Après qu’il se soit imposé sur le Xbox Live Arcade comme un des titres majeurs de cette plate-forme de téléchargement, et après avoir raflé au passage une myriade de prix comme, par exemple, jeu indépendant de l’année (!), voilà que ce curieux titre de plates-formes / réflexion 2D de Playdead Games (société basée à Copenhague au Danemark) s’incruste sur PC pour apporter un vent de fraîcheur à cet été 2011.
Le créateur principal de cette perle vidéoludique est Arnt Jensen, ex-employé de IO Interactive, studio connu principalement pour la série Hitman mais aussi Freedom Fighters, Kane & Lynch, etc.
Limbo, ou Les Limbes (du latin limbus, « marge », « frange ») désigne dans la religion catholique un lieu cauchemardesque de l’au-delà, proche de l’enfer, où les faibles rayons de lumière pénètrent les ombres opaques. Ça désigne aussi un état psychologique confus.
Le ton est donné dès le tout début, sans aucune explication préalable et en l’absence totale de narration, en plus d’un silence déconcertant. Et puis deux yeux illuminent ce monde flou, ceux d’un jeune garçon auquel on s’identifie tout de suite, courageux et naïf, prêt sans le savoir ni vraiment le vouloir à commencer son voyage initiatique et affronter de multiples dangers et pièges comme il affronte son destin. Tout ça en étant très vulnérable, car il n’est muni d’aucun équipement mais seulement de son astuce pour survivre dans un tel endroit hostile et onirique. Car oui, ici l’objectif principal - outre le fait que le héros cherche sa sœur perdue - est la survie ; et chaque erreur ou mauvais pas est immédiatement sanctionné, souvent par une mort atroce, mais sans jamais afficher un « Game Over », comme si le cauchemar ne cessait de se répéter continuellement.
Les commandes sont simplissimes car tout se fait avec un seul bouton d’action, en plus des boutons directionnels (ça nous rappelle l’époque Amiga !), qui sert ici principalement à utiliser ou déplacer un objet du décor.
D’un côté purement ludique, la force majeure du titre - outre son ambiance particulière et oppressante et sa conception visuelle maîtrisée, peaufinée par des bruitages remarquablement bien composés qui compensent l’absence d’un thème musical prononcé - réside dans les énigmes bien réfléchies et ingénieuses, qui se suivent sans jamais se ressembler ni établir une quelconque répétitivité ou routine, et qui restent malgré tout toujours bien lisibles, même si on ne distingue généralement que la forme des objets avec lesquels on interagit. Car le jeu est entièrement nuancé en noir et blanc, avec beaucoup d’effets de lumière ternes qui ajoutent un plus à l’ambiance dérangeante et glauque.
C’est un challenge continu comme la vie elle-même, où les dangers peuvent surgir à chaque instant…
Les lieux à visiter sont divers et variés, de la forêt dense et calme à la ville décrépite et l’usine abandonnée, avec à chaque fois les pièges appropriés.
Sous son apparence enfantine et naïve se cache un jeu violent, limite gore… à sa manière ! Car il n’est jamais question de litres de sang ici, mais seulement de morts parfois brusques, brutales et sadiques, traitées d’une manière froide qui choqueront à coup sûr les enfants, ce qui justifie qu’il soit classé 18+.
La durée de vie d’environ une demi-douzaine d’heures est correcte et les checkpoints ont été astucieusement disséminés afin de ne pas gêner le joueur dans sa progression.
C’est difficile de décrocher de ce voyage tant il est intense et envoûtant, et la progression qui s’effectue de phase en phase sans quasiment aucun temps mort se pratique avec une difficulté progressive et équilibrée, sans trop rebuter le joueur qui s’enchantera de l’ingéniosité des puzzles proposés. Même s’il doit mourir maintes fois pour apprendre le parcours à effectuer avec le timing adéquat, ou résoudre les casse-têtes en utilisant souvent les lois de la physique, chose qui peut apporter une petite dose de frustration vite effacée par des passages mémorables qui forceront le sourire du gamer…
Même si le jeu n’a pas une grande replay value, on peut quand même y retourner de temps en temps en sélectionnant, à partir du menu, un des niveaux déjà parcourus.
Limbo, à l’instar d’un Heart of Darkness, d’un Ico ou d’un Shadow of the Colossus, impose la classe de sa réalisation raffinée et restera à coup sûr gravé dans la mémoire de tout joueur qui l’aura un jour essayé, sentant qu’il a entre les mains un petit chef-d’œuvre de créativité. Car le tout est artistiquement émouvant, tout en se démarquant de la vaste majorité des jeux actuels, formatés, en apportant une sensibilité et un degré de finition rarement atteints. Merci !
Le mot de la fin :
L’évolution du fabuleux média qui nous a fait tant rêver, le jeu vidéo, ne s’effectue presque plus par le biais des grands studios, lesquels sont devenus des multinationales en développant, à coups de millions de dollars, des blockbusters basés sur des franchises aux mécanismes de jeu confirmés et sans surprises, seulement créés pour le profit et pour satisfaire une large clientèle fidèle sans jamais chercher à innover, synonyme de prise de risques pour eux, et donc aussi synonyme de pertes probables d’argent.
Il faut souvent se tourner vers les studios indépendants peuplant les plates-formes de téléchargement et qui ont encore l’audace de créer des œuvres originales, innovantes et personnelles à un prix généralement avantageux, aux environs d’une dizaine d’euros (en l’occurrence 1.200 points Microsoft), qui intéresseront les puristes ; et ceux qui ont essayé Braid, Machinarium, World of Goo, Angry Birds, Super Meat Boy, Flower, Cut the Rope, etc. ne diront pas le contraire !