Alors que l’inoubliable deuxième volet de la trilogie se préparait à inonder les salles obscures du monde entier, les éditeurs de jeux vidéo se livraient eux aussi à une concurrence sans merci et fourbissaient les armes afin de conquérir les joueurs assoiffés de Terre du Milieu virtuelle. D’un côté, le poids lourd Electronics Arts se préparait à sortir sa version hollywoodienne des « Deux tours ». En face, plus mesuré, Vivendi concoctait tranquillement sa version personnelle de « La Communauté de l’Anneau ». Au lieu d’être inspiré du premier film de Peter Jackson, La Communauté de l’Anneau va chercher son script directement dans le roman de J.R.R. Tolkien. Ainsi, contrairement à ce qu’on pouvait voir dans le film, on ne loupera pas la rencontre avec Tom Bombadil et Baie d’Or, pas davantage que l’affrontement contre le Vieil homme-saule ou les terribles créatures des Hauts des Galgals. Quelques petites incohérences sont à dénoter mais globalement, il est assez agréable de progresser à travers Eriador selon un autre point de vue que celui imposé par Peter Jackson.
Les trois personnages que vous dirigerez seront alternativement Frodon, Aragorn et Gandalf. Avec Frodon, on ne dispose au départ que d’un bâton peu utile pour le combat et de petits cailloux qui servent davantage à détourner l’attention qu’à blesser les adversaires. Frodon peut également se rendre invisible grâce à l’anneau, mais cette capacité ne sera pas souvent mise à contribution. Aragorn est le combattant type, armé d’une épée et d’un arc. Quant à Gandalf, il dispose également de capacités de combats efficaces et de la possibilité d’utiliser la magie grâce à la mana que l’on récupère un peu partout. Les autres personnages (Sam, Merry, Pippin, Legolas, Gimli et Boromir) sont des alliés non jouables. Ils vous aident à affronter les différentes créatures hostiles des Terres du Milieu mais, à l’inverse d’un jeu comme « Le Retour du Roi », parviennent rarement à en tuer une par eux-mêmes. Fort heureusement, ils sont également invulnérables et ne risquent pas de tomber au champ d’honneur si vous les abandonnez à leur sort. Leur rôle est à vrai dire surtout décoratif, histoire de donner aux affrontements le look de véritables batailles rangées.
The Fellowship of the Ring se résume principalement à un beat them up qui prend place dans des décors inspirés par le chef d’œuvre de Tolkien. Certes, on doit bien se taper quelques courtes missions dans la Comté au départ, quelques autres micro-quêtes dans les niveaux suivants (comme retrouver les Hobbits égarés dans Bree, ou aller actionner différents leviers dans la Moria) mais dans l’ensemble, la progression se résume à avancer à travers les lieux célèbres de la trilogie, en cherchant plus ou moins son chemin (généralement très facile à trouver) et en combattant ou en fuyant les nombreux orcs, loups et autres trolls qui rôdent à travers les niveaux.
Néanmoins, quelques passages littéralement magiques rehaussent l’intérêt de ce jeu d’action plutôt classique dans son déroulement. Par exemple, après quelques petites missions simples dans la Comté, il faudra quitter celle-ci discrètement de nuit, alors que les Nazgûl patrouillent déjà dans Hobbitebourg. Comme Frodon porte l’anneau, les terribles serviteurs de Sauron se dirigent instinctivement vers lui dès qu’il se rapproche trop près d’eux. Il faudra donc ruser, se dissimuler, voire même jeter des pierres pour détourner leur attention avant de filer à toutes jambes vers la liberté !
Si les graphismes ne sont, qualitativement, pas les plus exceptionnels qu’on ait pu zyeuter sur PC à cette époque (on en est même loin et le portage paresseux des versions console est assez voyant…), certains décors et perspectives possèdent néanmoins un charme indéniable. Le peu que l’on voit de la Comté correspond tout à fait à l’idée qu’on pouvait s’en faire en dévorant les romans. Le lac tranquille devant la Porte de la Moria est de toute beauté, tandis que l’approche, à travers les collines, de la vieille forteresse à l’est de Bree suscite un véritable enthousiasme chez le fan moyen. Il est par contre assez difficile de se détacher des personnages incarnés dans le film. Qu’on le veuille ou non, on cherche instinctivement les ressemblances entre le Frodon de ce soft et Elijah Wood, ou entre la version d’Aragorn présentée ici et Viggo Mortensen (elle est où sa barbe, à Aragorn ??). Certains de ces personnages sont en plus assez moches (Boromir et Galadriel ne ressemblent pas à grand chose). Même remarque pour la bande sonore : les bruitages sont discrets mais efficaces et les thèmes musicaux sont vraiment réussis, mais les films ont tant marqué les esprits qu’on s’étonne à chaque pas de ne pas entendre l’inoubliable thème composé par Howard Shore. Question animation, c’est très fluide mais on râlera quand même sur deux points. Tout d’abord, les personnages ont des traits et des expressions assez fixes. Il arrive souvent que l’on assiste à de courts dialogues entre les personnages où ils apparaissent en gros plan. On constate alors que Frodon, qu’il évoque avec nostalgie la Comté ou s’inquiète de la progression des orcs, garde perpétuellement une expression d’ado abruti par la TV, tandis qu’Aragorn parle toujours en plissant les yeux et en fronçant les sourcils d’un air entendu. Ca fiche parfois une drôle d’impression, quand on constate que l’expression des personnages ne colle pas du tout avec les événements. Plus gênant, la gestion de la caméra n’est pas toujours au top et quand le personnage longe une paroi, il se retrouve parfois tout à fait en dehors du champ de la caméra. Plutôt gênant quand deux orcs en goguette décident justement de débarquer à ce moment là. Heureusement, cela ne nuit pas trop au bon déroulement de la partie la plupart du temps.
Au final, la Communauté de l’Anneau à la sauce Vivendi est un jeu d’action plutôt humble par rapport à ses concurrents directs de chez Electronics Arts. Avec sa réalisation moyenne et son rythme pas trop ébouriffant, il ne peut clairement pas soutenir la comparaison contre son rival. Pourtant, il se dégage un étrange charme de cette aventure. Alors que l’action reste assez commune et guère remuante dans la plupart des lieux visités, on apprécie curieusement cette balade dans les Terres du Milieu revisitées. Malgré de nombreux défauts et un manque d’ambition manifeste, voici un excellent petit jeu sans autre prétentions que d’offrir un aperçu non exhaustif des merveilles des Terres du Milieu.