C’est marrant ça, j’enchaîne d’un coup trois des plus grosses légendes du jeu PC. Pour les ermites hippies qui auraient vécu dans une retraite navajo en se défonçant au curare ces vingt dernières années, Prince of Persia (PoP pour les intimes) est un de ces bijoux de la fin des années 80, dont la paternité est attribuée au non moins célèbre Jordan Mechner. Edité par Brøderbund, le jeu est sans doute l’un des recordmen du plus grand nombre de portages.
DÉPÊCHE-TOI MON AMOUR, J’SUIS GARÉ EN DOUBLE FILE
L’histoire du jeu tient à peu près sur un timbre-poste, en écrivant gros. Nous sommes en Perse, le sultan est parti à la guerre et c’est son vizir Jaffar qui régente le royaume, d’une main de fer dans un gant à clous. Ceci dit, pour obtenir le véritable pouvoir, il doit épouser la princesse, fille du sultan. Alors le bonhomme s’embarrasse pas de fleurs, de plans drague ou de tous ces trucs de tafioles, il lui pose un ultimatum genre « Épouse-moi ou meurs » et lui laisse une heure pour réfléchir, si tant est qu’une femme soit capable de réflexion (ça c’est gratuit).
Seule échappatoire pour la donzelle, son prince charmant… qui pour l’heure croupit dans les geôles du palais. Pourtant, un malencontreux hasard va changer la donne : une dalle de la prison s’effondre sous le poids du prince, l’envoyant au trente-sixième dessous. Plus précisément, dans les catacombes du palais. Et c’est le début des ennuis. Enfin, à l’époque on appelait ça une aventure…
ACTION, RÉACTION
Prince of Persia est un jeu d’aventure qui se compose d’une douzaine de niveaux. Chacun est une sorte de labyrinthe truffé de pièges et d’ennemis, et vous n’avez en tout et pour tout qu’une heure en temps réel pour tous les boucler.
Le prince dispose tout de même d’une panoplie d’actions très conséquente, en tout cas pour l’époque. Il peut courir, mais surtout il peut marcher (et croyez bien qu’il faudra la plupart du temps préférer cette seconde option). Il peut aussi sauter, s’agripper aux rebords, se baisser, et même se battre.
Malgré tout, en début d’aventure le prince sort de prison et se retrouve assez logiquement désarmé. Il vous faudra trouver l’épée avant de pouvoir vous adonner à des joutes tout sauf amicales face à des opposants souvent retors. Car voyez-vous, les gardes du vizir ont beau n’être pas spécialement nombreux, ils ont un certain talent la lame à la main. Vous devrez donc attaquer, mais aussi feinter, esquiver ou encore contre-attaquer. Bref, on est pas chez Mario ici, il ne suffit pas de sauter sur la gueule d’un ennemi pour s’en débarrasser.
Sans compter que certains gardes, que l’on pourrait considérer comme des boss dans d’autres jeux, ont des patterns de coups bien différents de leurs confrères. Il en va ainsi de l’insupportable obèse du niveau six par exemple.
Seulement voilà, si encore les combats étaient votre plus gros problème, PoP ressemblerait presque à une ballade champêtre. Il n’en est heureusement rien. PoP s’oriente surtout plate-forme, et vos innombrables facultés ne seront vraiment pas de trop pour venir à bout des pièges vicelards que le jeu va vous opposer : chutes de pierres, chausse-trappes et portes tranchantes seront votre pain quotidien.
Et ce n’est pas tout. Car à l’inverse de bon nombre de héros de jivés, et pour rendre PoP plus crédible, le prince se brise le cou si vous chutez de trop haut. Or, le nombre de sauts improbables qu’il va vous falloir réaliser vous place dans la peau (si l’on peut dire) d’un mort en sursis. N’oublions pas non plus que même si vous survivez à tout cela, prendre trop de temps vous vaudra quand même un game over…
Heureusement, l’aventurier que vous êtes pourra panser ses bobos d’une simple rasade de potion magique - et ce même si la plupart des pièges pré-cités vous octroient un aller simple pour l’au-delà - et pourra même augmenter sa jauge de vie grâce à certaines de ces fioles. « Merci Jordan », vous exclamerez-vous donc. Et bien ne soyez pas trop pressés de remercier cet infâme suppôt de l’Enfer, car il a non seulement placé pas mal de ces potions dans des traquenards horribles, mais en plus il a rajouté quelques fioles qui, non seulement ne vous soignent pas, mais en plus vous font perdre de la vie ! Salopard, va !
MAIS CECI NE NOUS REGARDE PAS
De deux choses l’une : ou bien vous voulez un avis objectif sur ce que vaut PoP au regard de la production actuelle, ou bien vous acceptez que ma nostalgie prenne le pas sur la « vérité vraie ». Dans le premier cas il va falloir aller voir ailleurs. Parce que bon, j’ai donné un neuf à PoP alors que je n’ai mis qu’un sept à sa suite, qui pourtant le surpasse en tous points ou presque. Oui mais dans PoP, il y a le facteur « mythe », et il est loin d’être négligeable. Alors je vais quand même essayer de jouer sur les deux tableaux, mais c’est juste pour dire.
L’histoire de PoP ne vaut pas un clou. Ça c’est un fait établi, c’est même presque un axiome. Un méchant à tuer, une princesse à sauver, rien d’extraordinaire. Un coup de nostalgie plus tard, je ne vois plus que cette ambiance qui me fait rêver des mille et une nuits malgré la piètre qualité graphique.
Parce qu’effectivement, PoP n’est même pas agréable à l’œil : la plupart des décors sont cubiques et vides, les couleurs sont peu nombreuses et les persos ne ressemblent pas à grand-chose. Un coup de nostalgie plus tard, je m’extasie encore, comme n’importe qui à l’époque, sur les déhanchés du prince et de ses ennemis, qui avaient fait une partie du succès du jeu. Mechner avait utilisé une technique particulière pour ses animations, appelée rotoscopie de mémoire, qui les rendent particulièrement fluides et bluffantes de réalisme.
Mais les mauvaises langues reviennent à la charge pour me signifier que la partie sonore est absolument imbuvable maintenant. Un coup de nostalgie plus tard… A vrai dire, là je leur accorde un point. N’empêche que c’est pas bien compliqué de couper le son, alors faudrait voir à pas pousser mémé à l’eau qu’à la fin elle se casse trois pattes à un canard, hein.
On pourra aussi ergoter sur la jouabilité particulièrement délicate du soft, sur sa difficulté rebutante pour les joueurs d’aujourd’hui ou sur sa durée de vie en fin de compte très relative (je rappelle qu’une partie complète fait 59, 59 minutes grand maximum). Un coup de nostalgie plus tard, je préfère m’appesantir sur le level-design tellement bien pensé, sur la foison d’actions possibles qui démarquaient réellement PoP de ses confrères, sur la joie (sisi) de découvrir minute après minute toutes les saloperies que Mechner a pu mettre sur notre route, et sur le plaisir que l’on éprouvait et que l’on peut encore éprouver à l’heure actuelle à refaire une partie encore et encore.
Bref, vous l’aurez compris, le monde se divise en deux catégories : ceux qui ont connu PoP à sa sortie ou presque et qui l’aiment d’amour, et ceux qui le découvriraient aujourd’hui et vont être rebutés par tous ses « défauts » sans penser à admirer ses qualités. Le problème c’est qu’au jour d’aujourd’hui, pour un vieux con nostalgique et aigri, y’a dix djeunnz atteints de Palmare Pléstéchonnite aigüe qui ne pensent qu’à péter les os dudit vieux con pour en faire de la pulpe sanguinolente… Alors ne comptez pas sur moi pour défendre ce jeu, oh ça non madame !