Nouvel avatar de la série des Medal of Honor, Medal of Honor : Airborne va vous faire découvrir la rude vie d’un conscrit de la fameuse 82ème division aéroportée. La genèse du dernier-né parmi les FPS à gros budget part d’un constat très simple de la part de l’éditeur Electronic Arts : la renommée de cette série légendaire, en son temps une référence du genre, s’étiolait tout doucement depuis quelques années, notamment en raison de l’arrivée de challengers de poids comme Call of Duty. Faut dire que le principal argument de vente des softs estampillés Medal of Honor était également leur principale faiblesse : la mise en scène hollywoodienne et ultra scriptée des différentes missions donnait l’impression, la première fois, d’être partie prenante d’un film de guerre produit par Bruckheimer. Une fois le jeu terminé, lorsqu’on se décidait à retenter l’aventure, on avait surtout l’impression de se mater le film une deuxième fois, en sachant à l’avance comment les choses allaient se dérouler. Les environnements étaient si variés, et l’action si riche en rebondissements et péripéties scriptées que les différentes séquences restaient gravées en mémoire… tout comme restaient gravées en mémoire la position des tireurs adverses ou la direction par laquelle allait débouler le char Tigre. Du coup, on y rejouait sans guère de ‘thrill-effect’, tant la progression devenait vite automatisée et sans surprises. C’est pourquoi Electronic Arts, avec ce Medal of Honor : Airborne, est fier de vous présenter l’élément qui va bouleverser radicalement les bases même du FPS, générer des parties radicalement différentes d’une fois à l’autre, raviver l’intérêt pour le label Medal of Honor et renvoyer dans les jupes de leurs concepteurs tous les concurrents impudents. En théorie, du moins. Cet élément, c’est le saut en parachute sur le théâtre des opérations.
Avant chaque mission, vous sauterez donc en parachute d’un avion de l’US Air Force et descendrez lentement vers votre objectif en admirant au passage le panorama de la zone de combat. Les secteurs sécurisés sont signalés par des fumigènes verts : à vous de manœuvrer votre parachute pour atterrir à l’endroit souhaité. Bien sûr, si vous avez des pulsions suicidaires, rien ne vous empêche d’atterrir au beau milieu des positions ennemies. Un tel acte de bravoure se soldera généralement par un décès aussi rapide que brutal, le combattant allemand moyen n’ayant que rarement la courtoisie d’attendre que vous vous dépêtriez de votre toile pour vous coller une balle dans la nuque. Malgré l’apparente liberté, les possibilités d’atterrissage sont donc fort limitées en pratique. Une fois au sol, les différents objectifs assignés à votre groupe de paras pourront être conquis dans l’ordre de vos préférences. De facture tout à fait conforme à la série, ces objectifs vous feront anéantir chars d’assaut, caches de munitions, batteries Flak et centrales électriques, couper les réseaux de communications de l’ennemi, sécuriser une zone précise ou encore, repousser une contre-offensive des troupes de l’Axe. Il n’existe pas de méthode particulière pour mener votre mission à bien : quel que soit l’ordre dans lequel vous vous lancerez à l’assaut des objectifs ennemis, vous rencontrerez toujours sur votre route des collègues parachutistes qui vous aideront à neutraliser les positions adverses (dans la mesure de leurs faibles capacités, mais ceci est un autre problème…).
Les six campagnes proposées par Airborne se déroulent respectivement dans un village sicilien, sur le site archéologique de Paestum, sur la côte normande (dans un village en ruines et dans le dédale de tranchées et de blockhaus du mur de l’Atlantique), dans le centre dévasté de Nimègue (dans le cadre de l’opération Market-Garden, aux Pays-Bas) et enfin, dans la Ruhr pour la conquête et la destruction d’une usine d’armement et d’une gigantesque tour de défense antiaérienne. La douzaine d’armes disponibles (fusils sniper, mitraillettes, fusil à pompe, etc.) ont été reprises des autres épisodes de la série, l’unique différence étant qu’il faut en sélectionner trois avant de partir en mission. Une fois dans le bain, ce choix n’a de toute façon guère d’importance puisqu’on peut récupérer n’importe quelle arme sur n’importe quel cadavre. Au cours de ces six missions, vous serez confronté à une dizaine de militaires ennemis différents, des Chemises Noires italiennes en guise d’amuse-gueule jusqu’au SS d’élite qui semble être bâti en titane tant il peut se ramasser rafale sur rafale sans s’écrouler. Heureusement, lorsque vous parvenez à abattre cinq ennemis en un laps de temps très réduit, vous bénéficierez d’une espèce de Bullet-time, un peu incongru compte tenu de l’esprit réaliste du jeu, mais qui aura au moins le mérite de vous permettre de causer de véritables ravages dans les rangs ennemis pendant une dizaine de secondes.
Après cette description succincte des éléments qu’Airborne est en mesure d’offrir au joueur, attelons nous à démonter méthodiquement la réputation usurpée de ce FPS qui ne répond malheureusement pas aux espoirs placés en lui. A première vue pourtant, Airborne semble d’une bonne tenue générale. Les six environnements sont, il est vrai, plutôt réussis, tout particulièrement le village en Sicile et la ville néerlandaise dévastée. On appréciera la quête de réalisme qui a guidé leur conception, les multiples recoins, amoncellements de débris, maisons à moitié en ruines et éléments de végétation qui permettent de la jouer plus finement, en privilégiant l’infiltration discrète ou le sniping sournois depuis une position située en hauteur. Les sprites sont bien foutus… encore qu’ils ne soient pas aussi variés qu’on aurait pu l’espérer, et le sentiment de liberté conféré par ces nouveaux environnements ouverts est plutôt probant. Le problème, c’est qu’Electronics Arts a fait tellement de foin avec cet Airborne qu’on n’attend de lui rien de moins que l’excellence à tous les niveaux. Et à ce compte là, on est tout de même très loin du sans-faute intégral. Toute plaisante qu’elle soit, la réalisation technique d’Airborne marquera moins son époque que celle d’Allied Assault. C’est bien foutu mais pas exceptionnel compte tenu des capacités des PC actuels… et les nombreux bugs graphiques et autres approximations ne font que renforcer cette impression. De plus, à l’exception des deux missions citées plus haut, les quatre autres environnements n’ont rien de très enthousiasmant. Bunkers et usines bétonnées n’ont rien de plus éblouissant à proposer en 2007 qu’en 2002. Les quelques détails ayant fait l’objet d’un soin particulier (le rendu de l’eau, la vision qui se trouble lors des séquences riches en adrénaline,…) ne sont pas suffisants pour compenser la légère déception face à la réalisation d’Airborne.
En dépit de l’impression de liberté qu’il donne, Airborne reste tout de même assez linéaire. J’entends par là que les possibilités d’atterrissage étant par définition limitées, l’ordre dans lequel on abordera les objectifs n’a finalement aucune importance. Tant qu’à faire dans la révolution ludique, il aurait été intéressant d’avoir des objectifs dynamiques, par exemple la prise de telle ou telle position dans un laps de temps restreint sous peine de déclencher l’arrivée de renforts. Au lieu de cela, le choix se limite à privilégier l’objectif 1 par rapport à l’objectif 2 sans que rien ne vienne récompenser ou punir cette décision. Les quelques rebondissements prévus par le jeu sont tout aussi scriptés que dans les autres exemplaires de la série. A Nimègue par exemple, le char d’assaut arrivera toujours à l’ouest, une fois l’objectif X rempli. Et puis, quand on y réfléchit deux minutes, Call of Duty II proposait déjà une poignée de missions qui offraient une liberté de mouvement totale et une progression laissée au libre arbitre du joueur, sans recourir pour autant à la grosse ficelle du parachutage. En fin de compte, cet aspect du gameplay d’Airborne n’est qu’un gadget. Un très joli gadget mais un gadget tout de même.
Tout cela ne serait pas très grave si l’action offrait un défi à la mesure des ambitions affichées par le soft. Il n’en est rien, malheureusement. Tout d’abord, Airborne est court, terriblement court. Un pléonasme quand on parle des Medal of Honor mais dans le cas présent, ces six malheureuses missions seront bouclées en moins d’une demi-journée ! Vous me direz qu’il reste le multijoueur, aussi efficace et intéressant qu’un autre. Il a bon dos, le multijoueur… d’autant plus qu’il ne propose rien de novateur par rapport à celui de ses concurrents. Même le mode qui inclut le parachutage s’avère anecdotique une fois les premières parties effectuées. Bien plus grave est l’absence de soins accordés à l’intelligence artificielle des ennemis et des alliés. Globalement, les soldats ennemis agissent de façon assez primaire : il se contentent de se planquer derrière des caisses, de balancer des grenades et de tirer avant de se planquer, sans essayer d’élaborer des stratégies plus complexes. De plus, on a un peu trop souvent affaire à ce que je nomme «le vertige du Front chez les bots», avec des militaires qui foncent sous votre feu de manière suicidaire ou tournent en rond sans même penser à vous aligner dans leur viseur. Vos alliés ne sont pas mieux lotis : rigoureusement inutile, la fine fleur de la 82ème gaspille un nombre incroyable de munitions sans toucher la moindre cible, et ne semble pas capable de prendre la moindre décision si vous ne menez pas l’assaut vous-même.
En bref : 13,5/20
Aguichant à première vue, Medal of Honor : Airborne est une relative déception. Le pivot principal du gameplay n’influe que très peu sur le déroulement des opérations et pour le reste, on retrouve les éléments habituels de la série sans les innovations attendues. Bien que la réalisation demeure correcte, le manque de rythme des missions et l’I.A. lamentable des bots déçoivent, alors même qu’Airborne prétendait à une rénovation totale des principes ludiques de la série. Hormis l’évolution technique, on peut affirmer sans trop se tromper que bien peu de choses ont changé depuis le premier Medal of Honor. Airborne est, au mieux, un épisode sympa mais beaucoup trop court de Medal of Honor ; au pire, un gros pétard mouillé.