Amis pirates, bonsoir et hisse-et-ho évidemment ! Dans le cadre de notre cursus en forbanologie, il serait intéressant d’évoquer quelques généralités. Devenir un forban qui se respecte, ça ne s’improvise pas. Vous ne vous imaginiez tout de même pas que se coller un bandeau sur l’œil et un crochet à la patte était suffisant ? Non, pour être un véritable forban, il faut la fibre, le feeling, l’instinct… et des compétences sociales idoines. Tout d’abord, il est évident qu’un véritable forban ne se soucie guère de savoir d’où vient l’argent qu’il possède dans sa bourse. Posséder des liquidités est une fin en soi, et peu importe qu’elles appartiennent légalement à un nanti ou à un crevard. Le forban subsiste en effet en parasite sur le dos du reste de la société. Son idéal de vie est d’en foutre le moins possible, de se moquer ouvertement de la morale et du qu’en-dira-t-on et néanmoins, de vivre le plus confortablement possible en plumant les naïfs qui lui tombent entre les pattes. Contrairement à ce que prétend ce célèbre film, les forbans n’ont jamais été menacés d’extinction : ils se sont simplement reconvertis en programmeurs de jeux vidéo spécialisés en adaptations de licences cinématographiques juteuses. Parce que bon, ce Pirates des Caraïbes, je l’ai emprunté à la médiathèque du coin, me suis bien amusé avec durant toute une après-midi et l’ai rendu en éprouvant la vive satisfaction de ne pas avoir investi plus de 4€ dedans. En plus, pour être tout à fait franc, je n’avais pas entravé grand chose au scénario des deux derniers films de la trilogie : cette histoire de kraken, de prêtresse vaudou, de conseil des pirates et de cœur de boucanier à tête de calamar m’était un peu passé au dessus de la tête. Je me suis donc contenté de regarder les galions se canonner, les lames s’entrecroiser, Keira Knightley tortiller des fesses en essayant d’avoir l’air féroce et Johnny Depp faire son fafoule d’un bout à l’autre du film, ce qui est, je crois, le principal intérêt de tout cela. Toujours est-il que ce jeu d’action tiré du film semble s’appuyer sur les principales scènes des deux derniers épisodes, avec moult séquences intermédiaires histoire qu’on ne s’y perde pas. Je n’y entrave toujours rien mais compte tenu de la nature du soft, on dira que ce n’est pas bien grave.
Pour devenir le fléau des sept mers sur petit écran, rien de plus simple : il suffira d’avancer à travers une longue série de décors inspirés du film et de croiser le fer victorieusement avec les dizaines de malandrins, pirates et autres soldats de sa Majesté qui se dresseront sur votre route. Le gameplay se divise grossièrement en deux phases plus ou moins distinctes : premièrement, les séquences de pur beat them all, où on avance à travers des décors linéaires en tuant tout le monde (l’écrasante majorité des stages, inutile de vous le préciser) ; deuxièmement, une poignée de missions, comme Tortuga et Port-Royal, qui donnent l’illusion – et je pèse mes mots – que le soft ne se résume pas à une séance de tabassage en gros. Dans ces deux villes, vous pourrez discuter avec quelques personnages et vous faire confier l’une ou l’autre mission. Cet esprit « aventure » reste purement symbolique puisque les fameuses missions se résument simplement à aller ferrailler contre un personnage en particulier, et pour une cause explicable. Dans ces niveaux, il sera également possible de jouer au poker-pirate et aux dés pour se faire un peu d’argent.
Les coups réalisables par Sparrow et ses comparses sont limités : une attaque faible, une attaque forte, un coup en traître qui permet de sonner l’adversaire (par exemple, en lui marchant sur le pied ou en lui collant un coup de genou dans les valseuses), et quelques rares combos pour faire plier les adversaires plus coriaces. En démolissant barriques, coffres et autres tonneaux, les héros pourront également mettre la main sur des armes secondaires (dagues, pistolet, bombes), parfois bien utiles pour se dépêtrer d’un affrontement périlleux. Certains affrontements se dérouleront en outre sous la forme de « jackanismes ». Suivant une tendance très en vogue de nos jours, vous assisterez en spectateur à une jolie passe d’armes fantaisiste dont Jack Sparrow a le secret, et il vous suffira d’appuyer sur le bon bouton au bon moment pour réussir l’épreuve. Ces jackanismes ne sont heureusement pas indispensables à la progression mais certaines séquences en cours de jeu utiliseront le même procédé et celles-là, il faudra les réussir sous peine de se retrouver coincé. Les jackanismes obligatoires sont heureusement assez faciles à réussir. Histoire de renforcer le côté hollywoodien de l’action, le jeu vous proposera fréquemment d’utiliser certains éléments du décor pour remporter la victoire. Il suffira simplement d’actionner la commande « action » sur les cercles lumineux présents dans certaines scènes. Jack pourra ainsi tirer au canon, se balancer à une corde tendue entre deux mats, faire chuter un lustre sur un groupe d’ennemis, jeter un fruit en pleine poire d’un forban hostile, ou balancer une brouette de charbons ardents dans les rotules d’un autre.
Réalisation graphique :
Pirates des Caraïbes est une déception graphique. Malgré des décors plutôt agréables et colorés, les textures sont excessivement géométriques, et les personnages sont mal foutus aux entournures, avec des mains fixes et brouillonnes comme il y en avait il y a 6 ou 7 ans et des visages bâclés qui vont jusqu’à rendre certains personnages principaux méconnaissables. Pas de quoi en faire une jaunisse cependant : une fois au cœur de l’action, on n’y fait plus trop attention, d’autant plus que le soft accumule les séquences impressionnantes dans la plus pure tradition hollywoodienne. N’empêche qu’en 2007, on est en droit d’espérer autre chose que ce type de portage console torché à la va-vite.
Jouabilité/difficulté
Si on ne se perd pas dans les commandes et si jouer au clavier se déroule sans trop de drames, Pirates des Caraïbes fait preuve de faiblesses à ce niveau aussi. A bien y réfléchir, les combats ne sont guère passionnants. La même tactique de base (attaque/parade/attaque) fonctionne sur tous les adversaires standards, et seuls les combats contre les boss offrent un semblant d’intérêt. Pourtant, là aussi, on tourne bien vite en rond. Les combos sont en nombre très restreint et ces affrontements manquent de rythme. Pour ne rien arranger, la maniabilité est globalement imprécise mais le jeu n’offrant pas une difficulté sérieuse, ça ne fait rien. Une fois terminé, le soft a encore à vous offrir le mode défi, qui offre l’opportunité de revisiter tous les stages avec n’importe lequel des personnages croisés au cours de l’aventure, avec pour mission de récupérer le plus grand nombre de trésors ou de tuer le plus d’adversaires possibles.
Son
La bande originale du film, les doubleurs officiels, des bruitages corrects… une bonne ambiance de piraterie dans l’ensemble. On n’en attendait pas plus (ni pas moins).
En bref : 10/20
Beaucoup de défauts, quelques qualités et au final, un produit boiteux qui fait pourtant preuve d’un certain charme.
Techniquement médiocre, basique, pas très maniable et limité dans ses possibilités, Pirates des Caraïbes n’offre pas un très grand intérêt en soi. A tous points de vue, on est très loin du « Retour du Roi », sans doute le meilleur beat them up disponible sur PC. Et pourtant, à défaut de proposer un gameplay passionnant ou une réalisation hors normes, Pirates des Caraïbes propose au moins un certain sens de la mise en scène, qui parvient à faire oublier sa médiocrité visuelle. Progresser dans le jeu n’est pas foncièrement déplaisant (ne serait-ce que pour visualiser les principaux décors des films) et les stages se déroulent tambour-battant, sans le moindre temps mort. Reste que Pirates des Caraïbes demeure objectivement très inférieur à ce qu’on peut attendre d’une superproduction PC actuelle. Il s’agit à coup sûr d’un produit dérivé du film à destination d’un public un peu néophyte. Le fait qu’on puisse prendre le contrôle de la plupart des personnages du film (Jack Sparrow bien sûr, mais aussi Elisabeth Swan, Will Turner et le capitaine Barbossa, plus tous les autres en mode défi) ravira les enfants et évitera aux parents d’avoir à se farcir une séance supplémentaire au cinéma. Voici donc un pur produit de merchandising qui sent l’attrape-couillons (comme tous les produits de merchandising) mais dont on tire néanmoins un certain plaisir (comme tous les produits de merchandising aussi). A ranger entre les chaussettes, la tasse à thé et le bic fluorescent estampillés Jack Sparrow.