Le monde du jeu vidéo est plein de belles histoires… Celle de Rogue dans son genre n’est pas mal… A l’origine, une bibliothèque de programmation programmée par Ken Arnold et deux étudiants, Mickael Toy et Glen Wichman qui la découvrent et décident de faire un petit jeu, histoire de voir ce qu’elle permet de faire… Rogue est né. Mickael Toy part ensuite pour l’Université de Berkeley où il rencontre Ken Arnold et continue avec lui le développement. L’Université de Berkeley, c’est justement elle qui développe BSD, un UNIX très populaire encore aujourd’hui… Inclus dans la version 4.2 de cet OS en 1980, Rogue se retrouve alors répandu dans un grand nombre d’universités de par le monde. De la rencontre entre Mickael Toy et Jon Lane naît plus tard AI Design, qui convertit et commercialise Rogue sur PC et sur Mac, avant de s’associer à Epyx. Au final Rogue fut converti sur de nombreuses plates-formes mais surtout inspira un nombre incalculable de clones ajoutant de nouveaux éléments de gameplay, les plus connus étant Moria, Nethack, Angband et ADOM (Ancient Domains of Mystery). Bref, tout un genre de jeux : le Rogue-like!
Mais qu’est-ce que Rogue? La première chose qui marque quand on lance Rogue, ce sont les graphismes… Ou plutôt, serait-on tenté de dire, l’absence de graphismes… En effet, il faut se rappeler que le jeu a été conçu à l’origine pour des terminaux… L’affichage se fait donc à l’aide de caractères ASCII, rien de plus… Cette version MS-DOS a toutefois le luxe de disposer d’un affichage en couleurs et de l’utilisation d’un jeu de caractères ASCII étendu, ce qui n’est pas le cas par exemple de la version Tandy CoCo ou BSD… Au niveau sonore c’est simple, c’est un silence absolu… En même temps, étant donné que les cartes sons n’existent pas encore sur PC à cette époque, cela nous épargne d’horripilants bruitages égosillés par le poussif beeper… Oui au niveau de la réalisation, Rogue est ce à quoi l’on pouvait s’attendre : proche du zéro absolu… Mais voilà, là n’est pas du tout l’intérêt de ce titre…
Rogue c’est une savante alchimie entre un système de jeu simple, voire simpliste, et des règles qui finalement s’avèrent bien plus évoluées qu’on ne le croit de prime abord… Dans chaque niveau, le joueur doit chercher l’escalier descendant à l’étage inférieur jusqu’à finalement trouver l’amulette de Yendor, suite à quoi il devra faire le chemin inverse. Si les labyrinthes sont invariablement constitués de salles rectangulaires reliées entre elles par des corridors, un des gros points forts de Rogue est qu’ils sont générés aléatoirement. Ainsi, il est impossible de jouer deux fois la même partie. Cela est d’autant plus appréciable qu’une partie de Rogue dure en général une demi-heure. La carte du niveau se dévoile progressivement durant votre progression. Certaines salles n’étant pas éclairées, leur topographie et leur contenu ne se révéleront pas immédiatement lorsque vous entrez dedans et votre champ de vision sera limité aux cases adjacentes du personnage.
Evidemment, les Dungeons of Doom sont remplis de tout ce qu’on peut en attendre en terme de joyeusetés : chausses-trappes (fléchettes vous blessant, trous vous précipitant au niveau suivant…) et monstres belliqueux… La faune de Rogue est relativement variée et chaque monstre, représenté par son initiale (S pour serpent, B pour chauve-souris…), dispose de caractéristiques propres en terme de force ou d’endurance. Certains sont également capables de comportement spécifiques. Par exemple, les monstres de glace (I dans le jeu) resteront immobiles alors que les orcs (O) auront tendance à protéger un objet à terre. Mais certains disposent aussi de capacités bien désagréables. Ainsi, les aquators (A) dégradent votre belle cotte de mailles flambant neuve dont vous n’aviez pas encore fini de payer le crédit ! :‘( Les nymphes (N) et les leprechauns (L) vous priveront respectivement d’un objet de votre inventaire et d’une certaine quantité d’or… L’or justement n’a aucune utilité en soit. En effet, pas de marchands (ni même de NPC) dans Rogue. Celui-ci ne servira qu’en tant que score. Bizarrement, il est donc possible d’être mieux classé dans le hi-score en étant parvenu qu’au niveau 9 alors qu’auparavant on avait franchi le niveau 12.
Heureusement, les labyrinthes ne recèlent pas que des dangers… On y trouve aussi moult objets abandonnés par les aventuriers malchanceux qui vous ont précédés… Armes ou armures bien entendu, mais aussi baguettes, potions et parchemins, disposant de pouvoirs magiques… Le problème est que vous ne connaissez pas les effets de ces objets… Deux solutions… Soit vous essayez l’objet, soit vous disposez d’un parchemin d’identification qui vous permettra d’en savoir plus… Car évidemment, tout serait trop beau si tous les objets étaient bénéfiques ! Ainsi, la belle pièce d’armure que vous venez de récupérer est peut être maudite. Non contente d’être peu protectrice, elle sera impossible à retirer sans parchemin permettant de l’exorciser. Autre problème quand on essaye une potion ou un parchemin inconnu sans l’identifier est que le message décrivant le résultat n’est pas forcément très explicite (You hear a growling noise)… Vous trouverez également des rations de nourriture, car votre aventurier a besoin, comme tout être humain - même pixellisé - , de manger. ;) Ne pas se nourrir finit par entraîner des crises d’inanition, de plus en plus fréquentes, jusqu’à la mort. Ne plus disposer de nourriture est alors un facteur de stress supplémentaire : quoi de plus idiot dans un environnement aussi hostile que de mourir de faim ? On dispose donc au final d’un assez bel arsenal d’objets à découvrir et, de la même manière que les niveaux, les caractéristiques des potions, parchemins, bagues et baguettes changent à chaque partie. Ainsi une potion rouge vous guérira dans la partie actuelle, mais aura un effet désastreux lors de votre prochaine partie. Cette redéfinition aléatoire permet une redécouverte permanente du jeu. Deux parties de Rogue ne sont décidément jamais identiques!
Les combats pour leur part sont d’une grande simplicité… Utiliser une arme de mêlée consiste simplement à se placer directement à côté de l’ennemi et à appuyer dans sa direction jusqu’à ce que lui ou vous mourriez… Chaque monstre rapporte quelques points d’expérience, le gain de niveau augmentant votre nombre maximal de points de vie. Bref, rien que du très classique. Le jeu se joue intégralement au clavier, avec une interface somme toute pratique une fois les raccourcis-clavier assimilés. Chaque touche est logiquement l’initiale de l’action qu’elle représente : w (wield) pour s’équiper d’une arme, r (read) pour lire un parchemin, e (eat) pour manger… La liste est accessible à tout moment par une simple pression sur la touche F1.
Fort étrangement, la magie de Rogue fonctionne toujours et la randomisation de la plupart des paramètres en renouvelle sans cesse l’intérêt. Le joueur devra cependant faire un effort d’imagination : les colonnades de la gigantesque salle où il se situe ne sont pas représentées et le terrifiant troll qui se précipite sur lui est un simple T à l’écran. Si on passe outre la réalisation et l’interface, chaque partie de Rogue est un excellent moment. Cela dit, il est évident qu’un jeu aussi désuet sera difficilement apprécié à sa juste valeur par beaucoup aujourd’hui, ce qui est fort dommage.
Sans surprise, le jeu fonctionne sans aucun soucis sous DosBox (testé sous la 0.63, 0.63 CVS et 0.65). Il est fort probable cela dit, qu’il tourne de manière native sous n’importe quelle version de Windows, ce que je n’ai pas essayé.