A la grande époque des jeux de plates-formes, on avait tendance à se méfier des jeux à licence, hormis de rares exceptions comme les jeux estampillés Disney. Des films ou des dessin animés tout ce qu’il y a de plus réussi pouvaient donner naissance à des jeux minables, les programmeurs ayant préféré tabler sur la capacité d’appel du film en question plutôt que sur la conception d’un gameplay intéressant. Aussi, lorsqu’on entendit parler d’un jeu de plates-formes dédié à l’un des plus épouvantables amuseurs publics dont le P.A.F ait jamais pu nous gratifier, il y avait tout lieu de craindre le pire. Et pourtant
Le brave Moktar souhaiterait rallier Marrakech, en délivrant au passage sa copine, la Zoubida, séquestrée dans son HLM par une mère possessive. Evidemment, le tout-Paris va se mettre en travers de sa route. Que Moktar traverse des rues glauques, un chantier, les couloirs du métro, les catacombes ou escalade l’immeuble délabré où l’attend sa bien-aimé, les créatures avides d’accrocher son scalp et son turban à la cheminée du salon de manqueront pas : chiens féroces, moucherons, rats et autres vermines, skinheads, clodos hargneux, retraités fanatiques de la gâchette, poupons tueurs sournoisement planqués dans leur landau, cannibales armés d’un couteau et d’une fourchette, on ne peut pas dire que Paris soit une ville accueillante pour notre fuyard méditerranéen.
Moktar n’a aucun moyen de défense contre ses ennemis. Sauter à babouches jointes sur l’ennemi n’aura pour seul effet que de l’envoyer valser à 5 mètres en arrière et quelques simples contacts suffisent pour l’envoyer ad patres. Le seul système de défense connu de sera de ramasser tout ce qui traîne (caisses, sac poubelles, pots de peinture, bouteilles, rochers) pour l’expédier à la face de vos adversaires. Les objets ne sont utilisables qu’une fois de cette façon, après quoi ils disparaissent. Il est également possible, si d’aventure vous vous attachiez à l’un ou l’autre projectile potentiel, de neutraliser un ennemi tout en conservant l’objet. Il faut pour cela, depuis une position surélevée, le laisser tomber sur le crâne du fâcheux. Autant dire qu’une précision d’horloger sera requise pour cette méthode et que, vu la profusion de caisses disponibles dans le jeu, on a vite tendance à se rabattre sur la bonne vieille méthode du tir ajusté en pleine poire. Quelques objets peuvent néanmoins être réutilisés à volonté : les balles bleues, les bennes à ordure, le skateboard et le tapis volant, ces deux derniers pouvant en outre servir de moyen de transport plus rapide. Finalement, Moktar ressemble diablement à une version améliorée et francisée de l’antique Blues Brothers du même éditeur.
Au vu de ces nombreuses difficultés et handicap, on pourrait croire que Moktar propose des fréquentes sauvegardes de la partie. Hé bien non ! Des codes existent pour vous permettre de reprendre la partie au début de chaque niveau (assez longs, entre parenthèses, ces niveaux) mais ces codes ne vous sont pas donnés automatiquement. Il faudra d’abord mettre la main dessus, planqués quelque part dans le niveau, sous la forme d’une icône en forme de lampe de génie. Dur, dur !
A noter que pour la version américaine, Moktar a été remplacé par la mascotte de la compagnie française, Titus the fox. Vu que le public américain ignore probablement tout de cette pointure du divertissement intelligent qu’est Vincent Lagaff’, c’est bien légitime. Hormis cela, le jeu est identique jusque dans sa dernière arabesque.
Graphismes : Pour l’époque, Moktar était une véritable réussite graphique pour un jeu de plates-formes sur PC. Même si le jeu se déroule toujours la nuit ou dans des endroits obscurs, les couleurs sont plutôt chatoyantes. Les personnages, caricaturaux au possible, sont hauts en couleurs et plutôt amusants. Et mine de rien, les décors fourmillent de petits détails.
Animation : Là, malheureusement, c’est un peu comme dans tous les jeux Titus. Il n’y a pas de scrolling à proprement parler, juste l’écran qui se déplace un grand coup quand on arrive au bord de l’écran. Assez désagréable comme système.
Jouabilité : Moktar n’est pas particulièrement difficile à maîtriser, si on ne tient pas compte de ce système de scrolling assez énervant, et d’une certaine lourdeur propre aux jeux de plates-formes typiques des anciens PC. Il faut néanmoins un peu de pratique pour saisir prestement un objet et le lancer en un clin d’il. Moktar n’avait pas forcément besoin de cette difficulté supplémentaire. Le niveau de difficulté est particulièrement élevé et réserve ce jeu à des joueurs chevronnés.
Son : : La Zoubida et autres thèmes orientalisants sont massacrés de manière assez déplorable. Déjà que ce n’était pas forcément du grand art à la base. On ne pourra guère compter sur les bruitages pour rattraper le coup.
Intérêt : 14/20 Au vu de tout ceci, Moktar semble posséder suffisamment de défauts pour être rangé dans la catégorie des productions bâclées sur base d’un thème porteur.
Et pourtant, il s’agit d’un des meilleurs jeux de plates-formes en 2D de cette période de l’histoire vidéoludique du PC. Cela tient davantage à l’univers décalé du Paris à la sauce Lagaff’ et aux ennemis tous plus débiles les uns que les autres, qu’à une quelconque originalité dans la progression. Moktar ressemble en effet diablement au vieux jeu consacré aux Blues Brothers, si ce n’est qu’il est évidemment plus travaillé que son sympathique ancêtre. Malgré sa difficulté parfois rebutante, Moktar parvient à donner l’envie de s’accrocher, histoire de faire connaissance avec de nouveaux ennemis plus idiots que les précédents. Un excellent jeu de plates-formes « à l’ancienne ».