Alors que la majorité des FPS consacrés à la seconde guerre mondiale se déroulent sur les différents fronts européens, on oublie un peu trop souvent qu’au moment où les Alliés renvoyaient les Germains en Germanie, une autre guerre tout aussi sanglante se déroulait aux antipodes, guerre qui opposait les troupes américaines (et aussi, rendons-leur justice, quelques dizaines de milliers de Britanniques, d’Australiens et de Néerlandais, sans oublier quelques millions de Chinois) aux « honorables » soldats de l’Empire du Soleil Levant, déterminés à maintenir coûte que coûte leur célèbre aire de co-prospérité asiatique. Cours d’histoire accéléré : les Japonais, occupés à grignoter le territoire chinois depuis le milieu des années 30, lancent une attaque-surprise sur la base de Pearl Harbor le 7 décembre 1941 et envoient une bonne partie de la flotte américaine du Pacifique par le fond. Dans la foulée, le Japon s’empare des colonies britanniques, néerlandaises et américaines du sud-est asiatique (Malaisie, Indonésie, Philippines) et menace l’Australie. L’effort de guerre américain inverse peu à peu la tendance. Les Japonais sont tenus en échec à Midway, à Guadalcanal et dans le golfe de Leyte et les Alliés commencent peu à peu à reconquérir les territoires aux mains des forces impériales. Les pertes très élevées encourues à Iwo Jima et Okinawa, premières terres japonaises à être envahies par les Alliés, poussent ces derniers à utiliser l’arme nucléaire, forçant ainsi le Japon à la capitulation en août 1945.
Pacific Assault s’ouvre sans transitions sur l’assaut de l’atoll de Tarawa, l’une des plus violentes batailles de la campagne du Pacifique. En moins d’une minute, vous voilà plongé au cœur du sujet : la vedette de débarquement qui devait vous transporter jusqu’au rivage se retourne à quelques encablures de la plage et voilà votre U.S. Marine – Tommy Conlin de son petit nom – obligé de patauger jusqu’à la rive parmi les cadavres et les barbelés, sous le tir de barrage des fusiliers japonais. Après quelques échanges de tir, Conlin se prend un pruneau et s’effondre. En sombrant dans l’inconscience, le jeune homme se rappelle comment il en est arrivé là. Fondu au noir sur le camp d’entraînement, deux ans plus tôt, qui sert accessoirement de tutoriel au jeu. Sous la houlette d’un sergent de marines à la pédagogie subtile, vous vous amuserez comme un petit fou à ramper dans la boue, à escalader des barrières de bois, à tirer, à poser des explosifs et à vous servir d’une mitrailleuse lourde et d’un mortier, le tout sous les réflexions du corps-de-garde de ce clone du sergent Hartmann de Full Metal Jacket. Le premier engagement réel se déroulera le 7 décembre 1941, lors de la tristement célèbre attaque de Pearl Harbor. On peut applaudir bien fort cette mission qui symbolise à elle seule tout ce qui a fait de la série des Medal of Honor une référence durant quelques années : des plans hollywoodiens, une action scriptée qui ne vous laisse pas une seconde de répit, de l’émotion, du réalisme, de grands sentiments patriotiques… la totale, quoi ! Voyez plutôt : alors que vous êtes conduits vers votre lieu d’affectation en voiture, vous reluquez les infirmières assises sur les bancs, et observez les matelots et les soldats qui jouent au baseball, matent des magazines de pin-ups ou font leur footing matinal. Sans crier gare, les chasseurs Zéro déboulent de nulle part et commencent leur œuvre de destruction. En 10 minutes, vous cavalerez sur les docks sous le feu nourri des chasseurs japs, sauterez dans une vedette rapide pour rallier un croiseur en détresse, explorerez les entrailles du navire en essayant tant bien que mal d’éteindre les incendies et d’amener les blessés jusqu’au toubib et terminerez aux commandes d’une batterie anti-aérienne à faire péter votre score d’avions abattus. Au terme de cette mission d’intro, on reprend son souffle et on entame la – très longue – série de missions qui retraceront la technique américaine du « saut de puces », stratégie utilisée pour reconquérir chaque tas de cailloux du Pacifique sud. Autant vous dire que, une fois passé le moment d’excitation de combattre dans un environnement aussi hostile qu’une jungle luxuriante, l’enthousiasme retombe vite, très vite. J’y reviendrai plus tard. Après trois ou quatre missions découpées en plusieurs séquences, vous reviendrez à l’atoll de Tarawa pour la dernière mission et redémarrerez ce débarquement mais sans vous faire obligatoirement buter sur la plage, selon une logique qui m’échappe un peu. Si vous aviez toujours rêvé de vous rejouer Iwo Jima et Okinawa, ce ne sera donc pas cette fois que vous serez comblé.
Au niveau de l’armement, on retrouve une vaste collection de pétoires de la seconde guerre mondiale, japonaises ou américaines, ainsi que plusieurs types de grenades et de mitraillettes. Réalisme oblige, on ne découvre rien qui sorte réellement de l’ordinaire et il est dommage que le jeu ait fait l’impasse sur les bazookas ou les lance-flammes, qui auraient permis de tuer avec un peu plus de variété. Comme dans le premier jeu, il est possible de récupérer et d’utiliser n’importe quelle arme trouvée au sol. Pacific Assault se dissocie davantage du premier épisode au niveau des soins. Si on tombe occasionnellement sur une trousse médicale, récupérer de l’énergie se fera habituellement en gueulant pour que Sullivan, le médecin de votre escouade, vienne vous rafistoler fissa. Le médecin ne peut cependant pas être appelé à volonté (cinq fois par mission, normalement) et il faudra donc user de cette possibilité avec parcimonie. Si votre énergie tombe à zéro, vous vous écroulerez au sol, paralysé, mais Sullivan vous rejoindra rapidement pour vous remettre sur pied. Il est donc difficile de mourir dans Pacific Assault mais si par malheur, vous tombiez en plein combat et que Sullivan ne pouvait vous rejoindre sous la mitraille, il y a fort à parier que le premier soldat jap qui arrivera à votre niveau vous achèvera d’un bon coup de baïonnette dans le bide. Dans le sens contraire, il vous est possible d’embarquer un soldat blessé sur votre épaule et de l’emmener en sécurité près de Sullivan pour qu’il le soigne. Ça ne sert pas à grand chose à vrai dire… en dehors d’une petite touche de réalisme supplémentaire car on remarque bien vite un illogisme récurrent dans le gameplay : vos camarades de front sont de vrais surhommes. Ça, pour vous aider, ils vous aident ! Souvent, vous aurez même le plaisir de constater que l’un d’eux abattra au dernier moment le Jap qui vous fonçait dessus sabre au clair. Mais ces types sont viscéralement indestructibles : ils peuvent se prendre un pruneau dans la tempe ou sauter sur une grenade, il suffira que le doc leur fasse une petite piqûre et leur colle un pansement sur la fesse et ils se relèveront tous guillerets pour repartir à l’assaut. De plus, quand vos potes se retrouvent sonnés, les japs ont une étrange tendance à ne pas chercher à les achever. D’un côté, cela facilite beaucoup la progression; d’un autre, ce n’est pas très réaliste pour un jeu qui prétend justement mettre cette caractéristique en avant. Autre nouveauté : la possibilité de donner des ordres simples à vos coéquipiers (« avance », « recule », « couvre-moi »). En pratique, ça ne sert absolument à rien.
Revenons à ce qui coince dans Pacific Assault. Le problème récurrent de la série des Medal of Honor, c’est que tout y est scripté, très scripté. On « subit » donc les événements en cheminant le long du fameux « corridor virtuel » mais le fait qu’il s’agisse ici de jungles, de jungles et encore de jungles nuit quelque peu au plaisir de jeu. Oubliez donc les bocages, manoirs de campagne, forêts enneigées et autre gares de triage : ici, tout se déroulera sempiternellement dans des paysages constellés de palmiers, de buissons, de ruisseaux tropicaux et de villages de bambous, et on finit par avoir un peu l’impression de rejouer toujours la même mission, d’autant plus que les conscrits japonais qui vous font face n’ont même pas l’excuse d’être particulièrement variés visuellement. Au niveau du déroulement de l’action, Pacific Assault tente bien d’insuffler un minimum de rebondissements, avec des contre-attaques sauvages de la part des Nippons dès que vous avez réussi à vous emparer d’un objectif mais là aussi, la sauce ne prend que moyennement.
Ce manque de variété visuelle et ludique aurait cependant pu être excusable si Pacific Assault s’était démarqué par un sentiment de liberté total ou des ennemis d’une intelligence hors du commun mais c’est loin d’être le cas. Contrairement à son collègue teuton, le soldat nippon est fourbe et sournois et – ce qui est plus grave – complètement suicidaire. Fourbe parce que, non content de porter un uniforme vert dans un contexte tropical, l’honorable soldat impérial prend un malin plaisir à se planquer dans les broussailles ou au sommet d’un palmier pour allumer tranquillement le ranger qui passerait dans son champ de vision. Suicidaire car, une fois trop proche de vous pour viser correctement, il se jette sur vous en hurlant « Banzai » et tente de vous éventrer à coup de baïonnette. Ces cinglés ont même parfois tendance à se faire sauter à la grenade à votre approche ! Cette étude approfondie de la psyché du soldat jap en milieu tropical nous amène à l’évaluation de l’I.A. des adversaires, qui fournit quelques raisons de râler. Si les rencontres avec les troupes adverses sont variées (en patrouille, retranchés derrière des sacs de sable, en voiture sur une piste forestière, …), ces militaires se contentent de vous tirer dessus sans vraiment chercher à vous prendre à revers ou à élaborer des stratégies complexes. Le côté très luxuriant de l’environnement fait parfois illusion au niveau de la richesse des confrontations mais on se rend vite compte que les ennemis n’en ont guère dans la caboche. Leurs attaques suicides en sont une autre preuve : si les soldats nippons d’il y a 60 ans n’étaient pas renommés pour leur sens de la mesure et leur instinct de survie surdéveloppé, le bushidô n’explique pas tout non plus. La végétation environnante, quoique réussie, n’offre pas autant de possibilité de camouflage et de dissimulation qu’on aurait pu s’y attendre. Autre illogisme : les japs vous repéreront parfois à cinquante mètres alors que vous rampez dans les fourrés alors qu’en d’autres circonstances, il ne vous remarquent même pas alors que vous êtes débout juste à côté d’eux. La seule séquence qui sorte réellement de l’ordinaire est l’avant-dernière mission. Aux commandes d’un chasseur de l’US Air Force, il faudra détruire des installations japonaises sur un atoll, puis couler un porte-avion et un destroyer. Une séquence plutôt fun mais très courte, très basique et peu maniable.
En bref : 11,5/20
La note est vacharde, je sais, mais Pacific Assault est une véritable déception, d’autant plus cruelle qu’on attendait beaucoup d’un tel jeu. Pourtant, il n’est pas exempt de qualités. Graphiquement, le jeu tient la route. La jungle est très bien reproduite (à côté d’un Far Cry qui se déroule dans le même genre d’environnement, Pacific Assault fait un peu pâle figure, mais ça reste quand même pas mal du tout en soi), les environnements sont crédibles et on retrouve à l’occasion ce côté « Film de Jerry Bruckheimer » qui excuse beaucoup de choses dans ce genre de soft. Certaines missions font également preuve d’une violence et d’une sauvagerie à vous laisser tout pantelant au bout de trois minutes. Prenez Tarawa par exemple : avec des explosions dans tous les sens, un rythme qui ne faiblit jamais, des Japs qui beuglent à n’en plus finir et vos propres camarades qui lancent ordres et contre-ordres sans discontinuer, le tout sur fond de musique wagnérienne pleine de violons, on en prend plein les yeux et les oreilles et on a réellement l’impression de se retrouver plongé au cœur de cette saloperie de conflit. Mais malheureusement, ces quelques attraits ne suffisent pas à gommer les irritantes faiblesses du jeu. Pour commencer, c’est visuellement répétitif : on aurait aimé quelques environnements urbains ou semi-urbains, voire même une montagne, un lagon… bref, un truc qui change un peu de la forêt vierge. Deuxièmement : les missions ne sont pas des plus passionnantes : le schéma « avancer, prendre le village, se retrancher, repousser la contre-attaque, avancer plus loin » rencontre bien vite ses limites. Il aurait certainement été possible d’élaborer des objectifs un rien plus passionnants. J’oubliais de vous dire que les ennemis sont très peu variés, que quelques pièges vicieux (comme dans Vietcong : des trappes, des grenades reliées à une ficelle entre deux arbres, etc.) n’auraient pas été de refus et qu’on remarque pas mal de bugs graphiques un peu dérangeants.
Mais la principale déception tient à l’I.A. ennemie, très limitée, ainsi qu’à un manque de logique dans certains comportements ennemis ou alliés. Avec un tel background, on aurait pu injecter une forte dose d’infiltration et de discrétion dans le gameplay mais il faut bien reconnaître que la végétation est bien davantage décorative qu’interactive. Pacific Assault reste un soft désespérément bourrin et basique, qui souffre en outre d’être bien trop facile dans les niveaux de difficultés inférieurs et bien trop difficile dans les autres. Qu’il soit inférieur à Call of Duty est inévitable mais je trouve personnellement que le premier Medal of Honor était lui aussi bien plus intéressant.