Avec Space Quest, King’s Quest et Police Quest, Leisure Suit Larry fut une des séries de jeux d’aventure Sierra les plus populaires des années 80 et du début des années 90. Sa particularité était d’être ouvertement destinée à un public adulte. Leisure Suit Larry était en effet axé sur la gaudriole, puisqu’on y suivait les péripéties sentimentales de Larry, un informaticien toujours puceau à 40 ans, qui tentait désespérément de corriger le tir en draguant dans les bars. Chacune des approches de Larry se terminait bien évidemment dans la lose la plus totale, avec force rebondissements humoristiques assez bien sentis. La série s’était arrêtée à son septième épisode en 1996, avant d’être réactivée 8 ans plus tard… avec un saut d’une génération. On se retrouve cette fois à gérer la misère sexuelle de Larry Lovage, le neveu encore aux études du vieux séducteur des années 80… qui partage néanmoins avec son tonton un goût immodéré pour les jeunes filles aux formes pleines et voluptueuses, aux lèvres charnues et sensuelles, à la chute de reins interminable, à… hum, excusez moi, je m’égarais. Toujours est-il que Larry Jr compte bien profiter de son séjour à l’université pour déflorer les plus belles filles du lieu. Mais, fidèle à la tradition familiale, Larry possède une propension quasi surhumaine à se planter dans les grandes largeurs ou à se retrouver imbriqué dans des situations honteuses qu’on ne souhaiterait même pas à son pire ennemi… !
À la manière d’un GTA estudiantin, Larry peut évoluer librement à travers l’univers du jeu, qui se divise en trois zones (campus, centre-ville et bas-fonds) qui comprennent elles-mêmes de nombreux bâtiments universitaires, habitations, bars ou magasins dans lesquels on peut pénétrer. En l’occurrence, les «missions» sont ici une vingtaine de séduisantes jeunes filles, et Larry déploiera des trésors d’imagination et de mauvais goût afin de les amener jusqu’à son plumard. Les bombasses en question correspondent en tous points aux clichés véhiculés par des films comme American Pie : on rencontrera donc une Texane un peu conne avec chapeau et bottes de cowboy inclus, une geek passionnée de Donjons & Dragons, une activiste de la cause animale, une artiste conceptuelle, une nymphette toute douce et toute gentille qui se révèle être en réalité le pendant féminin d’un maniaque sexuel, une sicilienne avec un papa très protecteur, une étudiante d’échange russe, et beaucoup d’autres.
Pour pouvoir assouvir ses fantasmes avec chacune de ces donzelles, Larry devra réussir plusieurs épreuves en forme de mini-jeux, variables selon la fille qu’il aborde. L’épreuve de la conversation, par exemple, obligera Larry à déployer tout son bagout et sa verve pour impressionner sa proie. Le joueur, lui, dirigera un spermatozoïde dans une fenêtre en bas de l’écran, et devra attraper les icônes vertes et esquiver les rouges pour remplir une jauge de sex-appeal. Chaque icône verte signifie que Larry a réussi à en placer une bien bonne dans la conversation, tandis que les icônes rouges verront Larry verser dans la lose absolue avec une blague nulle, une réflexion ordurière ou une remarque vexante. Autre exemple : l’épreuve de danse (ou de trampoline) demande simplement d’appuyer très rapidement sur les boutons qui s’affichent à l’écran. On trouvera aussi un jeu de «quarters» (réussir à lancer une pièce de monnaie dans une chope) qui s’effectuera en imprimant un mouvement sec à la souris. Chaque fois qu’il rate son coup, le perdant doit asphalter une bière, ce qui rend la souris plus difficile à contrôler. L’objectif ultime est bien entendu que la fille roule sous la table avant Larry. D’autres mini-jeux sont également au programme, comme la distribution de tracts «à la volée» pour gagner un peu d’argent, la recherche d’objets à travers la zone de jeu ou les courses-poursuites dans ces mêmes zones (par exemple, avec les hommes de main du papa de la Sicilienne, à qui Larry avait exposé ses vues de manière un peu trop directe !).
Réalisation graphique
Pour son premier passage à la 3D, Leisure Suit Larry s’en tire plutôt bien. Certes, on n’est pas en face de la huitième merveille du monde. Les bâtiments sont aussi géométriques que grossièrement colorés, et les sprites manquent souvent de finesse (hormis, nature du jeu oblige, certaines textures «rebondies» qui n’ont rien à envier au dernier Tomb Raider). L’essentiel, c’est que la caricature d’un milieu étudiant américain (confrérie à la déco criarde, bar sombre, bibliothèque en boiseries, dortoirs crasseux) soit parfaitement reproduite.
Jouabilité/difficulté
La grosse faiblesse de Magna Cum Laude. Non que le jeu soit compliqué à contrôler : vu la nature des actions à effectuer, il ne l’est pas davantage qu’un Game & Watch, mais l’idée de remplacer les traditionnelles recherche et combinaison d’objets, ainsi que les dialogues, par des mini-jeux qu’un enfant de 5 ans trouverait rapidement ennuyeux ne se justifiait pas vraiment. D’autant plus que ces mini-jeux ne sont finalement guère nombreux et qu’il faut les reproduire inlassablement de mission en mission. Il faut vraiment faire preuve de beaucoup de tolérance et d’abnégation pour aller au-delà des trois ou quatre premières cibles.
Son
Ici par contre, on peut saluer le travail de localisation effectué. La VF est aussi vulgaire que la VO ! Blague à part, on aurait pu craindre que le soft ne soit édulcoré ou que les références de campus U.S. soient mal comprises. Mais non, Leisure Suit Larry a été parfaitement adapté au public francophone.
En bref : 7/20
Le grand retour de Larry le loser sur PC est un échec cuisant et ce, pour plusieurs raisons. Premièrement, il y a ce gameplay idiot dont on ne perçoit toujours pas la raison d’être. Si ces mini-jeux avaient été intercalés au sein d’un jeu d’aventure classique, on aurait applaudi sans hésiter puisqu’à petite dose, ils restent amusants et originaux. Mais que le gameplay complet du jeu en soit réduit à cela est une erreur tactique très grave. Bon sang, on ne se ruine quand même pas tous les deux ans pour racheter une bécane de combat pour se farcir des nano-games à faire passer Donkey Kong ou Space Invaders pour des sommets de technologie ! Deuxièmement, les développeurs auraient prévu une cinquantaine de mini-jeux personnalisés en fonction de chaque fille, qu’on se serait montré indulgent. Mais avec une petite dizaine d’épreuves en stock, Leisure Suit Larry se limite en fait à une fastidieuse et répétitive succession de gadgets, fort similaire à ces petits bouffe-temps qu’on reçoit par mail au boulot (le lancer de pingouin, le jeu de l’archer réalisé avec Excell, etc.). Difficile de se passionner pour ce genre de choses en dehors du contexte professionnel, où observer les mouches qui font l’amour sur la lampe de bureau devient tout de suite un dérivatif hyper intéressant. En fait, le seul intérêt du gameplay est de permettre la poursuite du scénario et la découverte de nouvelles gonzesses. Pas franchement enthousiasmant comme objectif. Voilà pour le fond, qui suffit déjà à enterrer Leisure Suit Larry dans la fosse commune à nanards vidéoludiques. Attaquons-nous maintenant à la forme. Oui, Leisure Suit Larry : Magna Cum Laude est drôle… à l’occasion. De temps en temps. Pas souvent en fait. Le côté «osé» pour l’époque - mais plutôt fin - des épisodes des années 80 est passé à la trappe au profit d’une approche bite-nichons-couilles qui lasse très rapidement. Ne vous y trompez pas : je ne fais partie d’aucune ligue pour la promotion de la vertu, et je suis le premier à me marrer avec de l’humour gras et bas de plafond… pour autant que ce soit drôle. Or, malgré quelques bonnes vannes et situations savoureuses ici et là, Magna Cum Laude pratique plutôt la vulgarité pour la vulgarité, sans être pour autant d’une force comique irrésistible. Ultime clou dans le cercueil de Magna Cum Laude : à une ou deux reprises, Larry Jr parviendra de fait à tirer sa crampe. Une véritable trahison envers l’esprit de la série qui achève, s’il en était besoin, de discréditer ce soft exclusivement destiné à une unique catégorie d’individus : les célibataires puceaux qui rient de tout et de rien et n’ont jamais posé les mains sur un jeu vidéo avant celui-ci.