolis, Babylone, la Tour de Babel, le Ziggourat, …), et d’un lieu reculé de l’Europe médiévale, avec ses châteaux-forts, ses villages et ses catacombes. Ne se prenant pas au sérieux un seul instant, Serious Sam 2 fait même la part belle à des séquences que l’on se serait davantage attendu à rencontrer dans un jeu de plates-formes. On citera à titre d’exemple cette séquence de plates-formes sur des ventilateurs au dessus d’un gouffre sans fond, la pièce tournoyante maya où on perd rapidement la notion du haut et du bas, les énormes boules noires dont la seule raison d’être est de transformer Sam en truc très plat et très sanguinolent ou encore, la bataille sur le lac gelé (où les déplacements seront salement glissants…),
Enfin, n’oublions pas une des caractéristiques « gadget » de Serious Sam, qui le rendait irrésistiblement attachant : l’âme philosophe de Sam. A l’instar de Duke Nukem, Sam se laisse souvent aller à l’un ou l’autre aphorisme ou à une quelconque blague vaseuse de bon aloi. C’est une fois de plus le doubleur francophone de Bruce Willis – et sa célèbre voix à la limite des intonations d’un personnage de cartoon – qui nous fait partager les convictions intimes du héros. On dit que la vie est faite de petits plaisirs…
Le premier Serious Sam était une véritable démonstration technologique de ce que les cartes graphiques de l’époque étaient en mesure de proposer : bâtiments à l’architecture complexe, jeux d’ombre et de lumière époustouflants, points de vue à filer le vertige, Serious Sam était une pure merveille visuelle, malgré le parti-pris intégralement « égyptien » des décors. Cette suite conserve un cachet absolument fantastique, même si elle souffre plus que la première de la comparaison avec les softs concurrents qui ont eu largement le temps de se hisser à son niveau technique. L’architecture des stages de Serious Sam Second Encounter provoque des sentiments contrastés. D’un côté, on est toujours aussi émerveillé par l’allure globale des constructions présentes dans chaque niveau : qu’il s’agisse des temples amérindiens et de leurs interminables escaliers centraux, de l’immensité de la tour de Babel ou des forteresses médiévales perchées sur leurs éperons rocheux, on est ébahi à chaque instant par l’harmonie architecturale des différents niveaux. D’un autre côté, on est un peu désorienté par le côté très désert des niveaux, leur atmosphère sépulcrale et l’impression que toutes ces constructions ne sont finalement là que pour faire joli, alors qu’en 2002, on était davantage habitué à des zones réalistes, avec de la vie, des événements scriptés et une certaine notion de réalisme. C’est logique : les différentes zones de Serious Sam ne sont finalement que d’immenses terrains de jeu – extrêmement bien foutus, ceci dit – pensés prioritairement pour le mode multijoueur. En solo, on se retrouve simplement à évoluer à travers ces zones sans objectifs précis et à réduire en bouillie les légions de créatures générées par l’ordinateur. Malgré ce côté un peu artificiel (qui nuit un peu à l’ambiance, mais joue-t-on à Serious Sam pour découvrir une ambiance extraordinaire après tout ?), les décors font preuve de suffisamment de recherche, sont suffisamment esthétiques et fertiles en pièges sournois pour que l’on puisse apprécier en toute simplicité le simple fait d’évoluer à travers des lieux disparus recrées avec soin pour l’occasion. Aucun intérêt de s’appesantir sur la fluidité des déplacements ou la bonne maîtrise du personnage : tout est parfait, totalement parfait. Quant à la bande sonore, elle se passe de tout commentaire. Les bruitages sont dévastateurs, les réflexions de Sam souvent très drôles et les grognements des créatures vous filent le frisson en moins de deux. On apprend vite à redouter instinctivement les hurlements des kamikazes ou le mugissement des buffles, signe annonciateur qu’il va falloir jouer très serré dans les secondes qui suivent. Et pour ne rien gâcher, on bénéficie également de quelques thèmes musicaux tout simplement mémorables : la bataille finale contre un bon million de créatures dans la grande plaine face à la cathédrale, alors que les éclairs zèbrent le ciel est un moment digne des plus grandes productions hollywoodiennes ! On sort complètement exténué d’accrochages de ce genre, mais avec le sentiment d’avoir participé à une bataille qui a marqué l’histoire !
Un peu court dans sa version solo, c’est en mode multijoueur que Serious Sam II prend toute sa saveur. Les possibilités de jeu ne manquent pas (coopératif, deathmatch, scorematch, etc…) et vu la variété des armes et l’architecture bien pensée des nombreux niveaux, on découvre mille et une façons explosives de trucider son prochain dans la joie et la bonne humeur. Depuis Rise of the Triad, on n’avait pas fait mieux que la série des Serious Sam comme FPS multijoueur débile et fendard. Malgré ce parti-pris évident, le mode solo vaut aussi le déplacement. Moins lassant que le premier en raison d’une plus grande variété des décors et d’une opposition moins absurde des adversaires, on passe un bon moment à entendre Sam divaguer à travers les ruines de civilisations disparues, et lâcher l’une ou l’autre connerie tout en explosant un monstre au lance-grenades. Néanmoins, on en fait tout de même assez rapidement le tour. Si vous n’envisagez pas de passer vos nuits à latter des concurrents humains en réseau, il y a peut être mieux que Serious Sam comme défoulement solo, mais dans le cas contraire, il est difficile de trouver plus fun.