Loom est le cinquième jeu de LucasArts à utiliser le légendaire moteur SCUMM, et il est sorti entre les deux premiers Monkey Island. La période dorée des point ‘n click que représente le début des années 90 se dotait là d’un jeu d’aventure particulièrement réussi. Démonstration :
EST-CE QU’IL VA ME FAIRE UN CYGNE ?
Vous êtes Bobbin Threadbare. Vous avez dix-sept ans, vous êtes orphelin pour autant que vous en sachiez, vous portez sans cesse un capuchon sur la tête et vous vivez sur une île paumée dans la Guilde des Tisserands.
Jusqu’ici c’est pas terrible. Bonne nouvelle, ça va pas s’arranger ! En effet, écoutant en secret le conseil des anciens s’expliquer sur votre cas, vous apprenez qu’ils vous accusent de tous les maux qui frappent l’île, et qu’en guise de punition les sages décident de transformer votre tutrice en cygne.
Manque de pot, le sort tourne mal : votre tutrice retourne carrément au stade d’œuf, alors que les anciens se voient à leur tour changés en cygnes par un choc en retour inexplicable. Vous voilà désormais seul au monde, avec une simple quenouille (non, ce n’est pas sale) magique pour compagne.
CLEF DE SOL
Loom est donc un jeu d’aventure du genre point ‘n click (décidément j’ai l’impression de tester que ça en ce moment), où vous vous déplacerez d’écran en écran à travers une vingtaine de lieux aussi disparates qu’une ville de verre vert, une bergerie, un volcan éteint, ou encore une forteresse surchauffée.
Vous déplacerez Bobbin simplement, en pressant le clic gauche de votre souris sur la destination choisie, voire sur le bord de l’écran pour passer à l’écran suivant. Par contre, point d’actions à choisir afin d’interagir avec votre environnement, le traditionnel bandeau en bas d’écran ne représente que votre quenouille et une partition musicale.
Et inutile de chercher. Le clic gauche ne sert qu’à se déplacer, le double-clic à observer un endroit du décor et le clic droit à rien du tout. Oubliez tout ce que vous connaissez des point ‘n click, Loom ne joue pas sur un système d’objets à ramasser et à réutiliser plus tard.
Au lieu de cela, vous n’avez que votre quenouille. Vous devrez apprendre des sorts en observant votre environnement, puis les utiliser en jouant de la musique (en cliquant directement sur la partition).
Pour mieux comprendre, voici un exemple. En début de jeu, vous ferez tomber une flasque, qui se mettra à jouer quatre notes, G, F, F et E (correspondant en France à sol, fa, fa, mi). Plus tard dans le jeu, vous pourrez donc réutiliser ce sort, appelé Sort de Vide, pour assécher une mare d’eau stagnante.
Seulement voilà, le terme « plus tard » prend tout son sens lorsqu’on sait qu’au départ, seules les lettres C, D, E et F (do, ré, mi, fa) sont utilisables. Ce n’est qu’en cours d’aventure, après avoir réalisé des progrès significatifs, que vous obtiendrez les autres notes.
De fait, le jeu était accompagné à sa sortie d’un petit carnet où l’on pouvait noter les sorts que l’on avait appris. Notez qu’il y a en tout vingt-huit sorts, et que certains sont réversibles (le Sort du Sommeil peut ainsi être joué à l’envers pour réveiller quelqu’un par exemple).
QUAND LA MUSIQUE EST BONNE
Un peu oublié aujourd’hui alors qu’il a connu son heure de gloire à sa sortie, Loom a tout pour lui. A commencer par un scénario pas très original (le coup du fils prodigue, on a tous déjà vu ça) mais assez épique, et c’est pas rien d’écrire une histoire épique pour un jeu aussi statique qu’un point ‘n click.
L’univers de Loom est en outre très sympathique, et son héros est fort charismatique (de toute façon un magot encapuchonné je kiffe, quoi qu’il arrive). Les graphismes sont particulièrement léchés même si la vue est souvent lointaine, rendant les personnages tout petits. Enfin, les 256 couleurs du VGA sont absolument toutes utilisées je pense, ce qui nous donne des arrière-plans souvent très agréables à l’œil, des vitraux somptueux et, fin du fin, un métier à tisser de toute bôôôôté.
Les animations sont également superbes, et histoire de parfaire une réalisation globalement irréprochable, la partie musicale est splendide. C’aurait été un comble tu vas me dire, pour un jeu qui s’appuie en grande partie là-dessus. Le joueur découvrira donc, ou redécouvrira, de grands airs de Tchaïksov… Tkaich… Schtaï… de musique classique qui accompagnent à merveille l’aventure. Non en fait, c’est le contraire. Ce sont les images qui accompagnent la musique, un peu comme dans Fantasia. Loom est donc plus qu’une aventure, c’est un conte musical.
Et la jouabilité est à la mesure de la réalisation. Le bandeau est utilisé de manière originale, renforçant encore l’aspect musical de l’œuvre. Ce système possède de nombreux avantages : il joue sur la capacité d’observation du joueur, il offre une plus grande richesse dans les actions proposées et il permet un apprentissage progressif, véritable corolaire d’une quête aussi aventureuse que celle que propose Loom.
Rien à redire concernant ce formidable point ‘n click donc, pas même concernant sa difficulté. LucasArts a eu la bonne idée de proposer trois niveaux de difficulté (les notes brillent sur la quenouille ou non, il faudra donc le cas échéant écouter les notes pour les reproduire). Seul défaut du jeu, la durée de vie n’excède pas les deux heures de jeu. Mais comme c’est une sorte de marque de fabrique chez Lucas, on ne peut pas vraiment parler de surprise.
Loom est donc une franche réussite. Moins délirant que le reste de la production de ses géniteurs, le jeu se veut avant tout une expérience assez unique. Et il est indéniable que le pari est remporté haut la main. Ça y est, je suis encore amoureux.