Second jeu d’Excellents Japan après le très méconnu May Club (dont ils n’étaient qu’éditeurs), Nocturnal Illusion est édité par le vénérable JAST, qui a effectué la majorité de sa carrière depuis le milieu des années 80 sur des machines relativement peu courantes en Occident : le PC-9801 de NEC, le X68000 de Sharp, le FM Towns… Autant dire que le jeu ne connaîtra pas la renommée malgré sa localisation aux États-Unis. Pourtant les amateurs de grivoiseries devraient se laisser tenter, parce qu’il s’agit de l’un des meilleurs jeux du genre, aux côtés de Divi-Dead avec qui il partage nombre de points communs.
Y THE LAST MAN
Shinichi Kashiwagi s’est perdu dans les méandres de la vie et cherche une échappatoire. Il décide d’aller se ressourcer en montagne, mais se retrouve piégé par une tempête de neige et finit par s’effondrer d’épuisement, au milieu de nulle part. Après un rêve des plus suaves, il se réveille dans une vaste pension où vivent à l’année de nombreuses personnes, principalement de séduisantes jeunes femmes et une charmante - quoique plus âgée - hôtesse. Cette dernière lui révèle bientôt qu’il est le messie tant attendu, qui pourra délivrer ces âmes en peine de leur prison dorée. À la force de son zguègue oui, puisqu’il s’agit d’un jeu de cul.
MOITIÉ HOMME MOITIÉ DILDO
Nocturnal Illusion est à mi-chemin entre le jeu d’aventure graphique façon Manoir de Mortvielle, et le digital comic tant apprécié des petits fripons nippons. Concrètement, il s’agira de vadrouiller d’écran fixe en écran fixe à travers les nombreuses pièces (chambres, cuisine, cave, salon, grenier…) et les extérieurs (jardin, grange, puits, portail…) de l’imposante bâtisse, d’observer attentivement votre environnement à la recherche d’éléments étranges et de participer à de nombreux dialogues, au gré de vos rencontres avec les différents protagonistes.
L’aventure s’étale sur très exactement vingt-deux jours. Les PNJ (la maîtresse de maison, la bonne et les différents pensionnaires) vivent leur vie, mais ne changent pas de place selon l’heure ou quoi. La quête est très linéaire, et si vous êtes censé rencontrer Machine à tel endroit le neuvième jour, alors elle vous attendra jusqu’à ce que vous passiez la voir. C’est là que l’on retrouve l’aspect digico un peu pénible des productions japonaises.
À chaque jour suffit sa peine, et vous devrez aider une personne à la fois. Les objectifs varient selon les personnes : il faudra aider la journaliste blasée à retrouver confiance en l’attitude masculine, libérer la bonne de ses démons de jeunesse, ou encore faire découvrir l’amour à une fillette piégée dans le corps d’une adolescente (c’est un peu limite, mais le concept est le suivant : les gens piégés dans la pension vieillissent de corps mais pas d’esprit). Le surnaturel fait aussi son apparition, avec une sirène qu’il faudra aider à rejoindre la mer, un Petit Chaperon Rouge que l’on doit protéger du Grand Méchant Loup, ou encore une jeune geisha abusée par un ignoble démon.
L’interface est des plus intuitives. Vous vous déplacez de pièce en pièce sur une petite carte située en haut d’écran, en cliquant sur l’endroit où vous voulez vous rendre. Ensuite, si la pièce est vide, vous aurez la plupart du temps le choix entre observer les lieux ou partir, le choix se faisant via un menu contextuel. De même, si une personne est présente là où vous vous trouvez, vous pourrez lui parler, écouter ce qu’elle a à dire, la questionner… Il faudra souvent effectuer la même action plusieurs fois de suite pour avoir le fin mot de l’histoire.
BORDERLINE
Ce n’est pas forcément le visuel qui parle le plus en faveur de Nocturnal Illusion. Certes, les images pornographiques, nombreuses, sont plutôt agréables à l’œil (il existe de plus un patch pour enlever le floutage, patch à placer dans le dossier du jeu, tout bêtement), mais en dehors de cela les décors et personnages, ailleurs que dans ces scènes, sont d’une banalité confondante. Qui plus est, techniquement parlant, les couleurs fadasses et la pixelisation intense déçoivent pour un jeu de la fin des années 90. Ajoutons l’absence totale d’animation et trois pauvres musiques qui se battent en duel en guise de bande sonore, et nous obtenons jusque là un jeu à peine moyen.
De même, le système de jeu est assez rébarbatif, l’obligation de cliquer plusieurs fois sur le même menu pour obtenir ce que l’on souhaite est pénible, et si le jeu semble offrir une grande liberté d’action, il est en fait très linéaire : tant que vous n’aurez pas déclenché le bon évènement, l’aventure n’ira pas plus loin. Tout cela pèse lourdement dans la balance.
Et pourtant, je le répète, Nocturnal Illusion est l’un des meilleurs jeux du genre. Sa grande force, c’est son scénario. Loin des poncifs sur les étudiantes chaudasses ou les executive women débridées, le titre d’Excellents Japan nous offre une galerie de portraits peut-être un peu poussée, mais crédible pour peu que l’on se mette dans le bain. Bien entendu, tout se solde toujours par un coup de bite, mais les situations sont originales, bien appuyées par des dialogues enlevés, et l’apparition du surnaturel vient égayer une aventure qui aurait pu rapidement se montrer ennuyeuse. Il n’en est rien ici, et s’il ne faut que quelques heures pour boucler la quête, sachez qu’il existe onze fins différentes, capables de prolonger d’autant la durée de vie du jeu.
Bon, par contre, il faut avoir envie de refaire onze fois le même parcours à la lettre près. Allez, dernier argument pour convaincre les plus sceptiques (ou les dégoûter définitivement) : il existe un deuxième patch permettant de voir certaines scènes censurées (écran noir, là, pas uniquement flouté) vraiment tendancieuses. Je ne vous encourage aucunement à l’essayer ; d’ailleurs il est bien plus difficile à trouver que le premier, parce qu’il concerne deux filles visiblement pas majeures. Cela fait partie de cette tendance qu’ont nos amis du Pays du Soleil Levant à aller très loin dans le porno, jusqu’à l’excès parfois. Mais sans ce patch-là, Nocturnal Illusion vaut la peine d’être essayé si vous êtes fans du genre.